À Tel Aviv, dans un pays en guerre, notre journaliste Ivan Rioufol a rencontré des Israéliens profondément amers. L’angélique naïveté d’une cohabitation possible avec les Palestiniens semble loin derrière eux.
Aéroport de Tel Aviv quasi-désert. Seule la compagnie israélienne El Al dessert le pays, en guerre depuis le 7 octobre. Les hôtels, vidés de leurs touristes, ont été pour la plupart réquisitionnés pour y héberger les familles israéliennes évacuées des zones proches de Gaza. C’est le cas de l’hôtel où je me trouve ce lundi matin, face à la mer : joggeurs, baigneurs. Mais la ville habituellement électrique vit au ralenti. Telles sont les premières impressions du voyageur qui débarque, pour y découvrir une nation profondément traumatisée par l’attaque surprise du Hamas et par l’humiliation subie par Tsahal (1400 morts, 230 otages). « On s’est endormis », reconnait Yossi Kuperwasser, ancien chef de la division de recherche du renseignement militaire, rencontré dimanche à l’initiative de la branche française du KKL, ONG israélienne.
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Des premiers témoignages recueillis, il ressort une profonde amertume sur l’angélique naïveté d’une cohabitation possible avec les Palestiniens. L’expérience de l’autonomie accordée à Gaza il y a 18 ans pousse les interlocuteurs à reconnaître que ce statut a été malheureusement mis à profit pour propager la haine des juifs au lieu de développer le territoire. « Dès qu’on se sépare des Palestiniens, ils veulent nous chasser », constate Kuperwasser. Daniel Saada, ancien chargé d’affaires de l’Ambassade d’Israël en France, rappelle pour sa part avoir alerté depuis des lustres sur le vrai visage du Hamas, tel qu’il s’est révélé le 7 octobre dans sa diabolique barbarie.
Chacun ici veut croire que le peuple israélien, qui se déchirait il y a encore peu sur la politique et la Justice, s’est durablement ressoudé et renforcé dans l’adversité. Force est d’ailleurs de remarquer que les Arabes Israéliens, qui ont été aussi victimes des égorgeurs du Hamas (le chiffre de 20 morts parmi eux est avancé), se gardent pour l’instant de rejoindre les foules pro-Hamas de la « rue arabe » à travers le monde.
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Reste l’incertitude sur l’avenir de Gaza. Israël est certes déterminé à éradiquer le mouvement terroriste islamiste. Une déroute du Hamas serait vue par l’État hébreu comme celle des parrains de l’organisation djihadiste que sont l’Iran, le Qatar, les Frères musulmans, Daesh. Les Gazaouis, qui pour certains travaillaient en Israël, sont désormais durablement indésirables. Cependant, aucune solution de rechange au Hamas n’existe à ce stade d’une guerre non programmée, sinon d’envisager dans la durée un contrôle militaire du territoire. Faut-il s’attendre à ce qu’Israël reprenne pied sur ces terres évacuées naguère par Ariel Sharon, dans la douleur des familles juives expulsées ? La question est dans l’air, même si cette éventualité d’un retour d’Israël n’emballe a priori personne. Une chose est sûre dans l’immédiat : la perspective souhaitable de deux États n’est toujours pas l’issue la plus proche. « Il faut d’abord dénazifier la société palestinienne », explique Kuperwasser.
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