Révolte contre le voile en Iran : l’embarras de la gauche française qui a défendu la liberté de le porter


Révolte contre le voile en Iran : l’embarras de la gauche française qui a défendu la liberté de le porter
Sandrine Rousseau lors de la manifestation en soutien aux femmes iraniennes, Paris, le 2 octobre 2022 MUSTAFA SEVGI/SIPA

Pendant que des femmes meurent en Iran pour protester contre le voile, symbole de l’oppression masculine et religieuse, Sandrine Rousseau se victimise en France. Elle semble incapable de voir que, si elle fait l’objet de critiques, c’est précisément parce qu’elle a justifié le port de ce symbole par les musulmanes.

Quatre-vingt-douze personnes ont été tuées en Iran depuis la mort de Mahsa Amini, assassinée parce qu’elle avait mal ajusté son voile. Manifestations après manifestations, des femmes meurent pour revendiquer l’égalité des droits et demander à ne plus être réduite au statut d’éternelles mineures. Elles brûlent leur voile, symbole de leur oppression et de leur infériorisation, et se battent avec un courage qui touche le monde entier. Mais en France, celle qui se victimise au nom du combat féministe et couine le plus fort est Sandrine Rousseau. Alors que le courage des femmes iraniennes fait prendre conscience que le voile n’est pas une liberté mais une oppression, qu’il n’est pas un simple vêtement mais le symbole d’un véritable apartheid sexuel, c’est Sandrine Rousseau que l’on entend gémir sur son sort sur France Inter. Que s’est-il donc passé ?

Manifestation place de la République : Sandrine Rousseau huée

Pour ceux qui auraient raté un épisode, ce dimanche 2 octobre un rassemblement en soutien des femmes iraniennes a eu lieu place de la République à Paris. Des hidjabs ont été brûlés par des femmes musulmanes car le voile est le symbole de ce pouvoir religieux totalitaire et violent exercé au nom de l’islam. Des élus de gauche ont essayé de se montrer à ce meeting. La présence de certains n’a posé aucun problème, comme dans le cas de Laurence Rossignol, dont les combats passés sont la preuve de son opposition au voile. En revanche, la présence de Sandrine Rousseau et de Manon Aubry a suscité la colère de la foule. Les deux femmes se sont faites copieusement huer et leur parole a été inaudible. Il faut dire qu’elles sont des incarnations de la dérive islamogauchiste d’une partie de la gauche et luttent pour la « liberté de porter le voile » en France. Sandrine Rousseau a même présenté le hidjab comme un « embellissement ». Elle incarne la logique portée par Louis Boyard qui met sur le même plan le voile obligatoire en Iran ou le refus du port du voile en France. Pour nombre de cadres LFI et EELV, le relativisme est total et ils sont en accord avec le tweet du député LFI quand il écrit : « Il n’y a aucune différence entre un Zemmour qui se bat pour arracher le voile des femmes et les dirigeants iraniens qui se battent pour le leur imposer ».

Le voile : un outil d’oppression plutôt qu’un simple vêtement

Pour faire passer cette fiction délirante, une Sandrine Rousseau a choisi sciemment d’ignorer la signification du voile pour tenter de le faire passer pour un simple vêtement, comme une mini-jupe. Cela lui permet de déplacer la question du voile, marqueur du refus de l’égalité à raison du sexe et de le nier en expliquant que le patriarcat, partout, veut imposer aux femmes leur manière de s’habiller. En occident on les forcerait ainsi à porter des mini-jupes et dans les pays musulmans, un voile. La condition des femmes serait donc la même partout. D’un côté on les forcerait à être provocante, de l’autre on les assignerait à la pudeur. Dans les deux cas elles seraient victimes d’oppression. Un relativisme abject qui met au même niveau des pays où l’égalité est le fondement du contrat social et où la femme est l’égale en droit de l’homme et a la liberté de poursuivre ses aspirations et les pays où elle est considérée comme inférieure ou éternelle mineure et où l’égalité des droits n’existe pas. Or, dans la réalité on peut constater qu’en termes de condition des femmes et de perspectives d’avenir, mieux vaut vivre dans un État de droit fondé sur la reconnaissance de l’égalité en droit des êtres humains que dans des États qui ne la reconnaissent pas. C’est cette évidence que les discours d’une Sandrine Rousseau veut faire disparaître et c’est ainsi qu’elle nuit au combat pour la liberté et l’égalité des femmes iraniennes. La journaliste  iranienne, Masih Alinejad a d’ailleurs interpellé nombre de femmes politiques européennes, dont Ségolène Royal, pour leur rappeler qu’en portant elles-mêmes le voile lors de voyages officiels et en refusant de dire explicitement ce qu’il signifiait, voire en en faisant un combat d’arrière-garde ridicule, elles ont abandonné la cause des femmes. Si aujourd’hui les Iraniennes se font tuer, si se libérer du voile est si difficile, c’est aussi parce que ces femmes ont été abandonnées par une partie des féministes. Plutôt que de se battre pour la liberté et l’égalité, celles-ci ont promu les marqueurs du sexisme le plus brutal en le présentant comme une liberté.

Défendre son ego plutôt que l’émancipation des Iraniennes

Hélas, même lorsque des femmes se font tuer parce qu’elles combattent vraiment le patriarcat, les néo-féministes préfèrent se consacrer à la défense de leur ego. Ainsi, plutôt que d’ouvrir les yeux sur ses erreurs et responsabilités, Sandrine Rousseau a préféré en rajouter dans le déni et la victimisation. Face aux sifflets et aux huées, elle tente de faire croire que si elle a été conspuée, ce n’est pas au nom de ses prises de position mais parce qu’elle serait femme. « Pourquoi dans une manifestation qui est une manifestation de soutien aux femmes, les femmes sont-elles sifflées ? ». Une tentative d’essentialisation qui ne prend pas. Il est évident que ce n’est pas en tant que femme qu’elle a été sifflée mais à cause de ses prises de position en faveur du voile. Son racolage a été jugé indécent. Elle n’a pas été sifflée pour ce qu’elle est mais pour ce qu’elle dit et porte politiquement comme message.

Pour récupérer le vote musulman, les néo-féministes ont abandonné la cause des femmes.

Il n’en reste pas moins que cette petite phrase révèle une vision inquiétante de la politique. Ainsi, nous devrions être solidaires, non parce que nous partageons les mêmes principes, idéaux et valeurs, mais parce que nous avons le même sexe ou la même couleur de peau. Puisque je suis femme, quelles que soient les circonstances, je devrai avant tout soutenir une femme. Entre Médée et Ulysse, je suis censée choisir la femme sanguinaire qui immole ses enfants et non l’homme qui choisit l’humanité et les siens plutôt que l’immortalité. La révolte des femmes en Iran est en train de déchirer le discours absurde des néo-féministes en politique et de les mettre en face de leur trahison : pour récupérer le vote musulman, celles-ci ont abandonné la cause des femmes. En faisant du port du voile une liberté, elles ont nié sa réalité. Le défendre, c’est légitimer les inégalités et les violences faites aux femmes. Or, c’est ce qu’ont fait, font et continueront de faire les Manon Aubry et autres Sandrine Rousseau, c’est pour cela qu’elles ont dû partir sous les huées et c’est pour cela que ces huées étaient légitimes et appropriées.

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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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