Outre-Manche, le nouveau système de retraite par capitalisation a ruiné des dizaines de milliers d’actifs. La faute à des fonds de pension véreux hâtivement certifiés par l’État. De quoi bénir le modèle social français.
Alors que le navire britannique s’apprête à larguer les amarres et à quitter les rives de l’Union européenne pour naviguer vers le grand large, je souhaiterais partager avec mes amis français quelques réflexions sur les conséquences désastreuses de notre système de retraite historiquement basé sur la capitalisation, qui a subi plusieurs réformes au fil des dernières décennies.
En 2037, l’âge auquel les Britanniques pourront toucher leur pension de retraite à taux plein devrait passer de 65 à 68 ans[tooltips content= »« La retraite au Royaume-Uni », la-retraite-en-clair.fr. »][1][/tooltips]. Cet âge pourrait même être relevé à 70 ans[tooltips content= »« State pension age must rise again, says report », theguardian.com, 23 mars 2017. »][2][/tooltips] ! Chaque employeur est désormais tenu d’enregistrer ses employés auprès d’un régime de retraite. Il a l’obligation de cotiser en premier lieu pour la retraite d’État de base et, deuxièmement, il a le choix entre cotiser auprès du fonds de pension d’État NEST (« National Employment Savings Trust »), ou bien auprès de fonds de pension privés[tooltips content= »Jatin Radia, « Comment fonctionne le système de retraite en Angleterre ? », pramex.com. »][3][/tooltips].
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Ce sont ces derniers qui posent un grave problème, car les réformes successives ont ouvert la voie à une cohorte de criminels en col blanc, qui se sont accaparé – avec le blanc-seing de l’État – les milliards des cotisations de dizaines de milliers d’actifs, les laissant sur la paille pour leurs vieux jours. Le quotidien Daily Mail aurait, à lui seul, réussi à identifier 8 000 victimes, mais l’organisme officiel de régulation des pensions britanniques (« Pension Regulator ») en aurait répertorié 100 000, avec un préjudice estimé à 10 milliards de livres sterling à ce jour[tooltips content= »« Lambs to the slaughter », dailymail.co.uk, 29 décembre 2019. »][4][/tooltips], soit quelque 11,5 milliards d’euros !
Les militaires et les policiers comptent aujourd’hui dans leurs rangs des milliers de personnels spoliés ayant perdu l’intégralité de leurs cotisations de retraite. Un ancien combattant ayant guerroyé sur de nombreux théâtres d’opérations expliquait le 30 décembre, toujours dans le Daily Mail, qu’ayant tout perdu, il ne lui restait plus qu’à espérer avoir la force de travailler jusqu’à 80 ans.
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Comment en est-on arrivé là ? Facile : certains fonds de pension gérés par des crapules, qui coulent en ce moment même des jours heureux au soleil, avaient tous été certifiés soit par le Pension Regulator, soit par l’Administration fiscale et douanière (HMRC), voire carrément par le ministère de la Défense. Or, on découvre que leur enregistrement par les services de l’État pouvait être effectué en quelques minutes sur internet sans aucun garde-fou. Rassurés par l’estampillage officiel de l’État, incapables de discerner le bon grain de l’ivraie parmi les multiples offres de placement et délibérément induits en erreur par l’annonce de taux mirobolants, des milliers d’Anglais, Gallois, Écossais, Nord-Irlandais ont tous plongé dans le gouffre la tête la première.
Au vu de cette tragédie nationale, le système français de retraite par répartition apparaît comme une bénédiction. Il est le trophée d’âpres luttes sociales et d’immenses sacrifices consentis par les générations passées. Il serait regrettable de le faire passer à la trappe de l’Histoire pour s’acheminer vers des lendemains incertains faits de misère économique, de larmes et d’expansion de la criminalité en col blanc.
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