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Lycéens: la République prônée comme religion, ça ne marche pas

Un récent sondage montre une inquiétante contestation de la laïcité dans les jeunes générations


Lycéens: la République prônée comme religion, ça ne marche pas
Le militant et chroniqueur Karim Zéribi défend une vision accommodante de la laïcité (image d'archive) © MEIGNEUX/SIPA Numéro de reportage : 00557492_000025

L’idéologie diversitaire et la vision multiculturaliste de la société véhiculée par nos médias et de nombreux élus font des ravages dans notre jeunesse. À en croire un sondage édifiant, les lycéens sont de moins en moins convaincus par l’idéal républicain en tant que tel.


Il fallait les voir répéter « la République, la République », face à Zemmour le jeudi 16 décembre. Il fallait les voir, Karim Zéribi puis Alexis Corbière se gargariser de répéter « la République, la République », comme on martèle une leçon au mauvais élève en s’imaginant, à tort, qu’il va finir par l’assimiler. Alors qu’il risque d’en avoir jusqu’à la nausée.

Eric Zemmour invité de l’émission de Cyril Hanouna, le 16 décembre 2021. Image: capture d’écran C8.

Du 15 au 20 janvier 2021, un questionnaire a été autoadministré en ligne auprès d’un échantillon de 1006 personnes, représentatif de la population lycéenne âgée de 15 ans et plus. C’est une étude Ifop pour la Licra et Droit de Vivre – désormais, il faut citer ce type d’études de cette façon au risque, est-il bien rappelé en gras bas de la note de synthèse, d’une amende de 75 000 euros.

Marteler « la République » comme un bon croyant ne sert à rien

Dans ce sondage, 39% des lycéens estiment que leur « religion est la seule vraie religion ». Ce chiffre monte à 65% chez les lycéens musulmans. Dans ce sondage, 40% des lycéens estiment que « les normes édictées par leur [votre] religion sont plus importantes que les lois de la République », un chiffre qui baisse à 23% sur l’ensemble des Français. À 30% chez les lycéens catholiques, ce chiffre monte à 65% chez les lycéens musulmans. Oui, 65%. Alors on aura beau se gausser de défendre « la République » à la télé en s’écoutant parler, il va aussi falloir ouvrir un peu les yeux : la religion républicaine ne marche pas. Il ne suffit pas de marteler « la République » comme un curé, un imam ou un bon croyant pour faire de fervents républicains.

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Car la République ne se résume pas à une croyance. Pour cela il y a justement déjà les religions. D’ailleurs de quel bord politique se sentent-ils le plus proche, ces jeunes gens qui estiment que « les normes édictées par (leur) religion sont plus importantes que les lois de la République » ? A 65 %, ils se sentent proches de… La France Insoumise. « La République, c’est moi », disait pourtant Jean-Luc Mélenchon il y a quelques années… Il semble que la leçon ait été mal assimilée. Très mal assimilée. Car le fait que les élèves récitent leur catéchisme républicain devant l’adulte ne signifie pas qu’ils y adhèrent, bien au contraire. Montaigne en parlait déjà dans le chapitre dédié à l’éducation des enfants, dans livre I des Essais : « Régurgiter la nourriture telle qu’on l’a avalée prouve qu’elle est restée crue sans avoir été transformée : l’estomac n’a pas fait son travail s’il n’a pas changé l’état et la forme de ce qu’on lui a donné à digérer ».

La France au-dessus des croyances

« Il est justifié que les enseignants puissent montrer à leurs élèves des dessins caricaturant ou se moquant des religions afin d’illustrer les formes de liberté d’expression ». 61% des lycéens répondent oui. Ce chiffre est de 71% chez les lycéens sans religion, 66% chez les lycéens catholiques et… 19% seulement chez les lycéens musulmans. Encore une fois, marteler son attachement aux « valeurs républicaines » dans les médias ne marche pas. Les « esprits républicains » qui s’indignent du moindre dérapage de Zemmour feraient bien d’aller dans nos collèges et nos lycées le transmettre, l’amour de « la République ». Évidemment, il faudra sortir de sa zone de confort pour cela. Mais Montaigne (oui, encore lui) nous a montré le chemin : « Enfant, on ne cesse de crier à nos oreilles, comme si l’on versait dans un entonnoir, et l’on nous demande seulement de redire ce que l’on nous a dit. Je voudrais que le précepteur change cela, et que dès le début, selon la capacité de l’esprit dont il a la charge, il commence à mettre celui-ci sur la piste en lui faisant apprécier, choisir et discerner les choses de lui-même. Parfois lui ouvrant le chemin, parfois le lui laissant ouvrir. Je ne veux pas qu’il invente et qu’il parle seul, je veux qu’il écoute son élève parler à son tour ».

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En d’autres termes, s’indigner de ce sondage édifiant (en clamant son attachement à « la République »)  ne sert à rien. Si la transmission de l’amour de la République ne marche pas, il va bien falloir tenter de comprendre pourquoi. Et à moins de prendre nos élèves pour des imbéciles incapables de réfléchir, il va bien falloir les écouter, nos élèves. Ceci n’est d’ailleurs pas que le rôle des seuls enseignants. Les enseignants font ce qu’ils peuvent et font déjà souvent le « sale travail ».

Étant donné que message de l’idéal de la République en tant que tel ne passe plus, il faudra enfin parler de « République française », oui française (même si ça heurte la sensibilité de certains). Pour que la fameuse « République » ne reste pas qu’une vague idée abstraite, il faudra bien la rendre concrète. Quand on parle de « République », on ne pense pas à la République populaire de Corée du Nord ou à la République islamique d’Iran ! Son ancrage, c’est la France. Il va bien falloir le dire. Le dire vraiment. Et donc il va bien falloir s’atteler à transmettre, à vraiment transmettre, que la France, la France non pas comme croyance mais la France concrète, à savoir la société française et son avenir, passe avant les croyances.


Éducation Nationale : la grande désertion
Dans l’enseignement secondaire, près de 10% des heures de cours ont été perdues sur l’année scolaire 2018-2019, a pointé un rapport de la Cour des comptes en date du 2 décembre. La faute aux profs feignasses qui se prélassent au son de France Inter aux frais du contribuable ? Pas si simple. « Les enseignants ne sont pas plus absents que les autres agents de la fonction publique d’État, et le sont moins que les agents de la fonction territoriale et hospitalière », ajoute le même rapport. Et pas plus que dans le privé ? Qui sait… 
« En Seine-Saint-Denis, des parents d’élèves demandent des comptes à l’Académie de Créteil » (sur le manque d’enseignants), titre Le Parisien du 15 décembre. « Dans le Nord, près de 400 classes attendent un remplaçant », a titré la veille L’Humanité, qui propose un reportage à Roubaix. Et d’ajouter que « le Covid n’explique pas tout ». Alors si ce n’est la grippe chinoise qui a cloué nos maîtres au lit, d’où vient le malaise ? Pour Alexis Corbière, député fort en gueule de La France Insoumise et ancien prof d’histoire en lycée professionnel, c’est la faute aux salaires. « Monsieur Zemmour, les profs sont moins payés, en 15 ans, ils ont perdu 20% de pouvoir d’achat », s’est exclamé l’homme aux beaux cols roulés et à la barbiche peignée sur le plateau de Cyril Hanouna. Il a raison, ce garçon. On gagne assurément bien plus au Palais Bourbon. 
D’ailleurs, pour expliquer la désertion, L’Humanité suspecte « le défaut d’attractivité du métier ». Pas très aimable. Pis, « un an après l’instauration de la prime de 10 000 euros pour ceux qui restent cinq ans en Seine-Saint-Denis, les demandes pour exercer dans le département ont baissé de 20 % ». La dégringolade. Ou plutôt, la dégringolade de « la République », devrais-je dire en prenant un air brave. Car ils sont donc sympathiques, tous ces « experts » bien habillés qui martèlent leur attachement aux « valeurs républicaines » à la radio et sur les plateaux-télé, ces rhéteurs cathodiques qui frappent du poing et jurent les grands dieux derrière l’écran qu’il faut promouvoir, protéger, transmettre, que sais-je moi, sauver quoi qu’il en coûte, la République. Qu’attendent-ils pour aller sur le front des REP (Réseaux d’éducation prioritaire) pour la sauver, la République ? Il est certain qu’il faudra mettre les mains dans le cambouis. D’ailleurs, les zemmouristes qui rêvent de reconquête chevaleresque, de batailles merveilleuses et pesantes comme au temps du bon Roland, ils y seraient bienvenus aussi, en REP (et REP +). 
Au fait, ça pourrait vous intéresser de savoir que dans une classe du secondaire de 29 adolescents que votre serviteur connaît bien, 24 ou 25 sont d’origine extra-européenne. « Grand remplacement » ou « créolisation » ? Comme vous voudrez. Ce qui est certain, c’est que l’avenir de notre pays dépendra de notre réussite à faire s’approprier notre patrimoine et notre culture à tous les Français de greffe (et de souche, aussi). De notre réussite à transmettre Montaigne, Rabelais, Diderot et tous les grands. S’il y a bien un lieu qui est l’arène du destin de la France, c’est l’école. Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que si nous la désertons, nous perdons • 

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Enseignant, auteur du roman "Grossophobie" (Éditions Ovadia, 2022).

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