Les régionales approchent et à gauche on aimerait resserrer les rangs. Jean-Christophe Cambadélis se met même à apprécier les referendums lorsque ceux-ci prônent « l’unité » et qu’il est sûr de les gagner. Son appel à l’union derrière le PS dès le premier tour révèle un sacré malaise à gauche, où les défections se multiplient et les listes se vident tant au PS que chez les Verts. On suppose que quand chacun aura créé son propre parti, tout le monde se trouvera à sa place…
À Paris, Laure Lechatellier, tête de liste dans les Hauts-de-Seine et donc « en position éligible » comme elle a tenu à le rappeler au journal L’Opinion, a décidé de claquer la porte du parti écologiste comme François de Rugy et Jean-Vincent Placé avant elle. Déçue par la tournure que prend son parti, elle a étalé dans ce journal ses déceptions et ses désillusions : « Europe Ecologie-Les Verts était une belle promesse, écrit-elle. Celle de faire de la politique autrement. Une belle aventure collective. Joyeuse et pleine d’avenir. […] Nous avions l’espoir pour horizon. Aujourd’hui, quand j’ouvre mes mails, il n’y a que désespérance, insultes, règlements de comptes. En somme, la politique comme les autres. » Si elle part, c’est donc d’abord parce qu’EELV, au lieu d’être le parti festif et bucolique qu’elle espérait, est devenu un panier de crabes.
Elle ajoute même qu’elle a décidé de partir par « honnêteté intellectuelle ». Ne se reconnaissant plus dans la ligne politique des Verts, notamment dans les accords avec le Front de Gauche aux régionales, elle préfère suivre Jean-Vincent Placé et son nouveau parti : « Écologistes ! ». Résultat : les Verts perdent un nouveau membre important et se retrouvent momentanément sans tête de liste dans les Hauts-de-Seine pour les élections qui approchent. Et d’autres départs sont à prévoir. Pour Ziad Goudjil, conseiller régional sortant d’Ile de France qui a répondu au Figaro : « Nous sommes dans une démarche de séparation par rapport à des choix politiques et à un climat de violence qui va trop loin. » Lui aussi a choisi de suivre le sénateur Jean-Vincent Placé, qui projette de monter ses propres listes. Quand on sait que le dernier livre de M. Placé (Pourquoi pas moi !) s’est vendu à 300 exemplaires, on peut légitimement se demander quel électorat il espère conquérir…
En tout cas, chez ce qui reste des Verts, qui s’attendaient déjà à des résultats catastrophiques, on risque donc de boire la tasse faute de candidats. Mais on n’aura, au moins, pas dérivé de la ligne Duflot-Cosse. Mieux vaut perdre que cautionner la politique gouvernementale.
Pourtant, pendant ce temps-là, au PS, la situation n’est guère plus glorieuse et la ligne vallso-hollandiste n’est pas forcément le principal problème. Dans la nouvelle région Rhône-Alpes-Auvergne, c’est toute une brochette de colistiers de Jean-Jack Queyranne, actuel président du conseil régional de Rhône-Alpes, qui a décidé de quitter le navire. A l’origine de la discorde : la nomination, sur la liste candidate aux régionales, d’un groupe de personnes non encartées au PS. La section socialiste du Rhône faisait déjà planer, depuis quelques semaines, la menace de ne pas soutenir Queyranne aux élections s’il ne modifie pas sa liste. Mais Queyranne a refusé et se retrouve avec une liste à trous.
Le choix de Farida Boudaoud comme numéro deux a particulièrement déplu aux socialistes qui voulaient voir Caroline Collomb, la femme du maire de Lyon, à sa place. Les accusations pleuvent d’ailleurs sur Gérard Collomb, suspecté d’avoir téléguidé ces défections pour assurer « une fenêtre de sortie » à sa femme, selon un élu socialiste de la région interrogé par Lyon capitale.
Pour compliquer ce maelstrom, Mme Boudaoud s’était elle-même rendue coupable de se présenter sur une liste dissidente menée par le communiste Michel Buronfosse, aux municipales de mars 2014 dans la ville de Décines. Une candidature de « rassemblement de la gauche », avait-elle dit à l’époque, autrement dit sans les socialistes qui ne seraient plus « de gauche ».
Mais cet amusant imbroglio n’a pas empêché Jérôme Safar, conseiller de Jean-Jack Queyranne, de déclarer au Progrès : « On ne peut pas retenir des gens qui n’ont pas envie de faire campagne contre la droite extrême et l’extrême droite. » (sic). Que n’y avait-on pensé plus tôt ? Refuser de se plier à l’autorité au sein du « parti socialiste », même pour protester contre la réintégration d’une « frondeuse », revient à jouer le jeu des extrémistes.
Toujours plus plurielle, la gauche semble n’avoir plus le choix qu’entre décomposition et atomisation. Mais finalement, au-delà des conflits d’égos et des désaccords politiques, c’est l’odeur de la défaite qui, comme toujours, pousse les militants à quitter le navire plutôt qu’à se serrer les coudes.
*Photo: Pixabay.
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