Pour l’avocat de Mila et de Charlie Hebdo, la lutte contre l’islamisme passe par la gauche. Elle doit se ressaisir des questions identitaires et, pour séduire les jeunes des banlieues, faire revivre le rêve de liberté qu’offrent les valeurs de la République. Propos recueillis par Élisabeth Lévy
Causeur. Je vous ai fait lire un article joyeusement blasphématoire sur Mila. J’ai décidé de ne pas le publier pour ne pas faire prendre de risques à ma rédaction. Cet épisode m’a laissé un goût très amer. C’est le symbole de notre défaite.
Richard Malka. Je comprends votre réaction de chef d’entreprise responsable de la sécurité de son équipe. Reste que vous avez tort ! Tout le monde devrait oser le blasphème. Les députés ont eu le courage d’honorer un livre qui s’appelle Le Droit d’emmerder Dieu. Plus on sera nombreux à garder ce goût de l’irrévérence, de l’irrespect et de la liberté, plus on conservera notre liberté, et aucun de nous ne sera en danger.
C’est très théorique, car le goût, nous l’avons. La réalité c’est que faire cela revient à demander une protection policière.
Non ! Beaucoup de gens ont intégré la peur, parfois jusqu’à la paranoïa. Mais ce ne sont pas n’importe quels journalistes qui prennent un risque. Si vous aviez publié cet article, il ne se serait rien passé. Sans vouloir vous offenser, vous ne vous adressez pas à des millions de personnes. De plus, qu’une revue étiquetée islamophobe fasse du blasphème ne pose aucun problème. Si Libération le faisait, ce serait autre chose…
Dans les années 1970, il n’y avait pas une idéologie qui disait aux immigrés : restez chez vous ! Aujourd’hui, c’est ce que répètent mes Frères musulmans ou les salafistes. Nous avons fait preuve d’angélisme à l’égard de ces idéologies
Mila non plus ne s’adressait pas à des millions de gens…
Il y a aussi des phénomènes de hasard. C’est tombé sur Mila…
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Je vais réfléchir et je publierai peut-être ce texte ! Cela dit, il y a une différence entre parler de l’islam ou du blasphème, ce que nous faisons tous les quatre matins, et blasphémer, comme le fait Mila avec ce que vous appelez poliment ses « allusions proctologiques ». Comme vous le dites, tous ensemble, on ne prend pas de risques. Quand j’ai proposé à d’autres rédactions de publier, tous ensemble, les caricatures de Charlie Hebdo, tout le monde a regardé ses pieds et cela a fini avec un beau texte sur la liberté d’expression dont les islamistes se foutent totalement.
Ce refus était-il motivé par la peur ou par des réticences idéologiques ?
Sans doute un peu par les deux…
La peur est un poison. Le but des islamistes, c’est de faire entrer dans les têtes la peur qui conduit à l’autocensure ; cette peur qui conduit à avoir en permanence une paire de ciseaux à l’esprit. Mais on exagère beaucoup le danger et c’est bien moi qui vous le dis…Tout de même : un an et demi après l’assassinat de Samuel Paty, il y a un seul collège en France qui porte le nom de Samuel Paty, ils refusent tous. Que se passerait-il si chaque département avait son lycée Samuel Paty ? Rien.
Revenons à l’idéologie. Indépendamment de la peur, le respect de la religion est en train de regagner du terrain, notamment dans la jeunesse.
Oui, j’ai vécu cela de manière très concrète pendant le procès Mila. C’était le discours d’absolument tous les prévenus, qu’ils soient musulmans, chrétiens, athées, quel que soit leur profil social : ce n’est pas bien de critiquer la religion, c’est du racisme. Donc, il est légitime de menacer de tuer, brûler et violer. Nous n’avons pas à être tolérants avec l’intolérance. Sous prétexte de respect, que faudrait-il accepter ? L’inégalité entre les hommes et les femmes, l’éducation en dehors des règles de la République, les discriminations envers les homosexuels ? Je ne suis pas contre le respect des religions, mais l’obligation du respect mène à l’intolérance, aux guerres de religion.

Reste que l’irrespect peut blesser. Or, il faut admettre que les juifs sont relativement épargnés : on se moque assez peu de leurs croyances.
Oui, parce que les
