(Avec AFP) – « Détermination » ou « passage en force » ? Au lendemain d’une grève des enseignants, le décret qui concrétise la réforme contestée du collège a été publié mercredi, une accélération immédiatement décriée par ses opposants même si le gouvernement promet de poursuivre le dialogue.
Principal syndicat du secondaire, le Snes (classé à gauche) a aussitôt dénoncé sur Twitter une « provocation, une faute » tandis que le Snalc (sans couleur politique) fustige un « scandaleux passage en force ». Ce dernier « comprend donc que la ministre n’avait laissé sa « porte ouverte » que pour mieux la claquer à la figure des professeurs de collège, dans un stupéfiant déni de dialogue social ».
Très remonté, le syndicat appelle à bloquer les épreuves du brevet des collèges fin juin et annonce qu’il ira « jusqu’au bout pour lutter contre la dégradation des conditions de travail (des enseignants) et contre la casse de notre École ».
François Bayrou, le président du MoDem, a quant à lui aussitôt appelé à une « manifestation nationale », évoquant également un « passage en force ».
« Il n’y a pas de précipitation, tous les délais sont tels que nous les avions prévus depuis le début », a réfuté la ministre de l’Education nationale sur France Info, rappelant que la réforme avait été adoptée le 10 avril par la communauté éducative réunie en Conseil supérieur de l’éducation (CSE).
Pour Najat Vallaud-Belkacem, la parution des décrets au JO va permettre de « passer à l’étape suivante », à savoir les textes d’application qui vont pouvoir répondre aux « inquiétudes » des grévistes et manifestants, et « d’apporter les garanties sur le fait que l’interdisciplinarité se fera dans de bonnes conditions (…) que pour le travail en équipe qu’on leur demande, on leur laissera le temps de préparation nécessaire pour le faire dans les établissements scolaires ».
Mardi, quelques milliers d’enseignants sont descendus dans la rue brandissant pour certains le Gaffiot (célèbre dictionnaire latin-français) ou une écharpe de l’équipe de foot allemande, pour protester contre cette réforme, dont les principaux points de crispation sont la suppression du latin et du grec, remplacés par un enseignement pratique interdisciplinaire, et celle des classes bilangues.
A la place de ces classes où deux langues étaient enseignées dès la sixième (suivies par 16% des élèves de sixième), la réforme propose une deuxième langue pour tous en cinquième.
Autres sujets d’inquiétude : l’autonomie accrue accordée aux établissements et l’interdisciplinarité (qui consiste à croiser deux disciplines lors d’un même cours). Les syndicats anti-réforme redoutent que la première donne trop de pouvoir aux chefs d’établissement et que la seconde grignote les horaires de chaque matière, dans un pays où le corps professoral est très attaché à ses disciplines.
Plus de la moitié des professeurs de collèges publics, selon le Snes, étaient en grève mardi. Des milliers d’entre eux ont manifesté dans une cinquantaine de villes de France, et pourrait bien trouver le mépris gouvernemental insultant, alors que 60% des Français soutiennent leur mouvement.
*Photo : © AFP PHILIPPE DESMAZES
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