Une dépêche de l’agence spécialisée AEF a confirmé ce qui n’était encore qu’une rumeur quelques jours plus tôt. Au cours d’une journée de formation, le rectorat de Toulouse a donné instruction aux chefs d’établissement de classer en trois groupes les personnels enseignants des collèges de l’Académie selon qu’ils semblaient, en ce qui concerne la réforme : « opposants, rebelles, hostiles, irréductibles » ; « attentistes, passifs, indifférents, indécis » ; ou « progressistes, proactifs, convaincus, avocats, relais ».
Et même si la rectrice, injoignable dans un premier temps, a fini par sortir de son silence pour qualifier de « faute d’un inspecteur » ce fichage manifeste, même si elle a affirmé avoir « convoqué l’inspecteur qui a commis cette faute afin d’en tirer toutes les conséquences » (Bigre ! On n’aimerait pas être à sa place..), personne n’est dupe. Tous ceux qui connaissent un peu l’Education nationale savent parfaitement qu’un inspecteur qui, lors d’une journée de formation, s’adresse à « 90 inspecteurs, chefs d’établissement et professeurs », ne parle pas en son seul nom.
La méthode illustre de manière éloquente la confiance accordée au corps enseignant par le ministère et tous ses exécutants. Elle démontre en outre qu’en matière d’éducation à la citoyenneté, la hiérarchie ferait mieux de commencer par elle-même. Le besoin même de recourir à un tel fichage en dit beaucoup plus long sur la popularité de cette réforme que tous les sondages ou les élucubrations sur le nombre de grévistes avancés depuis quelques mois.
Qu’aurait à redouter, en effet celle qui disait la majorité des enseignants favorables à la réforme le 2 juillet dernier ? Comment une réforme dont « les enseignants et les inspecteurs des premier et second degré [avaient] par exemple salué « l’articulation entre les programmes et le socle commun de connaissances, de compétence et de culture », « les niveaux de maîtrise attendus en fin de cycle » et « la place centrale donnée à la maîtrise de la langue, en particulier à l’oral » » pourrait-elle être subitement devenue impopulaire ? D’autant que le seul point, selon la ministre, sur lequel le corps enseignant aurait exprimé un bémol, à savoir « la lisibilité du projet », a été corrigé.
En réalité, le projet reste toujours aussi illisible pour les enseignants, mais pas à cause d’un jargon pédagogiste rappelant les heures les plus sombres de l’histoire des IUFM, simplement parce que les professeurs ne veulent pas croire que l’école soit tombée aussi bas.
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