Le réveillon 2020 de Roland Jaccard
Les nuits de Réveillon, depuis mon adolescence, je préfère les passer seul.
L’espionne turque a rejoint des camarades de son âge – vingt ans – et j’ai mangé quelques tranches de rosbeef avec des pommes de terre grenailles achetées au Bon Marché.
J’ai évité les Vœux d’Emmanuel Macron qui me tape sur les nerfs avec son air condescendant. Je me suis bien amusé, en revanche, en revoyant quelques séquences des films de mon ami Pascal Thomas toujours aussi malicieux et fin observateur de la France profonde. Avec des acteurs aussi insolites et décalés que Bernard Menez s’entraînant au karaté dans « Le Chaud lapin » (1974), Daniel Ceccaldi ou Michel Galabru dans « Celles qu’on n’a pas eues » (1980). Roland Topor était saisi de fous-rires tels en voyant les films de Pascal Thomas qu’il ne parvenait plus à suivre l’intrigue. « Je suis jaloux de Pascal Thomas », me confiait-il.
Une autre époque
Évidemment, ces films datent d’une époque – les années 70 et 80 – qui doit sembler bien exotique aux spectateurs d’aujourd’hui. J’étais heureux de les voir seul, évitant ainsi les quolibets ou les soupirs consternés de l’espionne turque.
Vers minuit, j’ai reçu un mail de Tahar Ben Jelloun – une amitié qui remonte à cinquante ans. Il passe, le veinard, les fêtes à Marrakech au soleil. Outre ses vœux, il voulait savoir ce que je pensais de l’affaire Matzneff. Je lui ai répondu en deux mots :
- Le livre de Vanessa Springora est plutôt réussi et l’opération marketing de Grasset parfaitement huilée.
- Le narcissisme hypertrophié de Gabriel en prend un sacré coup – notamment le passage où lui qui se considère comme l’as des as comme amant est décrit comme pitoyable – sans doute est-ce pour cela qu’il préfère les filles inexpérimentées. Je lui raconte qu’il a quitté la France pour éviter les effets ignobles d’une meute qui n’aspire qu’à le lyncher. Et que nombreux comme Bernard Pivot qui l’a invité cinq fois à « Apostrophe », sont ceux qui se répandent en auto-critiques minables. Quant aux écrivaines du genre Angot, elles s’en donnent à cœur joie. Bref, la littérature qui est quand même une affaire de style et non de morale en prend un sacré coup. Après Richard Millet – autre réprouvé que je défends – et Gabriel Matzneff, nous avons droit à Annie Ernaux et Christine Angot….au secours, fuyons !
Je lui apprends également que Sue Lyon est décédée jeudi. Et que nous rejoindrons bientôt notre éternelle Lolita. Je conclus ainsi : « Je t’embrasse et je te félicite pour tes vitraux, même si la religion (et pas seulement l’Islam) n’est pas vraiment my cup of tea. Je n’ai pas la moindre fibre mystique. Quant à l’érotisme, je lui dis : adieu ! »
Il se faisait tard. J’avais sommeil. J’ai pris ma douche et écouté une chanson de C. Jérôme dont je ne me lasse pas : « Les larmes aux yeux. » Une année s’achevait… oui, j’avais les larmes aux yeux.
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