Aussi surprenant que cela puisse paraître, François Hollande, c’est une certitude maintenant, aime les actrices. Nous n’épiloguerons pas sur Julie Gayet car selon la formule consacrée, cela ne nous regarde pas. Mais il n’y a pas que Julie Gayet, apparemment, qui occupe l’imaginaire présidentiel. Prenons par exemple Marion Cotillard, l’actrice made in France préférée du cinéma américain : un genre de Louis Jourdan (paix à son âme) version féminine, puisqu’elle incarne parfaitement cette créature mystérieuse, sensuelle et fascinante qu’est la femme française.
Eh bien Marion qui a eu, à une époque, quelques petites poussées de fièvre complotiste sur le 11 septembre, a été choisie par le Président pour l’accompagner aux Philippines. Il s’y déroule en effet ces jours-ci une conférence internationale sur le climat. Celle de Copenhague, en 2009, avait été un échec assez désastreux. Le regretté président Chavez y avait prononcé une de ces formules dont il avait le secret et qui résumait parfaitement la situation : « Si le climat était une banque, on l’aurait déjà sauvé. »
On doute, malgré tous ses mérites, de trouver une telle pépite dans l’allocution que Marion va prononcer à Manille. Toute heureuse d’avoir été désignée, elle ne voudra certainement pas embêter le président par des discours enflammés. Elle est plutôt, Marion, dans la vénération pure et simple, comme le prouve sa déclaration sur le tarmac philippin : « C’est la première fois que je rencontre François Hollande. On a dîné ensemble dans l’avion. Il a un discours intelligent, réfléchi. » On nous assure que Marion n’est pas seulement là parce qu’elle est actrice mais que c’est une vraie militante opposée au réchauffement, sans que l’on sache si on parle du climat ou du spectateur qu’elle a effectivement eu du mal à réchauffer en France. Ainsi pour Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie qui est aussi du voyage : « Marion Cotillard est ici en tant que citoyenne. » Si elle le dit, c’est que ce doit être vrai. Marion n’était pas seule dans l’avion puisqu’elle était accompagnée de Mélanie Laurent. Mélanie Laurent non plus n’est pas là par hasard. Il y a deux ans, elle avait prouvé que la lutte pour l’écologie, c’était aussi du vrai glamour, puisqu’elle avait posée nue avec un tourteau cachant ses seins pour protester contre la surpêche. C’est d’ailleurs la seule image bunelienne – un peu troublante, façon Un chien andalou – de sa carrière que votre serviteur mettra à son actif, peu sensible qu’il est au caractère lisse de cette actrice. Marion, on espère que pendant son discours contre le réchauffement, elle ne se mettra pas à pleurer, car les actrices pleurent beaucoup ces temps-ci.
Quitte à paraître un peu bougon, des actrices mises en avant de cette manière, même engagées, même très gentilles, ne nous semblent pas forcément l’idée du siècle. La gravité du sujet, le fait que le réchauffement climatique soit l’enjeu d’une bataille idéologique autant qu’écologique opposant l’immense majorité du monde scientifique et politique à une minorité de combat, demandait peut-être d’autres voix. Face à ceux qui demeurent dans le déni, avec comme arrière-pensée de ne surtout rien changer aux modes de production, ni au système économique, qui nous a conduits au seuil de désastres majeurs, sur le mode « Après nous le déluge », ça fait un peu léger. On aurait aimé de grandes consciences, comme on dit, des intellectuels incontestables, l’équivalent d’un Albert Camus par exemple, qui sachent retourner les esprits, ceux des chefs d’Etat des pays émergents comme ceux des citoyens. Il s’agirait de les émouvoir, les ébranler et rappeler que le climat, de fait, c’est plus important qu’un système bancaire.
Le problème, plus général, est que manifestement ces grandes consciences n’existent plus, ou qu’on ne pense plus à y faire appel. La preuve : dans un tout autre domaine, celui qui court les plateaux aujourd’hui avec un livre pour critiquer le hollandisme, avec un mélange de fausse modestie insupportable et de vrai ton sentencieux, c’est Philippe Torreton. On en est là.
En pire : non seulement on n’a plus de grandes consciences, mais quitte à prendre des actrices, les seules qui auraient pu lutter contre le réchauffement climatique ont hélas disparu. Grace Kelly, Tippi Hedren et Kim Novak, merveilleuses blondes hitchcockiennes, étaient si merveilleusement glaciales qu’elles vous auraient redonné force et vigueur en deux temps trois mouvements à cette pauvre banquise qui se fait, ces temps-ci, la malle à toute vitesse.
*Photo : CHAUVEAU/SIPA/1311161247
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !