Régis Mailhot n’est pas un con


Régis Mailhot n’est pas un con
Régis Mailhot. Sipa. Numéro de reportage : 00623757_000003.
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Régis Mailhot. Sipa. Numéro de reportage : 00623757_000003.

Une minutie, pour les collectionneurs d’insectes, désigne ces épingles très fines qui permettent de fixer les ailes et les corps. Avec Reprise des hostilités, Régis Mailhot nous livre un ABC minutieux et cruel où s’alignent, page après page, les gloires du moment, les vieilles gloires, les trucs un peu oubliés et les horreurs quotidiennes, bref, « les idoles et les têtes de gondoles ». « Je suis Charlie » ? « Profil Facebook ». Kardashian (Kim) ? « Promodidacte ». Licra ? « Truc qui gratte ». On cherchera en vain « consensus » ou « gentillesse », mais on trouvera « Kamikaze : profession à fort taux de suicide. […] Notons que durant les attentats parisiens, comble du narcissisme, un kamikaze s’est fait exploser… tout seul. » Les définitions sont sculptées, chaque entrée suivie d’un commentaire lapidaire qui blesse puis d’une définition qui exécute la notion aussi sûrement qu’un bourreau.

Régis Mailhot, hostile consciencieux, attaque tout ce qui bouge, même l’avocat d’Albin Michel, à la première ligne de la préface, qui lui a conseillé quelques coupes : on sent qu’il manie mal le compromis, même « dynamique et ambitieux », façon Valls. « Je suis contre l’angélisme où tout est sacralisé, l’émotionnel et le compassionnel, l’excès de symbole des Je-Suis-Charlie professionnels. Le rôle de l’amuseur, c’est de repousser le domaine de l’inconfort, de sortir de la zone où tout est balisé, sortir en fait du camp du bien, du sage, du care et de ses interdits. », déclare-t-il.

Reprise des hostilités avoine donc largement l’époque, ses ridicules, ses tabous et ses hypocrisies : « S’attaquer à la bêtise, c’est évidemment attaquer tout le monde, car personne n’a le monopole de la connerie. » Nous vivons une époque rétrécie qui prétend être libre alors que la subversion est devenue officielle, avec ses chantres attitrés et ses pamphlétaires autorisés, ses faux insolents… « On fait exister des gens qui n’ont ni pouvoir ni compétence ». Régis Mailhot parle de la fabrique de l’info de façon dissonante, dissidente : le trait est appuyé, mais il ne dessine que la forme qui existe. « Progressistes : socialistes honteux. […] Autoproclamé les “gentils”, leur mission est de réfléchir à notre place. Saint-Bernard des prolos, chiens d’aveugle qui guident le peuple vers la lumière. »

On sent que ce qui exaspère l’auteur, c’est cette prétention des dominants à imposer sans démontrer, à accuser sans cohérence, à poser aux moralistes (« Bien-pensance : poujadisme de gauche. […] Catalogue des certitudes à l’usage des vendeurs de tolérance qui n’en ont pas un seul échantillon sur eux. ») – mais aussi la passivité bovine de ceux qui admirent Nabilla (« personne fabriquée en kit à domicile et vendue en découpe à la télé »). Pourtant, tout est simple ! « Géopolitique : d’un côté se trouvent les riches qui cumulent les richesses, et de l’autre, les pauvres qui amassent les gravats. » Ce qui nous amène tout droit à « Grèce : berceau de la civilisation, tombeau de la mondialisation. »

Le livre, écrit par un libertaire énervé, est un mélange de nostalgie acide (on y croise Michael Jackson et Gérard Larcher), de franche grossièreté, de mauvaise foi assumée et de rages froides (« Burqa : couette de jour. Vêtement équitable : le noir retient la chaleur et le grillage évite aux femmes le maquillage qui tue les baleines. »). L’écrivain n’essaye pas d’être engagé mais dégagé ; dégagé du bon goût (« Africains : personnes qui imitent constamment Michel Leeb »), dégagé des faux-semblants (« Hollande, c’est un peu le chef de rayon  des produits surgelés qui explique que, pour faire des économies, la nuit, il coupe les frigos. »), dégagé de la politique. Il n’est d’aucun bord, et n’a de position et de situation que celle d’humoriste : sa cohérence, c’est l’attaque généralisée, Boutin et BHL, Lourdes et la fête de l’Huma, les Papes et le Père Noël. Voltigeur franc-tireur, Régis Mailhot court au milieu des mines et ajuste ses victimes : « Lutte finale : Ancien Testament. Ritournelle historique […] encore entonnée en fin de soirée dans les meetings de Force ouvrière par des anciens qui rotent de la Villageoise et veulent bouffer du curé. »

Faites provision de munitions.

Reprise des hostilités – #JeSuisBarbu, Régis Mailhot, Albin Michel, 2016.  En librairie le 6 avril.

Reprise des hostilités: #jesuisbarbu

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