Si le revenu universel est une bonne idée, il est absolument impossible de le mettre en place aujourd’hui dans une France surendettée. À moins de mettre en place des impôts délirants et spoliateurs…
Le revenu universel n’a jamais été autant à la mode depuis l’échec de Benoît Hamon aux présidentielles. Avant d’aller plus loin, je précise que je n’ai rien contre le revenu universel, que verser à chaque Français un filet de sécurité mensuel serait une excellente idée si ce dispositif était économiquement soutenable. Malheureusement, en 2020, comme je vais m’efforcer de le démontrer, le revenu universel est impossible à financer, sauf à spolier les retraités ou à instaurer une dictature économique de type socialiste. Donnons d’abord quelques chiffres. Le montant des recettes du budget de la France est de 300 milliards d’euros et ses dépenses, en 2021, seront de 434 milliards. Nous ne couvrons donc que 70% de nos dépenses et comme les drogués sont prisonniers de leur accoutumance délétère, nous sommes dépendants des emprunts. Notre dette dépassant 114 % de notre PIB, il est miraculeux que des investisseurs prêtent encore à un État en faillite. Nous devons cette faveur à la politique ultra accommodante de la Banque européenne, mais celle-ci ne va pas durer éternellement et bientôt la fin de la récréation sera sifflée. Si la transition ne se passe pas bien, ce qui est probable, nous serons alors obligés de présenter un budget dégageant un solde primaire (positif avant remboursement des emprunts). La France sera alors contrainte de couper une centaine de milliards dans ses dépenses. Devrons-nous comme la Grèce diminuer de 30% les retraites ? Ou sabrer en partie ou en totalité le RSA et la prime d’activité? Sans doute. En tout cas, il serait impossible en 2021 d’instaurer le revenu universel sans augmenter les impôts. L’argent magique n’existe malheureusement pas comme certains ont tendance à le croire depuis le début de l’année 2020.
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Il faudrait ruiner le pays pour assurer le revenu universel
Dans sa forme la plus généreuse, les partisans du revenu universel proposent que le minimum mensuel soit situé autour de 1000€, seuil de pauvreté. C’est ce que suggèrent entre autres les présidents socialistes des conseils généraux. Les détails de leur projet manquent et on ne peut chiffrer précisément la mesure proposée, mais donner 435€ de plus par mois aux 2 millions de personnes au RSA, 1000€ aux jeunes entre 18 et 25 ans et verser en moyenne 300€ aux 6 millions de personnes en dessous du seuil de pauvreté reviendrait au minimum à dépenser 80 milliards d’euros de plus. Il faudrait soit doubler l’impôt sur le revenu, soit confisquer les retraites au-dessus de 1500€ par mois, comme le proposaient certains économistes proches de Benoît Hamon.
Toutes ces solutions sont évidemment impossibles politiquement et même si le président socialiste de la Gironde exige qu’on la mette en place, aucune réforme fiscale cohérente ne pourra ramener 80 milliards dans les caisses de l’État. Bien sûr, on peut alléger la facture, ne donner que 500€ mensuels aux jeunes, ne verser qu’un minimum de 750€ par mois. Avec ces allégements, on devrait encore trouver 40 milliards. Ce qui est impossible sauf à ruiner le pays.
La version light du revenu universel consiste à étendre le RSA aux 4 millions de jeunes de 18 ans à 25 ans qui ne travaillent pas. Or cette mesure coûterait 27 milliards d’euros, le tiers de l’impôt sur le revenu. Des députés ont mis au point un embryon de projet ; ils proposent de verser à tous les contribuables le RSA et en échange de taxer en moyenne à 32% les revenus de tous les Français sans exception et cela dès le premier euro.
Actuellement, 90 % des Français payent moins de 9% de leurs revenus au titre de l’IR et le taux maximum de prélèvement est de 21%. Nous sommes ainsi très loin des 32%. Encore une fois, les détails manquent, mais en effectuant des simulations prudentes on s’aperçoit qu’au-delà de 2000€ par mois, le contribuable paiera entre 30% et 40% de plus d’IR avec cette réforme radicale. Or cette dernière ne changera qu’à la marge la situation actuelle, le minimum social restera à 565€ par mois: seule nouveauté le RSA serait étendu à tous les jeunes.
Confisquer les biens des riches pour en faire des HLM ?
Sur Facebook, beaucoup d’économistes du café de commerce exigent qu’on confisque les biens des « riches ». Mais si on saisissait la moitié des patrimoines au-dessus d’un million d’euros, l’État se retrouverait avec des maisons, des actions, des assurances-vie constituées d’actions, d’emprunt d’États ou de SCPI. Ces biens ne seraient pas liquides puisque plus personne n’aurait les moyens de les acheter. Si un « ultra riche » possède un appartement parisien et une villa sur la Côte d’Azur et que l’État confisque la villa, qu’en fera-t-il? La maison sera invendable, puisque tous les « riches » seront dépouillés. Va-t-on la transformer en HLM, comme l’on fait les Bolcheviques avec les palais russes? Totalement absurde! Il est de même pour les actions saisies, personne ne pourra les acquérir sauf les étrangers.
En fait, on ne peut confisquer le capital qu’à la marge comme le faisait l’ISF et on ne peut agir que sur les revenus. Malheureusement, l’ensemble des revenus des Français ne se montent qu’à 927 milliards d’euros. Augmenter les impôts de 24, 40 ou 80 milliards d’euros paraît donc très difficile. Si dans un délire socialiste on saisissait l’ensemble des revenus de Français pour le redistribuer équitablement, chacun ne récupérerait que 1485 € par mois, un gros smig!
Aucune ressource nouvelle à attendre du côté de la fraude fiscale
Bien sûr, on nous ressort souvent qu’il suffirait de lutter contre la fraude fiscale pour combler les trous du budget. Mais qui a la recette pour lutter contre ce fléau ? L’État fait déjà beaucoup et je vois mal quelles autres mesures il pourrait adopter. Le montant de la fraude fiscale est souvent estimé à 80 milliards d’euros, mais ce chiffre est donné au doigt mouillé; il n’y a aucune étude sérieuse qui le justifie puisque la fraude fiscale est par nature dissimulée. En outre, on confond souvent fraude fiscale et évitement fiscal. Le second est parfaitement légal du moment qu’on est transparent vis-à-vis du fisc français: il s’agit de placer ses biens dans des États à la fiscalité plus légère. On ne pourra jamais empêcher l’évitement fiscal, sauf à fermer ses frontières et à instaurer un contrôle des capitaux. Ce dernier ne serait hermétique qu’avec une économie entièrement socialiste. Il n’y a donc aucune ressource nouvelle à attendre du côté de la fraude fiscale.
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Dernière illusion, on propose de réinstaurer l’ISF (ce qui ne rapporterait que 3 milliards si on retrouve le niveau de 2016) et d’augmenter l’impôt sur les successions (actuellement il amène 14,6 milliards d’euros au budget de l’État). Bien sûr, on pourrait, en chargeant la barque, tirer de ces deux impôts une vingtaine de milliards, mais à quel prix? Notre impôt sur la succession est le plus lourd de l’OCDE si on excepte la Corée du Sud. Déjà des Français fortunés s’exilent en Belgique, en Suisse ou en Italie pour laisser le maximum à leurs enfants. Si on augmente encore l’impôt sur la succession, le nombre de « riches » exilés augmentera en flèche au point de diminuer drastiquement le revenu de ce prélèvement. Le jeu en vaudra-t-il la chandelle? Je ne crois pas.
Le revenu universel est une bonne idée. Il finira par être instauré en France, mais dans une cinquantaine d’années. Actuellement, il n’est pas finançable et prétendre le contraire est à mon avis faire preuve de naïveté.
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