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Rima Hassan, l’ambiguë-tragique

À LFI, un double discours permanent sur Gaza


Rima Hassan, l’ambiguë-tragique
Rima Hassan en campagne à Paris, 13 mars 2024 © JEANNE ACCORSINI/SIPA

Avec son keffieh palestinien derrière Jean-Luc Mélenchon, Rima Hassan a adressé un nouveau « message subliminal » aux électeurs, dimanche soir. La militante n’a jamais vraiment condamné les attaques terroristes du Hamas du 7 octobre en Israël, et quand elle prétend revendiquer la création d’un État binational démocratique en résolution au conflit israélo-palestinien, c’est en fait une façon chic de réclamer la destruction de l’État juif. Démonstration.


Le 9 juin, Rima Hassan a été élue députée européenne. Sur le bulletin de vote LFI, la militante pro-palestinienne d’origine syrienne est présentée comme « engagée pour un cessez-le-feu à Gaza ». Or, qu’en est-il exactement ? Un examen de ses prises de paroles depuis son entrée en politique nous permet d’en douter fortement.

Fin novembre 2023, Rima Hassan participe à un entretien avec le média en ligne Le Crayon. Un des principes de l’émission consiste à répondre par « oui » ou par « non » à une série de questions. Rima Hassan répond « oui » quand on lui demande si « le Hamas mène une action légitime » (sic). Quand cet extrait est diffusé sur YouTube au mois de janvier, puis par l’émission Quotidien sur TMC le 11 mars, la polémique éclate. Le site Arrêt sur images prend la défense de Rima Hassan et écrit que « pour elle, l’action politique du Hamas, contrairement à sa branche armée, est légitime ». Le propos est absurde dans la mesure où on ne peut couper le Hamas en deux tant il s’agit d’un seul et même bloc uni par une même idéologie.

Mais que faisait la députée européenne avec son keffieh palestinien, à gauche de Jean-Luc Mélenchon, dimanche soir ? DR.

« Branche armée » : la plupart des personnes exposées à ses propos ne vont pas faire cette distinction douteuse

Pour Arrêt sur images, qui semble prendre pour argent comptant ce que raconte Rima Hassan, cette dernière parle de la légitimité de l’action du Hamas en dehors de la lutte armée et surtout sans référence aucune à ce qui a été commis le 7 octobre contre les civils israéliens. Pourtant, l’entretien à la chaîne Le Crayon est réalisé moins de deux mois après le 7 octobre. Prétendre, comme Rima Hassan le fait, qu’elle ne se référait pas au 7 octobre quand on la questionne sur la légitimité ou non de l’action du Hamas n’a dès lors aucun sens. Mais surtout, rien n’est plus faux comme on peut le voir à la lecture de ce qu’écrit et publie Rima Hassan sur ses « réseaux sociaux ». Pire encore, la plupart des personnes exposées à ces propos ne vont pas faire cette distinction douteuse. Pour elles – à juste titre par ailleurs – c’est simple : Hamas c’est le 7 octobre et le 7 octobre c’est Hamas.

Cette manière qui consiste à lancer une bombe médiatique qui, grâce à l’outrance des propos, lance une polémique diffusant un message simple (dans ce cas, le 7 octobre est légitime) auprès d’une audience bien ciblée, tout en permettant de proposer une explication à une audience plus exigeante, est la stratégie de communication politique de LFI, décrite et revendiquée par le député Louis Boyard.    

Le Hamas fantasmé comme un mouvement de « résistance »

Dans sa réponse à la polémique née de son entretien à la chaîne Le Crayon, Rima Hassan assure ceci : « Depuis le début, je parle de « crimes de guerre » pour qualifier les attaques du 7 octobre notamment. » Et de préciser qu’elle reconnaît le caractère terroriste de ces attaques. La défense de Rima Hassan est actuellement fausse pour deux raisons.

La première est que le 7 octobre et les jours suivants, sur son compte Twitter, Rima Hassan n’a jamais condamné les actions du Hamas et les a encore moins qualifiées de terroristes. Au contraire, elle a reposté des messages qui exaltaient une action de « résistance ». Le 7 octobre, Rima Hassan publie par exemple le message suivant d’Akram Belkaïd, journaliste algérien au Monde diplomatique : « Les Occidentaux approuvent sans hésitation la « résistance » des Ukrainiens face aux Russes, ils dénient aux Palestiniens qui subissent le joug colonial le droit de résister. Ce n’est plus du « double standard », c’est un racisme crasseux. » (Tweet du 7 octobre 2023)

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Illustré par des combattants du Hamas les bras en l’air en signe de victoire, le message véhiculé ne souffre d’aucune ambiguïté possible : ce 7 octobre 2023, le Hamas a tenu tête au colonialisme. Pour être encore plus claire, Rima Hassan republie, toujours ce 7 octobre, un tweet de Fatima Ouassak, essayiste d’origine marocaine éditée par les éditions La Découverte: « Pendant la guerre anticoloniale en Algérie, Simone de Beauvoir ou Sartre ont pris position (sans trembler) pour la résistance armée algérienne, contre la France. Dans la guerre qui oppose colons et colonisés, il faut soutenir (sans trembler) le camp des colonisés. » Là aussi, le message est limpide : si on peut déplorer les pertes civiles du côté de l’ennemi, on ne saurait pour autant condamner le Hamas qui n’a fait que résister au colonialisme. Toute condamnation d’une violence émanant de la partie palestinienne est d’ailleurs vilipendée. Ainsi, quand le mouvement Europe Ecologie Les Verts (EELV) publie un communiqué qui « condamne l’attaque terroriste du Hamas contre Israël et appelle à des solutions politiques et diplomatiques », Rima Hassan s’indigne: « J’ai lu, pas un mot sur l’apartheid. J’aimerais que nos politiques m’expliquent comment nous, citoyens, pouvons-nous nous saisir politiquement du sujet, si vous, responsables politiques, vous ne faites pas le courageux travail de dire et de nommer l’injustice, le crime d’apartheid. » Le seul problème est que le communiqué ne parle que de ce qui s’est passé le 7 octobre tandis qu’à l’inverse, Rima Hassan ne nomme jamais ce qu’a commis le Hamas, ni « terrorisme », ni « crime de guerre », encore moins « crime contre l’humanité », seulement des messages repostés qui exaltent la « résistance » palestinienne. Et si elle dit déplorer la mort de civils, quels qu’ils soient, pas une fois Rima Hassan ne condamne explicitement, en son nom, le Hamas. On ne peut pas à la fois célébrer la « résistance palestinienne » à l’œuvre le 7 octobre et dire ensuite que l’on condamne ces actes comme terroristes. Entre les deux affirmations, la contradiction est insoluble.

La deuxième raison qui peut faire douter de la bonne foi de Rima Hassan est que le 2 février 2024, sur ses réseaux sociaux toujours, la nouvelle égérie de la cause palestinienne diffuse un clip de la chaîne proche du Hezbollah Al-Mayadeen, réalisé le 25 octobre 2023, qui montre l’État d’Israël pulvérisé par les missiles de l’« axe de la résistance » et sa population qui s’enfuit terrorisée. Rima Hassan a publié cela avec le signe des deux mains serrées l’une contre l’autre comme pour dire « merci » ou comme signe d’espérance de ce qu’elle souhaite voir advenir.

L’État juif, cette « monstruosité sans nom » (sic)

Le 14 novembre 2023, Rima Hassan délivre sur Twitter l’information suivante : « Israël a publié une photo de ses soldats aidant un Palestinien âgé à Gaza. Une fois la comédie terminée, ils lui ont tiré deux balles dans le dos selon le témoignage de sa petite-fille sur Instagram. » En guise d’illustration, deux photos côte à côte. La première nous montre un vieil homme qui s’adresse à un soldat israélien. La seconde nous désigne le même homme qui gît sur le sol, visiblement abattu de plusieurs balles dans le dos. Sur ses canaux de communication, l’armée israélienne publie de son côté les mêmes photos que Rima Hassan mais avec une tout autre histoire : « Hamas killed this Palestinian because he was seen on a picture talking to an Israeli soldier. All he did was asking which way he’s allowed to go. » (Message du 15 novembre 2023) Cet homme aurait demandé à un soldat israélien où il était autorisé à se rendre et pour s’être adressé à l’ennemi, le Hamas l’aurait abattu. À rebours de cette histoire tragique mais qui répond à une certaine « logique » au vu des pratiques du Hamas à l’endroit de sa population civile, le récit de Rima Hassan donne à voir une armée israélienne proprement diabolique. Avec toutefois un « amateurisme » qui laisse pantois: avoir « oublié » d’éliminer les témoins qui, munis de leurs téléphones portables, ont eu tout le loisir de prendre les photos prouvant le crime.

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C’est à cette aune qu’il faut comprendre les déclarations de Rima Hassan qui qualifie l’État d’Israël de « monstruosité sans nom », par ailleurs « pire » que la Russie. Qu’importe qu’Israël soit une société démocratique rythmée par des élections et une opposition vivante dont témoignent les manifestations gigantesques d’avant le 7 octobre pour préserver la Cour suprême. Aussi contraire à la vérité soit-elle, l’affirmation de Rima Hassan vise à dévaluer l’idée de démocratie puisqu’un satrape au pouvoir depuis plus de vingt ans comme Poutine est traité avec davantage d’égards qu’un gouvernement élu, aussi contestable soit-il !

L’État unique de Rima Hassan

Le succès rencontré par Rima Hassan illustre la radicalisation du mouvement pro-palestinien auquel on assiste depuis une vingtaine d’années. Issu des campus américains, le slogan « From the river to the sea, Palestine will be free », que Rima Hassan fait entonner aux étudiants de Sciences-Po, en est l’illustration type. Qu’on se souvienne qu’il y a vingt ans, on pouvait encore entendre dans les manifestations pour la Palestine le slogan suivant : « Non, un peuple qui en occupe un autre ne peut être un peuple libre ». L’habileté de Rima Hassan est de réussir à faire croire que son refus de deux États, israélien et palestinien, côte à côte, est motivé par le désir d’une cohabitation totale entre les deux peuples. Sur ce point aussi, les contradictions de Rima Hassan abondent.

Elle écrit par exemple dans un message que reproduit Arrêt sur images qu’« on peut dire que le Hamas a une légitimité dans un contexte de lutte pour l’autodétermination. C’est un parti politique qui a été élu. Mais quand ils commettent des crimes, ils sont en dehors du cadre prévu par les Nations unies. » Si les mots ont un sens, on est donc fondé à penser que Rima Hassan a pour boussole le « cadre prévu par les Nations unies ». En ce cas, elle doit reconnaître le vote qui, en 1947, établit la constitution d’un État juif à côté d’un État arabe sur l’ancienne Palestine mandataire. Seul problème : Rima Hassan ne cesse de répéter qu’elle refuse deux États côte à côte comme les Nations Unies le prévoyaient en 1947. Là encore, elle ne peut pas dire une chose et son contraire : d’un côté refuser l’existence d’un État juif, reconnu par un vote des Nations unies, et de l’autre jurer la main sur le cœur qu’elle n’a pour seule boussole que les décisions de la « communauté internationale ». Mais à cela aussi Rima Hassan a une réponse, comme elle s’en explique à Arrêt sur images. Si elle refuse la « solution à deux États », c’est, dit-elle, que « cette perspective ne nous fait plus espérer. Si on nous donnait les moyens de croire à une solution à deux États, ce serait différent. Ce n’est pas une posture idéologique mais le sursaut de vie d’une génération qu’on a trop fait désespérer. » Ici aussi, Rima Hassan se contredit. En toute logique, elle ne peut d’un côté dépeindre la partie israélienne comme « monstrueuse » et de l’autre clamer qu’elle ne souhaite que cohabiter en paix avec ces mêmes « monstres ».

Ce qui manque en réalité à beaucoup de ses soutiens naïfs, c’est une perspective historique. Dépourvu de toute originalité, le credo de l’État unique est depuis longtemps la formulation « politiquement correcte » pour dire que l’on ne souhaite pas que l’État d’Israël puisse exister. Grand ami de la dictature Assad en Syrie (avec laquelle Rima Hassan ne semble pas avoir de problèmes particuliers), le secrétaire général de l’Association de solidarité France-Pays Arabes, Lucien Bitterlin, déclarait en 1976 déjà : « Faisons le vœu de nous retrouver dans la capitale de la nouvelle Palestine pour célébrer avec les Palestiniens, qu’ils soient Juifs, Musulmans ou Chrétiens, l’ère des hommes libérés de toute haine et de toute forme de discrimination raciale ou religieuse. Alors l’épreuve de la Palestine aura servi la cause de l’homme. » Proche du ministre de la Défense syrien, le très antisémite général Tlass, auteur d’un ouvrage sur les « crimes rituels » juifs, Lucien Bitterlin était aussi peu crédible dans ses déclarations que Rima Hassan l’est aujourd’hui quand elle parle de cohabitation mais approuve l’action du Hamas.



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