Accueil Culture Retromobile: roulez vieillesse !

Retromobile: roulez vieillesse !

Envers et contre les grognons, les voitures anciennes tiennent salon


Retromobile: roulez vieillesse !
La Ferrari 250 GT Cabriolet Pinin Farina de 1958, vendue aux enchères par la maison Artcurial à l'occasion du salon Retromobile 2018. Photo: Loïc Kernen / Artcurial

Entre le 7 et le 11 février, porte de Versailles à Paris, le salon Retromobile met à l’honneur les voitures anciennes. On y échange des pièces de 404 et des bons tuyaux. Pour se rappeler le temps béni où la beauté automobile avait encore droit de cité. 


Depuis hier et jusqu’au 11 février, ils seront tous là, venus de France et d’ailleurs, à piétiner dans les halls de la porte de Versailles. Marcel, arrivé de son Morvan au volant de sa Simca Aronde, le matin de l’ouverture du salon, cheminot à la retraite et passionné de « populaires » françaises, deux mots qui vont si bien ensemble. Éric, le graphiste de la génération Y et sa Peugeot 205 GTI achetée l’année dernière sur un coup de cœur. Andrew, le gentleman driver qui possède dans son manoir du Dorset une brochette d’Aston Martin et de Jaguar à faire hurler un écolo en furie. Quant à Giancarlo, le tifosi de Modène, il s’intéresse uniquement aux Ferrari des années 1960 ayant participé aux 24 heures du Mans. À défaut de pouvoir s’en acheter une à l’échelle 1, il les collectionne en format miniature.

Retromobile, le combat continue

Chacun, à sa manière et selon son budget, a le mérite de continuer le combat : la préservation du patrimoine automobile. Dans une époque où la bagnole suscite tant de démagogie et d’hystérie, comment expliquer que la nostalgie des voitures anciennes n’est pas un crime ? Il y a plus de culture, d’art, de savoir et de féerie dans la carrosserie d’une Bugatti ou d’une 4 CV que dans certains manuels scolaires. Ces hommes-là ont une connaissance livresque du sujet. Ils passent l’essentiel de leur temps libre à rechercher la bonne pièce, à s’informer sur l’origine de leur modèle tant adoré, à s’engager bénévolement dans des clubs, à chercher à comprendre les contraintes industrielles d’alors, et en savent finalement beaucoup sur la psychologie de nos grands-parents. « Dis-moi en quoi tu roules et je te dirais qui tu es vraiment. »

A lire aussi: « Monte-Carlo » : le Grand Prix littéraire de l’automne

Si cette maxime a perdu de sa pertinence au fil des vingt dernières années, elle résumait assez fidèlement l’esprit de nos aïeux. Ces historiens amateurs, sismographes du temps passé, s’inscrivent dans une chronologie longue et font le pont entre l’auto et le cinéma, l’auto et l’architecture, l’auto et la géopolitique. S’ils regardent dans le rétroviseur, c’est pour mieux résister à l’aseptisation du monde actuel. Ils se battent contre la modernité clinquante des réseaux sociaux, son inhumanité rampante et cette volonté farouche de faire disparaître toute forme de beauté dans nos rues.

La France crie haro sur la beauté

Que les villes étaient belles et multiples lorsque chaque constructeur possédait à son catalogue une expression de son propre génie. L’uniformisation des paysages routiers, le clonage de nos gestes quotidiens, bientôt la conduite autonome, nous amputent d’une partie de notre sensibilité esthétique. Aimer les voitures, c’est faire se combiner tous les sens : le plaisir visuel d’une ligne racée, le bruit d’une mécanique bien huilée, le parfum d’un cuir patiné, le toucher d’un tableau de bord en ronce de noyer et le goût de la diversité. Le conducteur d’une Peugeot 404, Citroën DS, Panhard PL 17 ou Volkswagen Coccinelle laissait parler son caractère, mieux, son identité. Il dévoilait une partie intime de lui en roulant.

Aujourd’hui, le propriétaire d’une ancienne est pointé du doigt comme s’il était responsable de la pollution ambiante. Mis au banc des accusés. Les élites françaises lui mènent une féroce guerre idéologique. Restrictions de circulation, limitations et taxations transforment en supplice un loisir qui devrait être encouragé par les pouvoirs publics (au même titre que la restauration d’un monument). Ce désamour ne date pas de la fermeture des voies sur berge. La culture automobile est chez nous source d’ironie et de sarcasmes. Dans les têtes embrumées de certains technocrates, un produit industriel ne peut être l’objet d’une dévotion éclairée. Il est suspect par nature.

En Angleterre, en Allemagne, en Italie ou aux États-Unis, l’automobile ancienne jouit d’un tout autre statut. Les artistes la vénèrent, les professeurs l’étudient et les politiques ne la snobent pas. Reverrons-nous un président comme Georges Pompidou conduire une Porsche 356 à la sortie de l’Élysée ? Un chanteur comme Johnny Hallyday s’engager au Rallye de Monte-Carlo ou un académicien au regard bleu azur se déplacer en cabriolet Mercedes ?

Ferrari des « 24 heures » et retrospective de chars Renault

Quel dommage quand on songe que le secteur d’activité des véhicules historiques génère en France un chiffre d’affaires de 4 milliards d’euros, avec quelque 230 000 collectionneurs et un parc estimé à 800 000 exemplaires. Si l’on ajoute les revenus liés au tourisme, ce collectionneur, éternelle vache à lait du système, apporte sa contribution à la bonne santé économique du pays. Il voyage, il lit, il fait entretenir sa voiture, il consomme et, en plus, il est le gardien de notre mémoire. Alors, que vous soyez un amoureux de la locomotion sous toutes ses formes ou simplement curieux de ce phénomène, ruez-vous au Parc des expositions de Paris.

Vous ne courez qu’un seul risque : en prendre plein les yeux. 120 000 visiteurs, 500 voitures, une galerie d’art, des pièces exceptionnelles et une ferveur bon enfant. Pour cette 43e édition, les organisateurs rendent, entre autres, un hommage à Carlo Abarth et présentent une rétrospective de chars Renault en provenance du Musée des blindés. La traditionnelle vente aux enchères Artcurial mettra à l’honneur la Ferrari 275 P victorieuse au Mans en 1964, qui devrait affoler le marteau. La fondation Berliet fête le centenaire de la naissance de Paul Berliet. Et nouveauté 2018, un espace de vente dédié aux véhicules de plus de trente ans et d’un prix inférieur à 25 000 euros, notamment les youngtimers[tooltips content= »Les youngtimers sont des voitures nouvellement rentrées dans la catégorie des voitures anciennes. Il s’agit des voitures sorties des usines dans les années 1980 et qui tendent à se faire rares. »]1[/tooltips], sera ouvert aux professionnels et aux particuliers. L’auto ancienne n’a pas dit son dernier mot.

Salon Retromobile, du 7 au 11 février, Paris Expo porte de Versailles. 

1200 voitures de légende

Price: 39,95 €

6 used & new available from 34,85 €

Un Patachon Dans la Mondialisation

Price: 19,00 €

16 used & new available from 10,25 €

 

Février 2018 - #54

Article extrait du Magazine Causeur




Article précédent Apparemment, le protectionnisme « appauvrirait » les consommateurs…
Article suivant Affaire Darmanin: c’est la justice qu’on viole
Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération