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Fiscalité: la vraie raison pour laquelle les élites détestent Trump

La révolution fiscale du président pénalise les riches habitants des grandes villes


Fiscalité: la vraie raison pour laquelle les élites détestent Trump
Manifestation anti-Trump à Washington, janvier 2017. SIPA. 00789713_000002

La révolution fiscale de Donald Trump pénalise les riches habitants des grandes villes… qui ont massivement voté pour son ancienne rivale, Hillary Clinton. 


Le 8 novembre 2016, Donald Trump défiait les sondages unanimes donnant Hillary Clinton largement vainqueur de l’élection présidentielle américaine. En arrivant en tête dans 30 des 50 Etats, il remportait 57 % des « grands électeurs », c’est-à-dire plus de « grands électeursé que n’en a obtenu George W. Bush en 2000 et en 2004.

L’un des thèmes prédominants de la campagne électorale fut la fiscalité. Alors qu’Hillary Clinton proposait de maintenir un statu quo fiscal, son rival républicain promettait tout simplement “la réforme fiscale la plus ambitieuse que le pays ait jamais connue”. L’homme d’affaires proposait une baisse drastique du taux de l’impôt sur les Sociétés fédéral, le ramenant de 35 % à 15 % ainsi que la suppression des droits de succession et une baisse de l’impôt sur le Revenu fédéral (en remplaçant les 7 tranches alors en vigueur par 3 tranches, de 12 %, de 25 % et de 35 %).

Son Amérique d’abord

Les deux chambres du Congrès se sont mis d’accord, le 15 décembre 2017, sur un texte commun (“The Tax Cuts and Jobs Act”), lequel s’inspire largement des promesses électorales. Le taux de l’impôt sur les Sociétés fédéral a finalement été réduit à 21 % (au lieu de 15 %) et la tranche marginale de l’impôt sur le Revenu fédéral abaissée de 39,6 % à  37 %. Le président a signé la loi le 22 décembre 2017, juste avant de partir en Floride pour les vacances de Noël. Et la loi est entrée en vigueur au 1er janvier 2018, sans effet rétroactif.

Désormais, les entreprises établies dans le Wyoming ou dans le Dakota du Sud (les deux seuls Etats à ne pas prélever d’impôt sur les bénéfices ou sur le chiffre d’affaires des sociétés aux Etats-Unis) bénéficient donc de l’un des taux d’imposition des bénéfices les plus bas du monde occidental. Et même les sociétés établies dans des Etats comme l’Iowa (12 %), le New Jersey (9 %) ou la Californie (8,84 %), qui sont ceux qui taxent le plus fortement les bénéfices des entreprises, subiront un taux global d’imposition des bénéfices de 30 % à 33 % (contre 44 % à 47 % auparavant).

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Par ailleurs, des pans entiers de la fiscalité internationale des sociétés sont réformés en profondeur, avec notamment l’instauration d’un régime des sociétés mères (exonération des dividendes versés par des filiales étrangères détenues à au moins 10 %). Les groupes américains pourront donc rapatrier, sans difficulté, aux Etats-Unis les bénéfices de leurs filiales étrangères, au lieu de les laisser en réserve à l’étranger. Les marchés financiers ont apprécié la réforme. La hausse spectaculaire (35 %) de la bourse de New-York entre l’élection de Donald Trump, en novembre 2016, et l’adoption de la réforme fiscale, fin décembre 2017, a été principalement alimentée par cette perspective de réduction substantielle de la charge fiscale pesant sur les entreprises.

En sus de la baisse de la tranche marginale de l’impôt sur le Revenu fédéral (de 39,6 % à 37 %), les déductions forfaitaires (“standard deductions”) sont doublées, ainsi que le “Child Tax Credit”. Les droits de donation et de succession fédéraux (au taux de 40 %) ne sont certes pas abrogés (comme le promettait Donald Trump), mais l’exonération passe de 5 millions à 10 millions de dollars par personne. Très peu de foyers seront donc désormais concernés aux Etats-Unis (la succession de Donald Trump, c’est certain, ne sera pas exonérée…).

« Une guerre civile » contre les habitants des grandes villes

En contrepartie des cadeaux précédents, certaines déductions fiscales spécifiques (“Itemized deductions”), très populaires auprès des contribuables américains, sont drastiquement réduites. Les intérêts des emprunts hypothécaires contractés à partir de 2018 restent déductibles, mais seulement dans la limite d’une dette d’un montant maximum de 750 000 dollars (contre 1 million auparavant). Surtout, la déduction des taxes locales (impôt sur le Revenu de l’Etat et taxes foncières des municipalités, qui correspondent parfois à 2 % par an de la valeur de marché des résidences) est désormais plafonnée à 10 000 dollars par foyer, comparée à une déduction sans limitation applicable jusqu’alors. Les habitants des villes et des Etats où les taxes locales sont les plus élevées perdent un avantage fiscal conséquent. Pour illustrer le propos, il faut savoir que la tranche marginale de l’impôt sur les Revenus de la Californie est de 13,3 % ou de 8,82 % à New-York, à laquelle s’ajoute 3,876 % au titre de l’impôt sur le Revenu de la ville de New-York, soit un total de 12,696 % (à comparer avec… 0 % dans les Etats qui ne prélèvent pas d’impôt sur le Revenu comme la Floride ou le Texas). Il est estimé que les résidents de l’Etat de New-York vont voir augmenter leur charge fiscale fédérale de 14 milliards de dollars en 2018.

Le Tax Policy Center a prévu que toutes les catégories sociales seraient bénéficiaires de la réforme de l’impôt sur le Revenu, à l’exception de 5 % des contribuables qui verront leur note fiscale augmenter. Ces 5 % sont typiquement des habitants de grandes villes en Californie ou de la côte Est des Etats-Unis, c’est-à-dire des Etats qui ont massivement voté en faveur d’Hillary Clinton (on rappellera que Manhattan a voté à 86,36 % pour Hillary Clinton – contre seulement 9,87 % pour Donald Trump, et que la Californie a donné 8,7 millions de voix à la candidate démocrate contre 4,4 millions au candidat républicain). Ce n’est donc pas un hasard si Jerry Brown, le gouverneur de la Californie qualifie cette réforme de “monstruosité dont le but est de punir la Californie qui a voté pour Hillary Clinton” et si Andrew Cuomo, le gouverneur de l’Etat de New-York, y a vu “une guerre civile économique contre les Etats démocrates”.



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