Accueil Édition Abonné Rixe mortelle dans le métro parisien: les Français vont-ils s’habituer?

Rixe mortelle dans le métro parisien: les Français vont-ils s’habituer?


Rixe mortelle dans le métro parisien: les Français vont-ils s’habituer?
Image d'illustration Unsplash

Samedi soir un homme est mort, il a reçu deux coups de couteau à la station Bercy, sur le quai de la ligne 6 du métro parisien. 


La ligne 6 dessert toute la rive gauche. On y trouve de belles verrières et le viaduc de Bir-Hakeim, lequel fait la joie des touristes émerveillés par la Tour Eiffel. Entre chambres d’hôtels hors de prix et brasseries à l’affût, certains touristes dépensent toutes leurs économies pour s’offrir un petit séjour dans cette ville qui fait encore rêver. Pour parfaire leurs vacances, on leur joue parfois de l’accordéon sur la ligne 6. S’ils sont chanceux, les touristes peuvent même y entendre la marche turque de Mozart façon bal musette. 

Un Soudanais allant sur la trentaine

Du meurtre qui a eu lieu samedi soir sur cette ligne, l’essentiel des informations diffusées provient d’une dépêche AFP. On sait qu’une bagarre a éclaté entre deux hommes vers 22h20 sur le quai de la station Bercy. Se connaissaient-ils ? On ne le sait pas. En revanche, on sait que l’un des deux avait sur lui un couteau d’une lame de 30 centimètres. C’est lui qui a été projeté sur les rails. Il s’est alors vengé en portant deux coups de son long couteau sur sa proie, restée à quai. L’un à l’abdomen, l’autre au thorax. À 22h59, la victime rendait l’âme. 

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Du meurtrier, on sait juste que c’est un Soudanais allant sur la trentaine. Il semble que l’essentiel des Soudanais exilés aient fui la violence du régime d’Omar Al-Bachir, autocrate islamiste qui a dirigé son pays d’une main de fer pendant trente ans. Le meurtrier a-t-il traversé le Sahara à pied ? A-t-il été traité comme un moins que rien en Libye avant de risquer sa peau dans un canoë pneumatique pour rejoindre l’Europe ?  En tout cas, il était sans doute prêt à fuir son pays « quoi qu’il en coûte ». Son long voyage a pris fin en France, un pays en paix, et qui plus est à Paris, une ville que beaucoup espèrent connaître un jour, tant dans nos régions qu’à l’étranger. 

Quand on a la chance d’être sur la ligne 6, une des lignes de métro les plus agréables au monde, d’où l’on peut donc admirer la Tour Eiffel – ou d’élégantes Parisiennes – en écoutant de l’accordéon, comment peut-on en arriver à se promener avec une lame de trente centimètres avant de trucider un homme sur le quai ? Si quelqu’un a un début d’explication, qu’il se manifeste ! De l’homme trucidé, aucune information n’a été donnée. Peut-être était-ce un Soudanais lui aussi – auquel cas, il pourrait s’agir d’un règlement de comptes -, peut-être était-ce un électeur d’Anne Hidalgo, ou encore, un habitant des « territoires » déçu par la capitale et s’apprêtant à plier bagage ? À ce stade, toutes les spéculations sont permises…

Jungle urbaine

Justement, Anne Hidalgo a-t-elle réagi ? Non. Et Valérie Pécresse, qui vient d’être réélue présidente de l’Île-de-France ? Non. Et le jeune Jordan Bardella – qui vient de réunir 11% des voix lors de la même élection -, d’habitude si à cheval sur la sécurité ? Non plus, il semble trop occupé à congratuler sa cheffe sur Twitter pour son congrès perpignanais. Il ne s’agit pourtant pas d’un simple fait divers, car il y a des précédents. En avril dernier, un trentenaire s’est immolé sur le quai de la station Pigalle. Et le 19 juin, une très violente bagarre entre deux groupes a eu lieu sur le quai du RER D en Gare de Lyon. « Avec mes collègues, nous ne sommes pas plus choqués que ça. C’est ce niveau de violences auquel sont confrontés quasi quotidiennement nos collègues sur le terrain », commentait alors le syndicaliste policier Mickaël Dequin. 

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Que des policiers ne soient même plus choqués, c’est une chose, mais devra-t-il désormais en être de même pour le citoyen lambda ? S’il n’est pas sain de faire inutilement monter la sauce sécuritaire, ne serait-il pas dangereux de tomber dans une espèce d’accoutumance à des actes qu’on ne voyait pas il y a encore dix ans ? En discutant avec des habitants du Mexique, de Colombie ou d’autres pays endeuillés par la violence depuis des dizaines d’années, on est frappé par le degré de résilience de ces populations qui ne s’en indignent même plus et ont abdiqué, ayant appris à cohabiter avec la violence au jour le jour. Et si nous en étions déjà là nous aussi ?




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Enseignant, auteur du roman "Grossophobie" (Éditions Ovadia, 2022).

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