Attention à ce que vous publiez, les GAFAM sont beaucoup plus impressionnables qu’il n’y parait …
Les réseaux sociaux et de communication Internet ont la pudibonderie à fleur de souris : aucune image « déplacée » n’y est admise. On s’en est avisé en 2018 quand Facebook a censuré Delacroix et sa Liberté guidant le peuple — avant de reconnaître qu’ils avaient peut-être envoyé le bouchon de vertu un peu loin — et avant de réitérer avec l’Origine du monde. Comme disait alors Matthieu Mondoloni sur FranceTvInfo, « Facebook ne fait pas la différence entre de la nudité, de la pornographie et une œuvre d’art ». Une aie qui y poste des photos volontiers dénudées de femmes et d’arbres orne les anatomies exquises de petits carrés explicitement marqués « Facebook » — afin de ne pas être « bannie ». Bannie pour un nichon ? Quand les hommes exhibent les leurs ? Eléonore Pourriat, en 2010, dans un court-métrage amusant intitulé Majorité opprimée, s’était amusée à inverser les appâts rances… Mais dans quel monde…
Et voici qu’un article du New York Times nous alerte sur la politique érotique d’Instagram. Un mouvement intitulé Free the Nipples (je n’ai pas besoin de traduire) a mobilisé près de 4 millions de « followers » qui protestent contre cette confusion entre indécence, nature et art.
La cause n’est pas seulement intellectuelle — rien n’est purement intellectuel aux Etats-Unis. Elle est avant tout économique. « Rihanna, Miley Cyrus et Chrissy Teigen, explique Julia Jacobs, qui ont chacune des dizaines de millions de « followers », ont testé les censeurs d’Instagram dans des posts dévoilant leurs seins qui furent prestement supprimés par Instagram ». En fait, supprimer le nichon fait perdre beaucoup d’argent.
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Heureusement, continue la journaliste, ce sont surtout les artistes qui protestent avec Free the Nipples, au point que la compagnie a convoqué une réunion générale de plasticiens et d’activistes il y a un mois dans ses locaux new-yorkais afin de concilier les points de vue des uns et des autres.
Pour la beauté du raisonnement, mettons-nous à la place du robot programmé pour supprimer tout ce qui dépasse. Comment analyse-t-il l’événement ? La notion d’art lui étant tout à fait inconnue, il procède scientifiquement — en surface. Y a-t-il un nombre conséquent de pixels consacrés à la reproduction de « genitals », « bottoms » et autres « tits » dans l’image que l’internaute prétend mettre en ligne ? Si oui, effacez.
Qu’il s’agisse des seins d’une hardeuse, d’une nudiste militante ou de ceux de Pepita, la maîtresse roturière de Goya, peu lui chaut. Courbe (sein vient de sinus) + téton = condamnation. La courbe seule peut à la rigueur passer la douane…
Il se trouve que j’ai compilé pour mes étudiants, sur l’un de ces PowerPoints qui assurent ma célébrité passagère, un très grand nombre de toiles (et de sculptures) dont le thème central est le Voile et le Pli. Les artistes ne se contentent pas (fort rarement, en fait) d’exposer de la viande ; ils la parent de voiles, de plissés, de robes ou de tuniques en instance de chute, de bouquets de fleurs ingénieusement disposés pour cacher « le sceptre de la génération », comme disent les imbéciles et les anciens manuels de biologie.
Ils jouent sur des transparences qui laissent à désirer, si je puis dire — parce que le désir est l’essence même de l’art. En même temps, c’est une invitation, à chaque fois, à aller voir au-delà des apparences — une métaphore du style. Ce n’est pas tout à fait un hasard si un artiste anonyme de la Renaissance a couvert d’un voile imperceptible le …
>>> Retrouvez la suite de cet article sur le blog Bonnet d’âne de Jean-Paul Brighelli <<<
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