On sort ravi du « Ravissement » d’Iris Kaltenbäck. Notamment grâce à l’interprétation de la remarquable Hafsia Herzi. Et c’est le moins qu’on pouvait attendre d’un film avec un titre semblable…
Généalogie d’un projet
Ce premier long-métrage de fiction d’Iris Kaltenbäck est une très belle surprise. La jeune cinéaste a choisi, après des études de droit et de philosophie, de passer le concours de la FEMIS, section scénariste. Lorsqu’elle travaille sur son projet de court-métrage, Le Vol des cigognes, elle découvre un fait divers passionnant : une jeune femme emprunte l’enfant de sa meilleure amie et décide de faire croire à un homme qu’elle en est la mère. Dès lors, Iris Kaltenbäck travaille à l’élaboration d’une fiction qui raconterait le bouleversement provoqué par cet événement sur l’amitié liant ces deux femmes.
Un double ravissement
La cinéaste nous conte donc une histoire de ravissement dans les deux sens du terme. Le personnage principal, Lydia (remarquable et splendide Hafsia Herzi), est maïeuticienne (sage-femme). Le film commence par une rupture dure, sèche, abrasive. Alors qu’étincelante dans sa robe écarlate, elle s’apprête à se rendre à l’anniversaire de sa meilleure amie, Salomé (Nina Meurisse), sans laquelle elle n’imagine pas vivre, son compagnon lui avoue une infidélité. Sans appel, elle le met dehors. Lydia se rend donc seule à la fête. Là-bas, Salomé lui apprend qu’elle est enceinte et lui demande de suivre sa grossesse. De son côté, Lydia avoue une histoire naissante avec Milos (Alexis Manenti), conquête d’un soir. Lorsqu’elle recroisera cet homme plus tard, elle tiendra le bébé de son amie dans ses bras, et lui proférera un tissu de mensonges qui la mèneront à sa perte.
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De la naissance filmée avec grâce…
En attendant, Lydia continue de faire son métier avec beaucoup d’attention et une infinie douceur pour les femmes qui accouchent et les enfants qui naissent. Et la cinéaste filme de même. Son regard sur les femmes, les hommes et les bébés qui naissent, les couples éprouvant simultanément et souffrances et joies, est de toute beauté. Quant à Lydia, elle s’occupera, le moment venu, de l’accouchement de Salomé avec amour et vigilance. Et avec une douceur et une tendresse qui se reporteront sur ce bébé qu’elle fait venir au monde. Le ravissement maternel sera alors à son comble.
… jusqu’au basculement final
Mais ce ravissement cache une fêlure, un mal qui couve et fragilise notre personnage principal. Car elle vit difficilement sa solitude et le souvenir du beau garçon, le fameux Milos, rencontré lors de ses errances diurnes et nocturnes, ne s’efface pas. Commencera alors une histoire de couple aussi effarante que belle, et qui la conduira au rapt de l’enfant de son amie…
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Ode à l’amitié et à la beauté de donner la vie, fascinant portrait d’une jeune femme perdue, Le Ravissement est un beau film où Iris Kaltenbäck, par sa mise en scène subtile, âpre et inventive, son art de la suggestion, la beauté formelle de la lumière de sa chef-opératrice Marine Atlan, le talent de ses trois interprètes principaux, donne à son l’histoire une rare intensité qui nous bouleverse profondément.
France – 2023 – 1h37 Interprétation : Hafsia Herzi, Alexis Manenti, Nina Meurisse, Younès Boucif… Image : Marine Atlan – Musique : Alexandre de la Baume. Sortie sur les écrans de cinéma de France le mercredi 11 octobre 2023