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Le maccarthysme passe à gauche

Reportage aux Etats-Unis


Le maccarthysme passe à gauche
Donald Trump Jr. fustige la gauche "radicale libérale" lors de son discours à la convention nationale républicaine, Washington, D.C., 24 août 2020 © Chip Somodevilla / Getty images / AFP.

 


Soixante-dix ans après l’épuration anticommuniste menée par le sénateur Joseph McCarthy, une nouvelle paranoïa saisit les Etats-Unis. Tout livre, oeuvre, professeur ou acteur non conforme à la doxa antiraciste est aujourd’hui menacé de boycott. Au point de susciter des remous jusque dans les rangs progressistes. Reportage.


Elle est timide. On l’entend à peine, alors qu’elle replie son masque au-dessous de son nez, comme s’il s’agissait d’un tube de dentifrice : « Ça m’empêche de respirer l’air pur. Vous verrez que d’avoir dit ça, rien que ça, d’avoir mis mon masque sous les narines, ça me vaudra des ennuis »… Il aura fallu un événement aussi anecdotique qu’un jeu pour enfants pour qu’elle ose enfin parler. Mary-Ann (son vrai prénom) Graham (« vous pouvez m’appeler comme ça ? ») est membre de la puissante American Federation of Teachers, un syndicat affilié à la non moins puissante AFL-CIO, qui regroupe environ 1,8 million d’enseignants à travers les États-Unis. Institutrice en troisième grade (l’équivalent de notre CE2) à Kansas City, dans le Missouri, cette enseignante de 52 ans qui, dit-elle, « a toujours voté démocrate » et ne manquera pas « d’envoyer aux oubliettes de l’histoire américaine cet abruti de Donald Trump » s’est étranglée en apprenant la dernière trouvaille de ses collègues progressistes… « Dans mon école, à la rentrée prochaine, nous allons interdire aux enfants de jouer au jeu du pendu [« The Hangman », NDLR]. Un jeu qui, pourtant, amusait les élèves et leur permettait de pratiquer l’orthographe… On a eu des consignes : le prof qui autorisera ce jeu sera fichu à la porte, rien que ça ! » se lamente-t-elle.

J’ai toujours voté démocrate mais…

« Attendez, dit-elle en se resservant une vodka-tonic comme si elle était stressée… J’ai toujours été antiraciste. Je suis née en 1968, l’année de la lutte, ultime et humble (et elle insiste sur ce dernier mot en détachant les syllabes « humble ») contre les inégalités raciales. Mes parents, enseignants eux-mêmes, ont toujours eu à cœur de combattre les injustices faites aux minorités et notamment aux Afro-Américains. » Mais, poursuit-elle, « nous expliquer que le jeu du pendu est la parabole du noir martyrisé par le Ku Klux Klan, c’est vraiment dénaturer, pour servir des causes qui me dépassent, ce jeu. Et puis, surtout, entre nous, c’est complètement con ! » Elle lance : « Vous jouez à ça, chez vous, en France ? » On la taquine : « À notre connaissance, oui.


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Septembre 2020 – Causeur #82

Article extrait du Magazine Causeur




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