Il n’y a pas de crise démocratique. Les Français ne voient pas l’intérêt de voter aux régionales, voilà tout.
Les résultats du premier tour des élections régionales ont pris presque tout le monde par surprise. Les LR, en premier lieu, s’affirment comme la première force politique de France. Le RN, toujours deuxième, perd énormément de terrain et, même s’il sera présent au second tour dans plusieurs régions, il n’y a qu’en PACA qu’il conserve un petit espoir de l’emporter. Quant à la gauche, l’alliance rouge-rose-vert reste potentiellement très forte, vivante, pleine d’espoir et tout ça et tout ça, mais concrètement faible…
Mais surtout, comme le disaient tous les participants sur les plateaux hier soir, on déplore un taux d’abstention sans précédent.
Situation immensément dangereuse
Pour Patrick Roger du Monde, nous avons vécu dimanche « une bérézina démocratique » quand « sur les 47,7 millions d’électeurs appelés à voter, plus de 30 millions ont choisi de ne pas se déplacer », un fait qui confirme pour lui « un mauvais penchant ». Sur FigaroVox Maxime Tandonnet est plutôt d’accord : l’effondrement de la participation « est évidemment le signe d’une démocratie agonisante. Dès lors que l’immense majorité des citoyens s’abstient de se rendre aux urnes, le suffrage universel est annihilé et le pouvoir du peuple devient une formule vide de tout sens. Cette situation est immensément dangereuse. » Selon lui, la responsabilité « incombe à la classe dirigeante du pays. Depuis quelques années, le naufrage de la politique au plus haut niveau dans les coups de communication, le Grand-Guignol permanent, l’obsession de paraître et de pavoiser finit par engendrer un profond dégoût des citoyens.. »
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Dans la liste non exhaustive des raisons de l’abstention, la plus ridicule est sans doute celle du « fiasco de la propagande » proposée hier par quelques commentateurs ; un grand nombre de citoyens n’auraient pas reçu l’enveloppe contentant les professions de foi des candidats de leur région. C’est sans doute un problème, mais d’ici à y voir une explication ne serait-ce que partielle de l’abstention, il y a plus qu’un pas…
On peut empiler commentaires et analyses, critiquer les médias, la classe politique et déplorer le niveau du débat politique, lequel serait de plus trop éloigné des préoccupations de la vraie vie des vrais Français – c’était le consensus sur les plateaux hier soir.
Les régions, c’est quoi ce machin ?
Mais pour comprendre, il ne faut pas chercher très loin. A quelques exceptions, la Ve République a fait des élections présidentielles les seuls et uniques scrutins qui comptent vraiment. J’en veux pour preuve que les taux de participation en 2012 et 2017 ont été proches de 80%. Alors, on peut à loisir comparer à un beau millefeuille la formidable administration de notre territoire. Reste qu’en haut, il n’y qu’une seule cerise : l’Elysée.
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En France, même le Premier ministre n’est qu’un « collaborateur » du président de la République, à qui des citoyens bien élevés ont l’habitude de donner une majorité législative six semaines après l’avoir élu, vidant au passage sa substance à l’Assemblée nationale, qui devrait être le lieu où le rapport de forces des législatives engendre un projet politique de gouvernement… Et puis ce « millefeuille », tous ces échelons avec leurs administrations variées et leurs obscures compétences semblent souvent être des « machins » destinés à compliquer la vie et multiplier les fonctionnaires !
Ainsi, contrairement à tout ce qu’on a pu nous dire ces dernières 24 heures, ce n’est pas parce que les citoyens n’ont pas compris les enjeux des régionales qu’ils ne se sont pas déplacés. On peut au contraire avancer que c’est justement parce qu’ils ont enfin saisi le fait qu’on leur demandait de désigner ceux qui construisent les lycées et gèrent les RER et autres TER qu’ils ont décidé de ne pas faire le déplacement. Les chantiers de bahuts (présents et à venir) n’intéressent pas grand monde. Les subtilités des transports en commun, tout autant. Ce n’est pas que ce n’est pas important, mais ce sont tout simplement des sujets qui ne correspondent pas à ce que la plupart des gens appellent « la politique ». Ajoutez à l’hyper-présidentialisation de notre régime une trivialisation des sujets et des enjeux (sans oublier les remarques hilarantes des élus et journalistes rappelant aux citoyens à quel point les régions sont importantes…), et vous avez votre taux d’abstention.