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Responsabilité des juges: on entrevoit enfin la lumière dans la politique judiciaire de Macron

Responsabilité des magistrats: le président n'est pas coupable


Responsabilité des juges: on entrevoit enfin la lumière dans la politique judiciaire de Macron
Francois Molins et Chantal Arens, présidents du Conseil supérieur de la magistrature, organe garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire, septembre 2019 © Jacques Witt/SIPA Numéro de reportage : 00922491_000041

Le président de la République « lance le chantier de la responsabilité des magistrats ». Il a raison de le faire. Même tardive, c’est enfin une avancée importante.


Cela fait des années que magistrat puis citoyen, je plaide en faveur d’une nouvelle responsabilité des magistrats. Le moins qu’on puisse dire est que cette obsession, centrale dans ma vision de la Justice, n’a jamais été bien accueillie. Comme si je portais atteinte à une sorte d’impunité.

Pourtant, j’ai toujours été persuadé que, loin de diminuer la confiance des citoyens à l’égard des magistrats, une responsabilité élargie mettant en cause défaillances professionnelles et faiblesses éthiques serait le meilleur moyen pour restaurer un lien fort entre la société et les juges. Plutôt que de pourfendre en général la Justice sans la connaître, on saurait alors précisément qui, quel magistrat a fauté. La médiocrité ne serait plus noyée dans une masse qui l’occulterait.

La mission de réflexion demandée par le président de la République n’a que le tort d’avoir été confiée au Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Comme il est absurde de réclamer aux technocrates qu’ils réforment la technocratie, aux universitaires l’Université, il est peu efficient de solliciter d’un organe comme le CSM des avancées dans ce domaine de la responsabilité pourtant capital.

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J’apprécie que le président ne se soit pas arrêté à la volonté « de rendre plus efficace le dispositif de plaintes de justiciables » puisqu’en six ans, le filtre mis en place a tellement bien fonctionné que « seules trois plaintes de justiciables ont donné lieu à un renvoi devant la formation disciplinaire ». Cette rareté était prévisible à cause du manque d’enthousiasme évident de la magistrature face à cette obligation démocratique. Sa mission essentielle sera, en effet, d’examiner « la possibilité de mieux appréhender l’insuffisance professionnelle du magistrat dans son office juridictionnel, dans le respect du principe d’indépendance ».

Pour la première fois, on ne semble pas exclure certaines pratiques judiciaires de la définition d’une responsabilité approfondie, en dépit des arguments fallacieux souvent évoqués sur la liberté du juge et les voies de recours. Par ailleurs la collégialité sera sans doute abordée par le CSM. Mais elle n’est pas invoquée d’emblée comme une impossibilité. En effet, il me semble que la responsabilité collective qu’implique la collégialité n’est pas forcément contradictoire avec la recherche d’une défaillance particulière en son sein.

Rien ne me paraît plus riche de sens que cette tentative de rechercher et d’identifier une responsabilité à portée disciplinaire au cœur d’une indépendance trop souvent perçue tel un bouclier absolu et vécue comme le droit de faire, dans une interprétation extensive ou malicieuse de la loi, à peu près n’importe quoi.

J’ai souvenir, par exemple, de l’arrêt d’une chambre d’accusation présidée par Gilbert Azibert, remettant en liberté « le Chinois », malgré une double condamnation criminelle à son casier judiciaire. Ce tueur a perpétré six mois plus tard, à nouveau, plusieurs crimes au Plessis-Trévise. Le président de cette juridiction n’est évidemment pas directement responsable de ces tueries, mais l’élargissement qu’il a permis, en dépit d’éléments objectifs qui auraient dû l’interdire, pourrait être soumis au regard disciplinaire. Prenons un exemple plus basique. Le juge des libertés et de la détention qui décide un simple contrôle judiciaire ou, pire, une liberté pure et simple pour un mis en examen sans véritable domicile et grevé d’un passif judiciaire lourd, commet à mon sens un acte qui malgré la voie de recours à venir constitue intrinsèquement une aberration procédurale, une démarche partisane ou un aveuglement humain. J’espère que le CSM aura le courage d’affronter les multiples problématiques qui peuvent être examinées même en tenant compte de la normalité de la liberté des juges et des voies de recours.

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Si pour une fois le président disposait d’un rapport audacieux et consistant – on a le droit de rêver -, que de grâce il ne l’enterre pas en vertu de cette tradition qui fait que plus les conclusions sont pertinentes, moins on les met en œuvre !

Qu’on ne proteste pas non plus en se plaignant de voir la seule magistrature ciblée ! Le Barreau ne nous concerne pas, mais mon expérience de magistrat et de citoyen me permet d’affirmer que le corporatisme des avocats dépasse celui des juges et que les Conseils de l’ordre sont d’une extrême indulgence sur le plan disciplinaire. Selon que vous serez connu ou non, puissant ou non … La Fontaine toujours d’actualité !

En tout cas le président, avec cette responsabilité à amplifier, a ouvert un chantier capital. Bonheur de pouvoir mettre enfin une pierre positive dans la politique judiciaire d’Emmanuel Macron !

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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