Le poème du dimanche
René Guy Cadou (1920-1951), était poète et instituteur à Louisfert dans le pays nantais.
Malgré sa courte vie, il a eu le temps de faire une guerre perdue, de voir mourir les fusillés de Chateaubriant et d’aimer Hélène à laquelle il a consacré l’essentiel de son œuvre. Membre d’un groupe informel de poètes, appelé l’école de Rochefort, Cadou, c’est la douceur qui exclut la mièvrerie, un art d’aimer, un courage discret, un lyrisme mesuré, comme ses vers.
Pas d’épanchement, juste un certain goût pour dire les paysages, l’enfance, le corps. Aucune provocation, seulement des invitations. Une poésie avec des mots de tous les jours, mais consciente d’être une parole d’essence particulière. Un équilibre français, si vous voulez. Pas forcément à la mode. Mais tous ses poèmes sont autant de matériaux préparatoires au bonheur de vivre.
Aller simple
Ce sera comme un arrêt brutal du train
Au beau milieu de la campagne un jour d’été
Des jeunes filles dans le wagon crieront
Des femmes éveilleront en hâte les enfants
La carte jouée restera tournée sur le journal
Et puis le train repartira
Et le souvenir de cet arrêt s’effacera
Dans la mémoire de chacun
Mais ce soir-là
Ce sera comme un arrêt brutal du train
Dans la petite chambre qui n’est pas encore située
Derrière la lampe qui est une colonne de fumée
Et peut-être aussi dans le parage de ces mains
Qui ne sont pas déshabituées de ma présence
Rien ne subsistera du voyageur
Dans le filet troué des ultimes voyages
Pas la moindre allusion
Pas le moindre bagage
Le vent de la déroute aura tout emporté.
René Guy Cadou
Œuvres poétiques complètes, (Seghers)