Tous les choix du chef de l’État se sont soldés par des impasses. Emmanuel Macron ne peut survivre jusqu’en 2027 qu’au prix de l’immobilité et compte sur son sixième Premier ministre pour dynamiser l’inertie. C’est pourquoi une démission serait l’issue la plus souhaitable.
Emmanuel Macron passera-t-il 2025 ? La question se pose, même s’il la récuse. La raison en est simple : un pouvoir contesté ne peut congédier durablement toute une partie d’un peuple pour s’en protéger. Seuls les régimes totalitaires procèdent ainsi. C’est pourtant ce choix despotique qu’a fait Emmanuel Macron, dès le 5 décembre, en dénonçant un « front antirépublicain » (le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national) jugé coupable d’avoir osé voter la censure du gouvernement de Michel Barnier. La crise de la démocratie, qui défigure la Ve République épuisée, ne peut se guérir en excluant les « extrêmes », c’est-à-dire ceux qui ne pensent pas comme le pouvoir. Comment se prétendre président de tous les Français en effaçant de la vie politique près de la moitié d’entre eux ? Comment ces pestiférés peuvent-ils se faire entendre autrement qu’en élevant toujours plus la voix ? Le coup de semonce du 3 décembre de Marine Le Pen, qui a conduit à la démission du Premier ministre, se reproduira si le chef de l’État, accroché à sa fonction, persiste dans son ostracisme. Dans sa fuite en avant, Emmanuel Macron est l’obstacle à la concorde promise par François Bayrou, nommé à Matignon un vendredi 13.
La radicalité présidentielle ne peut susciter en réponse que la radicalité des indésirables. Le centrisme réconciliateur, dont se réclame le biographe d’Henri IV, est d’ailleurs un trompe-l’œil. Bayrou est un adepte du barrage républicain. Il a voté contre Nicolas Sarkozy en 2012, à cause de ses « obsessions » sur l’immigration à réduire et les frontières à rétablir. Il fait partie des mandarins reclus dans leur Cité interdite. Tandis que les parias tambourinent aux portes de l’enclos, le ministre démissionnaire de la fonction publique Guillaume Kasbarian dévoile sa vie intime en se faisant photographier (Paris Match, 5 décembre), allongé sur son Chesterfield, la tête sur le torse de son compagnon, sous le titre : « L’amour malgré les turbulences ». Cette légèreté résume un monde évanescent et nombriliste. Même les cérémonies de réouverture de Notre-Dame, les 7 et 8 décembre, ont reproduit, dans la parade du clergé, le réflexe élitiste qui écarte le peuple de la caste des puissants. Non seulement les fidèles auront été tenus à distance de la cathédrale renaissante mais les prêtres, relookés par Jean-Charles de Castelbajac, n’auront pas eu l’idée d’aller à la rencontre de la foule catholique pour lui offrir la communion, réservée aux invités de marque. Le pape François a eu raison de préférer se mêler, le 15 décembre, à la piété du peuple corse plutôt qu’à ces mondanités parisiennes.
Rien ne va dans cette haute France à la tête vide. Ses dirigeants ne s’inquiètent que de leur sort. Les « politiciens et technocrates » (David Lisnard) sont des boulets qui empêchent le pays d’avancer. La « machinerie des partis » (Marc Bloch) oblige à penser petit. Les idéologues de l’universalisme vaporeux tétanisent la fierté collective. Certes, Notre-Dame incendiée a pu être reconstruite en cinq ans grâce à l’implication du président. Mais son mérite aura consisté à libérer des entraves étatiques une somme de savoir-faire et d’initiatives privées. Or il s’est gardé d’appliquer cette méthode à la société empoissée par les règlements, les interdits, la déresponsabilisation généralisée. Au lieu de cela, le chef de l’État aura donné le spectacle d’un monarque esseulé cherchant sa survie dans l’effacement du peuple réfractaire. La rencontre à l’Élysée, le 10 décembre, des acteurs politiques, hormis LFI et le RN, restera comme le témoignage d’un régime à bout de souffle. Bayrou était de ce conciliabule de la honte. Macron ne peut survivre jusqu’en 2027 qu’au prix de l’immobilité. Il compte sur son sixième Premier ministre pour dynamiser l’inertie. C’est pourquoi une démission serait l’issue la plus souhaitable.
La voie libérale se profile comme l’alternative pour en finir avec la France suradministrée et sous-gouvernée. L’étatisme acharné est devenu incontrôlable. La dépense publique représente 57 % du PIB ; un travailleur sur cinq est fonctionnaire ; le pays supporte deux à trois millions de normes ; pour la seule année 2023, 8 000 lois, décrets, arrêtés ou circulaires ont été publiés ; il existe 313 commissions consultatives, 1 200 agences d’État souvent inutiles, dont le haut-commissariat au plan où pantouflait Bayrou. Elon Musk, dont la présence à Notre-Dame attira les regards d’une classe politique impuissante, ouvre la voie aux coupes claires quand il propose, pour les États-Unis, de réduire le budget fédéral (7 000 milliards de dollars) de 2 000 milliards d’ici 2026 ! L’Argentin Javier Milei, élu il y a un an (10 décembre 2023) avec une tronçonneuse comme symbole de sa promesse d’élaguer les interventions publiques, peut déjà se targuer d’avancées économiques, dont une inflation en baisse. Quand le RN et son allié républicain expliquent, à propos de la défiance votée contre Barnier, avoir sanctionné « un budget socialiste » (Marine Le Pen) et « anti-entreprise » (Éric Ciotti), il est loisible de voir dans ce souverainisme, qui dénonce aussi les « dépenses toxiques », une mue vers un libéralisme.
Tous les choix du chef de l’État se sont soldés par des impasses. Sa dialectique voulait opposer les progressistes aux populistes, les déracinés aux enracinés, les méritants à ceux qui ne sont rien, les mondialistes aux souverainistes, etc. En allant au bout de ces affrontements, Macron n’a contribué qu’à accentuer la fracture entre ceux d’en haut et les citoyens qui, pour certains, lui vouent une véritable haine. La perte de la souveraineté nationale au profit d’une souveraineté européenne a été le prétexte pour Ursula von der Leyen d’imposer, le 6 décembre, l’accord de libre-échange avec des pays d’Amérique du Sud (Mercosur), en dépit de l’opposition française. L’arrestation à Alger, le 16 novembre, de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, coupable d’avoir exprimé librement ses opinions, a illustré la faiblesse de l’État, incapable de se faire respecter d’une dictature et de ses maîtres chanteurs. La France peut renaître malgré tout. Mais elle ne peut rien attendre de ceux qui l’ont saccagée, Bayrou y compris.