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Tout ça pour ça ?


Tout ça pour ça ?

« C’est un remaniement ? – Non, Sire, un déménagement. » Depuis plusieurs semaines, Paris bruissait des rumeurs les plus folles. Certains nous annonçaient la nomination imminente d’Alain Juppé à Matignon, d’autres se réjouissaient de celle de Philippe Séguin place Vendôme. Les plus clairvoyants confiaient, à demi-mot, que la place Beauvau brûlait d’accueillir Manuel Valls et la rue de Valois Jack Lang. Claude Allègre se voyait bien à la tête d’un grand ministère de l’Industrie et de la Technologie – à défaut les Anciens combattants ou le Patinage artistique. Quant à Hubert Védrine, il occupait déjà le fauteuil de Bernard Kouchner que ce dernier y était encore assis.

Rien de tout cela ne s’est passé. Car rien ne s’est passé. Nicolas Sarkozy s’est contenté, pour tout remaniement, de sacrifier au jeu habituel des chaises musicales. Pourquoi aurait-il fait autrement ? Le résultat des élections européennes ne lui imposait pas d’en faire des tonnes. On prend donc les mêmes et on recommence. Certes, quelques nouvelles têtes font leur apparition. Mais, hormis Benoist Apparu (Logement et Urbanisme), Marie-Luce Penchard (Outre-Mer) et Nora Berra (aux Vieux, pardon aux Aînés), il faut revenir d’un long voyage aux Antipodes pour voir en Pierre Lellouche (Affaires européennes), Henri de Raincourt (relations avec le Parlement) et Christian Estrosi (Industrie) des perdreaux de l’année.

Evidemment, nul n’aura manqué de remarquer les deux trophées qui rejoignent, à la faveur de ce remaniement, les lambris élyséens : Michel Mercier et Frédéric Mitterrand.

Michel Mercier, c’est, dit-on, le coup de grâce porté à François Bayrou. Un ami de trente ans qui rejoint le gouvernement : le Béarnais est au plus mal. C’en est fini de lui. Pas sûr : le sénateur du Rhône a beau être trésorier du Modem, il ne siège plus dans les instances dirigeantes depuis plus d’un an et s’est positionné à de multiples reprises pour une alliance tactique avec l’UMP. Un rallié qui se rallie, belle prise de guerre !

L’arrivée de Frédéric Mitterrand rue de Valois est d’un tout autre genre. On en vient presque à regretter qu’Ava Gardner soit déjà morte : le nouveau ministre en aurait prononcé une nécrologie tout à fait convenable. C’est qu’il est doué, Frédéric Mitterrand, pour tenir les cordons du poêle, raconter l’histoire, le cinéma et les obsèques princières. Il a l’allure et la distinction pour aller à Cannes et à la Biennale de Venise, peut-être pas le métier suffisant pour porter le fer devant le Parlement. Qu’à cela ne tienne : ce n’est pas pour cela que Nicolas Sarkozy l’a choisi. Le président de la République a voulu se payer un menu plaisir : s’offrir un Mitterrand. Chacun a les fétichismes qu’il peut. Au Parti socialiste, on est visiblement gêné aux entournures pour dire quoi que ce soit de désobligeant de celui qui porte le nom de la statue du commandeur. On sait aussi que Frédéric a la rancune tenace et qu’il n’a toujours pas digéré le « droit d’inventaire » que Lionel Jospin invoquait le 9 avril 1995 pour déposer le bilan des années Mitterrand. Le premier socialiste qui l’ouvre est un homme mort : qu’on se le dise.

D’ailleurs, les socialistes n’ont pas vu passer le train. Benoît Hamon en tête, ils ont consacré leurs réactions à relativiser le remaniement : « Les ministres ne servent à rien. C’est le président de la République qui contrôle tout. » Au PS, on ne change pas une stratégie qui perd : les socialistes vont continuer à tirer sur Nicolas Sarkozy pendant les deux ans et demi qui viennent, sans toutefois jamais l’atteindre… Ils seront bien inspirés un jour de porter leurs critiques sur le gouvernement et ses membres, afin d’adopter une tactique éprouvée depuis longtemps : décrédibiliser les ministres et leur action, isoler le chef de l’Etat et l’affronter, le moment venu, d’homme à homme.

Rien de nouveau, donc, sous les ors de la République. Rien ? C’est vite dit. André Santini n’est plus ministre ! Le secrétaire d’Etat à la Fonction publique ne rempile pas. Est-il à la rue ? Non. L’heureux homme est sur le point de recouvrer son mandat de député de la dixième circonscription des Hauts-de-Seine. C’est son suppléant qui n’est pas jouasse. Il s’appelle Frédéric Lefebvre et il vient de se faire hacker son siège à l’Assemblée nationale. Maudits pirates !

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