Plutarque contre le Front républicain


Plutarque contre le Front républicain

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Il y avait quelque chose d’affligeant et de comique à la fois lors de la soirée qui suivit les résultats des régionales, le 13 décembre dernier. Le soulagement palpable des politiques, à voir le FN échouer à prendre une région malgré ses 6 millions 800 000 voix, nous a valu d’admirables professions de foi sur le thème du « Plus jamais ça, nous avons compris la leçon. » On peut par exemple se demander si derrière leur soudaine conversion au gaullisme social et à l’esprit de résistance, Christian Estrosi ou Xavier Bertrand, élus avec les voix de gauche, n’étaient pas malgré tout un peu dans l’état d’esprit de Daladier de retour en France après Munich, tel que le décrit Sartre à la toute fin du Sursis : « Daladier sortit péniblement de la carlingue et mit le pied sur l’échelle ; il était blême. Il y eut une clameur énorme et les gens se mirent à courir, crevant le cordon de police, emportant les barrières… Ils criaient “Vive la France ! Vive l’Angleterre ! Vive la paix !”, ils portaient des drapeaux et des bouquets. Daladier s’était arrêté sur le premier échelon : il les regardait avec stupeur. Il se tourna vers Léger et dit entre ses dents : — Les cons ! » [access capability= »lire_inedits »]

Ils étaient en effet les premiers surpris, après s’être fait lapider par leurs électeurs au premier tour, de voir la gauche et les abstentionnistes les rallier au second, marchant comme un seul homme qui refuserait pour sa tranquillité d’esprit de voir que cette victoire contre le FN est, de fait, un sursis, un trompe-l’œil ou, comme on dit, une victoire à la Pyrrhus : « Les armées se séparèrent ; et on raconte que Pyrrhus répondit à quelqu’un qui célébrait sa victoire que “encore une victoire comme celle-là et il serait complètement défait”. Il avait perdu une grande partie des forces qu’il avait amenées, et presque tous ses amis et principaux commandants ; il n’avait aucun moyen d’avoir de nouvelles recrues. » C’est Plutarque qui raconte cela dans La vie des hommes illustres et Mélenchon lui fait écho quand il déclare : « Le gouvernement et le Premier ministre, responsables au premier rang de cette débandade, auraient tort d’analyser le résultat comme une victoire. »

Quant au FN, vaincu radieux, Plutarque aussi le décrit très bien : « Tandis que, comme une fontaine s’écoulant continuellement de la ville, le camp romain se remplissait rapidement et abondamment d’hommes frais, pas du tout abattus par la défaite, mais gagnant dans leur colère une nouvelle force et résolution pour continuer la guerre. »…[/access]

*Image: wikicommons.

Janvier 2016 #31

Article extrait du Magazine Causeur



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