La démographie française est en berne. Un peuple qui ne fait plus d’enfants est un peuple qui se suicide.
L’Institut national des statistiques et études économiques (INSEE) vient de publier son bilan démographique annuel1. Pas brillant. Pour la seconde année consécutive le nombre des naissances n’a pas atteint la barre des sept-cent mille. D’une année sur l’autre, 2023 par rapport à 2024, la baisse est de 2,2%, ne faisant que confirmer une tendance constamment observée depuis 2011. La chute, il est vrai, avait été autrement sévère en 2023 par rapport à 2022 puisqu’elle était de 7%. Seule embellie dans la période, 2021, à la suite de l’épidémie de Covid-19 où le taux de natalité avait repris des couleurs. À chacun de donner l’explication qui lui convient. Le confinement forcé, peut-être… Il n’empêche, la situation est préoccupante. D’ailleurs, le président de la République s’en était ému alors, promettant la mise en place d’un plan de « réarmement démographique » comprenant une série de mesures destinées à sortir Dame cigogne d’une torpeur si dommageable. Aux dernières informations livrées par le ministère de la Santé le plan serait toujours « en cours d’instruction ». Formulation délicate pour signifier que l’accouchement n’est pas pour demain. Dans l’euphorie de l’annonce, les services compétents avaient envisagé la création d’un logo « repro-toxique » à faire figurer sur certains produits cosmétiques dont l’usage obérerait les chances de procréation. Une mise en garde, un peu à la matière des mentions de prévention contre les sucres saturés et les corps gras sur les emballages de pâtes à tartiner. Efficacité garantie, probablement…
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Cela dit, à l’exception semble-t-il du Portugal sur la dernière décennie, et de la Bulgarie, la France fait mieux en matière de natalité et de fécondité que ses partenaires européens. Maigre consolation.
Chez nous, le nombre de femmes sans enfants croît alors que le nombre de celles ayant trois enfants – quasiment la norme française voilà encore quelques décennies – régresse très fortement. « L’âge conjoncturel moyen à l’accouchement en 2024 » nous dit élégamment l’INSEE est de 31,4 ans, alors qu’il était de 29,5 vingt ans plus tôt. Conséquence logique, l’âge de la femme étant plus élevé, le nombre d’enfants à naître se trouve d’autant limité.
Bref, chez nous, l’enthousiasme à procréer ne serait pas au rendez-vous. Incertitude face à l’avenir, précarité, logement, éco-anxiété sont quelques une des raisons avancées. Par exemple, à dire d’experts, la baisse de fécondation enregistrée au mois d’octobre 2023 serait imputable à l’explosion du conflit israélo-palestinien…
Toujours est-il que cette tendance à la dénatalité est lourde de menaces. Le pays vieillit. Un pays qui vieillit s’ennuie. Un pays qui s’ennuie renonce, s’enfonce dans l’abandon de soi. Raymond Aron mettait en garde les nations occidentales contre le vertige du « suicide par dénatalité ». Sans doute les incertitudes, les laideurs du monde tel qu’il est ont leur part dans la désaffection pour la procréation, mais peut-être bien n’est-ce qu’une explication commode. Un alibi facile. Nous avons vu que l’INSEE a constaté une hausse de la fécondité au moment de la crise du Covid. Est-ce que la situation était des plus joyeuses, facile à vivre à ce moment-là ? Est-ce que l’avenir à proche, moyen ou long terme s’annonçait radieux ? Certes non. Et pourtant… Il paraît établi aujourd’hui que le fameux baby-boom qu’on situe de 1946 à 1974 se serait en fait amorcé dès 1942. Là encore, est-ce que la vie était belle et le futur radieux sous la botte?
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Il se peut que les raisons – sans totalement exclure celles évoquées ici – soient autres : le refus moral de l’engagement, la ringardisation idéologique de la famille et conséquemment du couple. Avec pour résultat glaçant l’explosion des solitudes non réellement désirées. Et à terme, rampant, le venin d’une sorte de dépression collective que le vieillissement de la population, inéluctable si rien ne change, ne ferait qu’aggraver.
Une question tout de même : une politique qui a pour sujets de prédilection les retraites, la gestion plus ou moins éclairée de la fin de vie, l’inscription solennelle de l’avortement dans la Constitution est-elle de nature à donner envie d’avoir envie?
Avant de penser à coller du logo inutile sur la crème de jour ou de nuit, peut-être devrait-on se poser ce genre de questions. Car il ne faudrait tout de même pas que, chez nous, en France, d’espèce menacée la cigogne devienne espèce disparue. On peut se passer de beaucoup de choses dans la vie de nos villes et de nos campagnes, certainement pas du rire des enfants dans une cour d’école.
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