Il y a aujourd’hui un an, commençaient à être rendus publics les premiers éléments de la réforme du collège. Depuis, celle-ci a été entièrement dévoilée, et la mobilisation pour réclamer son annulation n’a pas cessé. Ainsi, le week-end des 12 et 13 mars, des rassemblements seront organisés, à l’initiative du collectif Condorcet récemment formé, dans plusieurs villes de France, pour marquer l’anniversaire de cette mobilisation pour l’école.
Concernant cette réforme, en effet, les motifs de très grave mécontentement sont nombreux. Tout d’abord, elle envisage des programmes par cycle plutôt que par année : il devient alors difficile à un élève faisant une année dans un collège puis terminant le cycle dans un autre d’avoir la garantie de voir tout le programme. De plus, l’application de la réforme simultanément pour les quatre années de collège dès la rentrée 2016, contrairement à l’usage établi d’un échelonnement, rompt la continuité pédagogique pour les élèves. Ainsi, certaines notions de géométrie seront désormais attendues des élèves de 3e en 2016, alors qu’elles n’étaient pas au programme de 4e de 2015. Les professeurs devront donc se démener encore plus pour permettre à leurs élèves de s’en sortir.
Inégalité entre établissements et entre territoires
Autre grave défaut de la réforme du collège, l’« autonomie » accordée aux établissements rompt encore davantage l’égalité des enseignements sur le territoire : 20% des heures de cours seront affectées différemment selon les établissements, et les classes bilangues seront maintenues de manière inégale sur le territoire. Comment oser prétendre défendre l’égalité tout en permettant que 100% des classes bilangues soient maintenues dans la capitale alors que ce maintien n’est que de 5% en Normandie ?
Comment parler d’égalité quand il est considéré comme normal que tous les élèves n’aient pas le même nombre d’heures dans chaque discipline, ni les mêmes possibilités de filières ?
Plus précisément, sous couvert d’égalité, cette réforme fait table rase de tout ce qui pouvait enrichir le parcours des élèves ! Ainsi, les sections européennes, les langues régionales et les vraies options de langues anciennes sont supprimées et 540 heures de cours disparaissent sur les 4 années de collège ! À quel profit ? Celui des EPI, nouveau joujou ministériel sorti des esprits torturés de la rue de Grenelle dont nous découvrons depuis quelques mois la rigueur intellectuelle et le potentiel culturel : « Madame Bovary mangeait-elle équilibré ? » pour ne citer que le plus célèbre. Ces bricoles pourraient prêter à sourire, si elles ne réclamaient pas deux heures hebdomadaires, à prélever sur les heures disciplinaires. Lorsqu’un élève sur cinq entre en collège sans savoir lire de manière courante, on peut légitimement juger criminel le fait de sacrifier, par exemple, des heures de français pour de tels projets.
Autre source de perte horaire : l’accompagnement personnalisé (en classe entière, comme son nom ne l’indique pas) n’a désormais plus d’horaire dédié, et devra donc, lui aussi, prendre deux heures aux disciplines concernées. Ainsi, quand on annonce 26 heures de cours hebdomadaires, il n’y en aura en réalité que 22 pour les disciplines à proprement parler.
Mensonges et mépris au sommet
On en arrive au point le plus grave : tout ce qui a été écrit ci-dessus, jamais vous ne l’entendrez dans les discours tenus par la ministre. En effet, probablement consciente des conséquences d’une réforme qu’elle n’a pas écrite, la ministre préfère mentir à longueur d’interventions médiatiques tout en traitant ses opposants avec mépris (on appréciera à l’occasion de voir la secrétaire perpétuelle de l’Académie française recadrée par une ministre dont on connaît maintenant le langage châtié).
Tout est dans les mots dans ce projet : l’« accompagnement personnalisé » se fait par groupe de 30, le « latin pour tous » sera soumis à l’accord du chef d’établissement s’il lui reste des heures à y consacrer (ne doutons pas de sa survie dans les collèges prestigieux). Les « changements de paradigme » ne sont que la continuation de la destruction du système amorcée par les précédentes réformes, notamment la réforme Châtel du lycée dont le bilan est plus que négatif.
Quant à l’inégalité territoriale, elle est en marche depuis trois ans avec la réforme des rythmes scolaires dont l’application est encore source de problèmes et d’inacceptables inégalités territoriales et pour laquelle le ministère se refuse à tout audit. Pourtant, l’Association des maires de France réclame aujourd’hui une réelle évaluation quant à son efficacité.
Face à ce mépris affiché envers les professeurs, les élèves, les parents, les élus locaux, au travestissement de la vérité, la coupe est pleine. Après un an de lutte pacifique sans qu’une seule fois l’intersyndicale n’ait été reçue par la ministre en personne, alors que dans un même temps, d’autres branches professionnelles obtenaient gain de cause par des actions plus musclées, les Indomptés – collectif Condorcet appellent tous les citoyens soucieux de l’avenir de nos enfants à manifester ce week-end aux lieux et horaires suivants :
Le samedi 12 mars :
Marseille, à 14 heures, au Vieux Port.
Lille, à 15 heures, place du Général de Gaulle.
Tours, à 15 heures, square de la préfecture.
Lyon, à 14 heures, place de Bellecour.
Belfort, à 15 heures, à la préfecture.
Clermont-Ferrand, à 15 heures place de Jaude.
A Saint-Denis de La Réunion, à 14 heures 30, au Barachois.
Le dimanche 13 mars :
Rouen, à 14 heures devant l’Inspection académique.
Mont-Louis, à 16 heures pour la région de Montpellier.
Périgueux, à 16 heures devant le Palais de justice.
Agen, à 14 heures devant la mairie.
Libourne, à 10 heures au marché.
Fontainebleau, à 10 heures à l’Hôtel de ville.
Paris, à 14 h30 place St Michel.
Pour plus d’informations, sur les manifs, la réforme et la défense de l’école républicaine : le site du Collecif Condorcet
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