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Rima Abdul Malak contre Tom Hanks

Wokisme: Tom Hanks est atteint à son tour...


Rima Abdul Malak contre Tom Hanks
De gauche à droite, Rima Abdul Malak, Tom Hanks et Pap Ndiaye.

Il y a un virus bien plus dangereux que ceux qui peuvent nous infecter et nous affecter sur le plan sanitaire. Lui, il touche l’esprit, bat en brèche le bon sens et confond le sublime de l’art avec le réalisme le plus plat.


La ministre de la Culture Rima Abdul Malak, à la parole rare et après avoir concédé une fois à la dénonciation obligatoire du RN qui serait forcément un ramassis d’incultes, a, dans ses vœux du 16 janvier, souligné sa volonté de préserver le modèle français et donc de « lutter contre les assignations identitaires et la cancel culture ». Incidemment j’espère que son projet à plus d’un titre souhaitable pourra s’articuler correctement avec les velléités du ministre de l’Education nationale, plus mou sur ces principes et ces interdits.

Une dérive grave nous vient des Etats-Unis, qui semblent de plus en plus oublier le rôle symbolique de l’art et son caractère universel. Faute de quoi il tomberait dans un communautarisme constituant une régression absolue.

Des approches délirantes menacent l’art de mort

Par exemple, une rétrospective du peintre Philip Guston (1913-1980) a été reportée, de 2020 à 2022, par trois musées américains et la Tate Modern de Londres parce que certaines de ses toiles représentant le Ku Klux Klan de manière pourtant défavorable, risquaient d’offenser les Noirs. Au fond Guston n’avait pas le droit de se mêler d’une lutte qui ne devait concerner que la communauté de couleur. Une telle approche est délirante, qui enfermerait la morale et les révoltes et stigmatisations qu’elle prescrit dans le pré carré d’un camp exclusivement racial.

On avait déjà connu les méfaits d’un révisionnisme des grandes œuvres, soit par un plaquage absurde de notre humanisme d’aujourd’hui sur la beauté du classicisme d’hier, soit par la suppression ou la modification de certains passages en contradiction par exemple avec le féminisme militant actuel. Qu’on se rappelle sur ce point la dénaturation de la fin de Carmen ! Mais l’aberration, d’autant plus perverse qu’elle est imprégnée de bonne conscience, va beaucoup plus loin dorénavant: une tentative de mise à mort de ce que sont l’art, la comédie et le jeu des acteurs. Comment qualifier autrement le fait qu’un transgenre ne puisse être joué que par un transgenre, un homosexuel par un homosexuel ? Le contraire constituerait une marque d’irrespect à l’égard du genre du personnage… Comme si le propre du théâtre, du cinéma, n’était pas précisément de permettre à une personnalité talentueuse de se glisser dans la peau d’un être parfois aux antipodes d’elle pour démontrer l’étendue de son registre et la qualité de son interprétation…

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« Il n’est pas question de restreindre(…) la liberté d’interpréter tel ou tel rôle » a déclaré la ministre. Cette conception libre de l’art dramatique s’inscrit « dans la ligne du philosophe Ruwen Ogien distinguant l’offense du préjudice ». Selon lui, « un créateur peut offenser mais ne peut pas nuire ».

Cette piste profonde devrait être généralisée à la liberté d’expression entendue globalement pour faire admettre que celle-ci ne peut pas être blâmée au seul prétexte qu’elle va causer inéluctablement des dommages, des préjudices. En effet ce serait la réduire trop puisque penser vraiment ne peut pas engendrer que de la douceur chez ceux qui lisent ou écoutent.

En ce sens je suis en désaccord avec ce qu’énonce la philosophe Carole Talon-Hugon pour qui « la liberté d’expression a des limites fixées par la loi, et le caractère fictionnel ne change rien à l’affaire ». Alors qu’au contraire il peut tout changer sauf à considérer que la fiction est vouée à n’être qu’un champ de roses !

Tom Hanks regrette d’avoir tourné dans «Philadelphia»

Je regrette, par ailleurs, que cet acteur si remarquable qu’est Tom Hanks, au nom d’une bienséance et d’un extrémisme tout américains, ait été gangrené à son tour puisqu’il a déclaré qu’aujourd’hui il n’aurait plus accepté le rôle de l’homosexuel atteint du sida dans Philadelphia (1993) à cause de « l’inauthenticité d’un hétéro jouant un gay » et sans doute du refus de plus en plus affiché de beaucoup d’homosexuels de se voir représentés par des acteurs ne l’étant pas.

Cette évolution est catastrophique qui vise à abolir la distance entre ce qui est et ce qui est joué et, étouffant la fiction sous un réel sans horizon, réduit le spectacle à une copie conforme de ce qu’il est convenu d’appeler « la vraie vie » sans la magie de l’art qui la rend encore plus vraie que nature. Imaginons, si on continuait à suivre cette pente suicidaire, ce que pourraient devenir les spectacles, l’art, la littérature et la culture de demain. Non plus une transfiguration, une recomposition, un approfondissement du réel, le droit à l’imagination et au second degré, le génie de quelques-uns de savoir sublimer ceux qu’ils ne sont pas, le bonheur ou la douleur bienheureuse de la représentation d’un monde à la fois si lointain mais si proche, non plus de la magie, non plus de la poésie dans toutes ses facettes mais de la prose, la pire qui soit: celle qui plagie le réel et, trop vertueuse, meurt sous lui.

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Elisabeth Lévy sur la tribune de Carole Talon-Hugon: « Je ne comprends pas qu’on censure tout ce qui choque ! »

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Sud Radio du lundi au jeudi après le journal de 8 heures.



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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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