« Si vous estimez que ma rémunération n’est pas acceptable, faites une loi et je la respecterai » se défend le PDG de Peugeot.
« Comme pour un joueur de foot, il y a un contrat » … « ou un pilote de Formule 1 », a déclaré Carlos Tavares, le président de Stellantis, quatrième constructeur automobile mondial, pour défendre sa rémunération de 36,5 millions d’euros pour 2023, sur laquelle les actionnaires avaient à se prononcer le 16 avril, mais à titre non contraignant[1]. À première vue, c’est plus qu’impressionnant : scandaleux. Par rapport à un salarié de base de Stellantis, l’écart est colossal et peut engendrer un sentiment d’absolue injustice sociale, comme une pulsion révolutionnaire. Et après on réfléchit !
Un accord contractuel sur les résultats à venir
Carlos Tavares est déjà de bonne composition en se comparant à un joueur de foot dont la durée de carrière va être limitée et qui, aussi génial qu’il puisse être sur le plan sportif avec les retombées financières et commerciales qui suivront, ne peut pas arguer d’une utilité sociale et économique comparable à la sienne.
Il n’empêche que l’accord contractuel ne peut pas être un chiffon de papier.
Carlos Tavares allègue également que 90 % de ce salaire mirifique dépendront de ses résultats et de sa capacité de mener l’entreprise chaque année vers le meilleur. Si ce n’était pas le cas, il n’y aurait pas l’ombre d’une polémique sur ses émoluments, puisque déjà inférieurs à ceux de la plupart de ses collègues en Europe et aux États-Unis ; ils auraient été fortement réduits.
J’apprécie la sérénité avec laquelle Carlos Tavares, sans la moindre arrogance ni contrition, accueille cette controverse, spécifique d’une forme de jalousie française qui déteste que les créateurs d’entreprise et les patrons de société (même admirés par beaucoup, si on sort de la haine de l’extrême gauche qui confond l’exigence d’égalité avec la ruine de tous) gagnent beaucoup d’argent. Comme s’ils ne l’avaient pas mérité par leur travail et leur réussite ruisselant, quoi qu’on en dise, bien au-delà d’eux-mêmes.
LFI vent debout
Il est utopique de s’illusionner : il n’est personne, au plus haut niveau, qui, par décence ou sens de la mesure, accepterait de sacrifier ses propres avantages.
Carlos Tavares souligne qu’une loi pourra intervenir en édictant des montants maximums, et qu’il la respectera. Cette éventualité constituerait un pas de plus vers la caporalisation d’une société de moins en moins libérale alors que d’aucuns persistent à dénoncer un ultralibéralisme qui n’a jamais existé.
LFI a annoncé précisément son intention de déposer une telle proposition de loi visant à réduire l’écart des salaires entre 1 et 20.
Je voudrais ajouter un argument à ce qui n’est même pas la plaidoirie de Carlos Tavares. Il est paradoxal et d’une certaine manière choquant qu’on mette en cause une excellence concrétisée par des résultats exceptionnels qui ont été rudement conquis, notamment par des licenciements : je ne méconnais pas la rançon qui a été payée par certains ! Mais il reste que dans d’autres univers, notamment politique et médiatique, non seulement les échecs ne nuisent pas mais parfois ils rapportent. Ainsi un Carlos Tavares devrait rendre des comptes quand ils sont au beau fixe ! grâce à ses salariés mais aussi à son aptitude à la direction et à sa compétence. En revanche, le politique battu, le ministre médiocre, les conseillers déplorables sont dans la tradition française intouchables. C’est trop facile de soutenir qu’il y a des élections quand incontestablement des désastres ont été causés et qu’ils justifieraient des sanctions.
Je comprends le sentiment des salariés de Stellantis qui doivent vouloir une part plus importante de cette manne collective mais sans Carlos Tavares, elle aurait été moindre. Cette protestation – « cette rémunération est complètement illégitime dans un contexte où la plupart de nos sites de production souffrent » – de Christine Virassamy[2], la secrétaire du CSE de l’usine de Rennes peut s’entendre et même s’expliquer. Carlos Tavares, dont la rémunération prévue n’est pas « illégitime », joue à un poste capital : celui sans lequel les autres n’auraient aucun sens.
[1] https://www.lefigaro.fr/societes/comme-pour-un-joueur-de-foot-il-y-a-un-contrat-carlos-tavares-defend-sa-remuneration-de-36-5-millions-d-euros-20240416
[2] https://www.leparisien.fr/economie/365-millions-deuros-en-2023-le-salaire-astronomique-de-carlos-tavares-fait-a-nouveau-polemique-15-04-2024-N7DHOSOVGVCANFSJYMHTU2CTGE.php