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Richard Millet dans le RER


Richard Millet dans le RER

Réponse à Richard Millet sur les noirs du RER et du métro

Un petit mot pour exprimer mon désaccord avec un passage de l’article d’Elisabeth Lévy sur le cas Richard Millet. J’y viens mais d’abord un aveu : je n’ai pas lu le livre de Millet qui fait tant parler, seulement des extraits de celui-ci dans une enquête du Monde, parue le 28 août (« L’apologie de Breivik par Richard Millet crée la polémique chez Gallimard »). Il n’approuve pas le massacre ? La belle précaution oratoire que voilà. Bien faiblarde en tout cas.

De Millet je ne connais que ses passages « chez Taddeï » certains mardis soirs sur France 3. Ses propos de chaisière indignée par la vue de grands Noirs, lui, ce grand gaillard costaud (il m’apparaît tel), m’échappent toujours un peu. Mais c’est le mérite de Taddei que d’inviter sur un même plateau, et Richard Millet et Houria Bouteldja, la passionaria des Indigènes de la République, Millet au féminin, dans le ton du moins.

Peut-être des « ayants-droit » norvégiens intenteront-ils un procès à Millet. C’est une chose. La chasse au Millet ouverte par des humains patentés – les censeurs pointés du doigt par Elisabeth Lévy – en est une autre. Il faut à ces gens leur ration hebdomadaire de têtes guillotinées. C’est comme ça. Il y a là plus de férocité que d’humanité.

J’arrive au point de désaccord avec la rédac’ chef. Elle écrit, au troisième paragraphe de son article : « Moi, quand je me promène dans les rues d’une ville, j’aime que les vêtements, les visages et les odeurs me disent où je suis. Richard Millet aussi. Il paraît que cela fait de nous des racistes. C’est en tout cas ce que pensent les arbitres des élégances morales et intellectuelles − qui prennent assez peu le RER. » Avant tout, il est dommage qu’Elisabeth Lévy fasse banquette de RER commune avec Millet – une solidarité de principe, sans doute, qui ne manque pas de courage mais me semble inutilement victimaire.

C’est la proposition du début qui me turlupine : « Moi, quand je me promène dans les rues d’une ville, j’aime que les vêtements, les visages et les odeurs me disent où je suis. » Mais Paris n’est pas une « ville », elle est une capitale. Quand, comme Paris, on se pique d’universel, il est normal que l’universel s’y donne en spectacle. Non seulement c’est normal mais en plus c’est souhaitable. New York, Londres, Paris sont des grands souks de l’humanité – le cosmopolitisme ne serait-il plus un beau mot ? C’est précisément parce ce que j’y vois des vêtements et des visages « différents », que j’y sens des odeurs venues « d’ailleurs », que je sais où je me trouve. J’ajouterai même – pour me faire battre – que l’absence d’identité unique fait l’identité spécifique de ces géants, qu’il est dans leur nature et comme dans leur destin de ne pas être à l’image du reste de leur pays. Tant que le café du haut de la rue Jean-Pierre Timbaud, en plein quartier « muslim », continuera de servir des assiettes de charcuterie et des demis en terrasse le mois de ramadan, le contrat universel vivra. Je sais bien qu’il y a ici ou là, et c’est insupportable, des entorses au contrat, sous forme de regards appuyés et parfois de mots désobligeants. Mais qui ne comprend que ce que trouvent à Paris ces populations immigrées, c’est, justement, la liberté ? Elles seraient bien folles de la mettre à bas.

Je sais donc où je suis quand je me trouve dans le XIIIe, XVIIIe ou XXe arrondissement, je suis à Paris. Je suis à Paris partout dans Paris. Les RER qui transitent par les Halles ne sont sans doute pas de bons exemples puisqu’ils assurent les liaisons Paris-banlieue (la banlieue, une autre fois, dans un autre article peut-être). La ligne 4 du métro, entre Porte d’Orléans au sud et Porte de Clignancourt au nord, est plus dans le sujet. Quand il m’arrive de l’emprunter aux heures de pointe en direction de Clignancourt, j’y vois surtout, en effet, en majorité des Noirs. Des femmes en boubous ou pas en boubous, des hommes en djellabas ou en tenues « civiles », des gens qui reviennent de bosser, souvent silencieux. Je n’applaudis pas au multiculturalisme en les voyant, ils ne me jettent pas leur culture à la figure. La seule culture qui se manifeste alors, c’est la culture de la grande ville qui vibre sur ses rails.

*Photo : Nicolas-Frédéric



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est journaliste.

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