Accueil Édition Abonné Avril 2023 Les grosses ficelles macroniennes ne fonctionnent plus, la rue ne se taira pas de sitôt

Les grosses ficelles macroniennes ne fonctionnent plus, la rue ne se taira pas de sitôt

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Les grosses ficelles macroniennes ne fonctionnent plus, la rue ne se taira pas de sitôt
© Alain Jocard /pool photo via AP

La morgue présidentielle est la première cause de la rage qui a gagné la société. Non content de ne pas vouloir entendre les gémissements de la France ordinaire, trop «populiste» à son goût, c’est sur la classe moyenne que s’acharne aujourd’hui le «Mozart de la finance».


Emmanuel Macron ? Jamais de sa faute. Une anecdote dit son caractère : la scène, filmée par TF1, se passe le 20 octobre 2017, dans son bureau à l’Élysée. Trois jeunes ministres papotent avec le chef de l’État. Soudain, Némo, le chien du président, se met à pisser devant la célèbre cheminée, devant laquelle furent photographiés tous les présidents depuis Charles de Gaulle. « Ça arrive souvent ? » demande un des interlocuteurs. « Non, vous avez déclenché chez mon chien un comportement totalement exceptionnel », répond en riant, sans bouger de son canapé, le maître de l’animal mal dressé. Il ne vient pas à l’idée de Macron, adorateur de lui-même, de s’excuser au nom de son labrador griffon noir, ni encore moins de l’engueuler. Non. Les responsables sont les trois visiteurs, coupables d’avoir perturbé le compagnon élyséen. Pourquoi cette histoire de pipi de chien ? Parce que les Français sont traités de la même manière que ces trois boucs émissaires. Les citoyens endurent les frivolités du président et sont priés d’éponger. Jamais un chef d’État n’a autant méprisé son peuple.

Une époque prend fin sous nos yeux

La morgue présidentielle est à la source de la rage qui a gagné la société. Non content de ne pas vouloir entendre les gémissements de la France ordinaire, trop « populiste » à son goût, c’est sur la classe moyenne que s’acharne le « Mozart de la finance ». En l’accablant d’une réforme des retraites mal pensée, Macron s’est résolu, le 13 mars, à engager le 49-3, de peur de voir les députés rejeter son projet. « Je considère qu’en l’état les risques financiers, économiques, sont trop grands », a-t-il expliqué pour justifier son bras d’honneur lancé à l’Assemblée nationale indocile. Autrement dit : après s’être montré incapable dès son premier quinquennat de désendetter d’un centime l’État hypertrophié, après avoir dépensé 300 milliards d’euros supplémentaires pour une crise sanitaire hystérisée, le président de la République a choisi de rendre ses concitoyens comptables de ses propres manquements. Réformer les retraites plutôt que réformer l’État : telle est l’option de l’homme qui s’aimait trop. Or, cette défausse sur la populace à plumer ne passe plus. « Jamais les smicards n’ont vu autant leur pouvoir d’achat augmenter depuis des décennies », a osé dire le monarque, le 22 mars, sans percevoir l’indécence. L’ombre de Louis XVI plane sur la place de la Concorde, ce rendez-vous de l’histoire qui s’écrit.

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Une époque prend fin sous nos yeux. Macron le Magnifique aura eu le tort de s’autoproclamer ni responsable ni coupable. Sa devise « c’est pas moi, c’est lui » s’est installée en permanente provocation. Il l’a réitérée ce 22 mars en accusant les syndicats de ne lui avoir pas proposé de « compromis » sur les retraites. Son arrogance n’est certes pas la seule explication qui a rendu la France éruptive. Cela fait des lustres que le peuple infantilisé est désigné comme coupable des épreuves qu’il endure à cause des fautes de ses « élites ». Non, ce n’est pas la « diversité », bénie par les bons apôtres qui se succèdent au pouvoir, qui est la cause de la dislocation de la société et de l’insécurité qui pourrit la vie. Si la France va mal, c’est parce que les Français sont « racistes », « islamophobes », « d’extrême droite ».

Cinquante siècles bousillés en 50 ans

« Fascistes » même, à en croire Edwy Plenel qui lance un « Appel à la vigilance » contre « l’Ur-fascisme susceptible de revenir sous les apparences les plus innocentes ». Macron s’installe dans ce manichéisme quand il désigne le populisme comme un danger à éradiquer. Il s’installe dans le mépris quand il parle de « pédagogie » pour expliquer ses désirs à ceux d’en bas. Mais le populisme n’est autre que la voix de la multitude. Elle ne veut plus subir les désastres d’une oligarchie qui a bousillé le pays. Un exemple : le choix du sabotage en 2012 du parc nucléaire s’est fait « sur un coin de table » (Arnaud Montebourg) et « sans étude d’impact » (Manuel Valls). Je relève, dans ses « carnets intimes[1] », cette réflexion d’Alain de Benoist : « Il faut un siècle pour faire un arbre, un quart d’heure pour le couper. Une civilisation, c’est pareil : cinquante siècles bousillés en cinquante ans. » Et voilà.

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La coupe est pleine ; elle déborde. Le Tout-sauf-Macron approche du non-retour. C’est en despote incendiaire que le président s’autocaricature quand il assure, en se disant victorieux du rejet de la motion de censure à neuf voix près : « Il n’y a pas d’alternative. » Cette expression est la rengaine de la Macronie depuis la crise du Covid. Gabriel Attal a martelé ce credo lorsqu’il était porte-parole du gouvernement pour justifier les mesures liberticides et discriminatoires – enfin contestées – prises au nom d’un hygiénisme d’État hystérisé. En mars 2019, en appui de la campagne des européennes, La République en Marche avait produit un clip apocalyptique mêlant images d’inondations et de chemises noires, craintes du réchauffement et du populisme, avec ce message prononcé par Macron : « Regardez votre époque. […] Vous n’avez pas le choix. » L’ordre macronien ne cesse de fabriquer des peurs (du climat, d’un virus, de Mélenchon, de Le Pen, de la guerre) pour consolider sa place exclusive en maltraitant la démocratie. Mais ces grosses ficelles ne fonctionnent plus. Le peuple en rogne demande des comptes.

La rue ne se taira plus de si tôt. Elle sait qu’elle n’est pour rien dans l’état du pays. La démocratie, confisquée par une caste assiégée, oblige à ces protestations des foules. Celles-ci disent l’urgence d’une démocratisation de la vie publique, afin de laisser sa place à la société civile et à son désir d’expression politique. Une enquête OpinionWay pour le Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po), parue dans Le Monde du 14 mars, le confirme : près des deux tiers des Français considèrent que la démocratie ne fonctionne pas bien ; plus qu’ailleurs, ils demandent une plus grande implication de la société civile dans la vie politique. Macron, lui, a décrété que l’urgence était de tenir, en lançant des mots creux comme des bouées. Pari intenable.

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[1] L’Exil intérieur, Krisis, 2022.

Avril 2023 – Causeur #111

Article extrait du Magazine Causeur




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Journaliste, éditorialiste, essayiste. (ex-Le Figaro, CNews, Causeur)

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