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Cinq ans du RN: le cadeau d’Emmanuel Macron au parti de Marine Le Pen

Le regard libre d’Elisabeth Lévy


Cinq ans du RN: le cadeau d’Emmanuel Macron au parti de Marine Le Pen
Depuis Bratislava (Slovaquie), Emmanuel Macron a tenu à rappeler son soutien à Elisabeth Borne après ses propos polémiques sur le Rassemblement national © Image d'archive Jacques Witt/SIPA

Après sa sortie sur le RN « héritier de Pétain », Emmanuel Macron a « recadré » Elisabeth Borne en Conseil des ministres. Selon lui, ce n’est pas la bonne stratégie que doivent employer les progressistes pour contrer le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella. On ne fera pas croire aux 13 millions de Français qui ont voté pour Marine Le Pen qu’ils sont des fascistes. Depuis, les éditorialistes glosent sur la mauvaise entente du couple exécutif…


Voilà qui est amusant ! Emmanuel Macron a employé presque les mêmes mots que Marine Le Pen. En privé, cette dernière estime que la stratégie antifasciste contre son parti (« F comme fasciste et N comme nazi ») est ringarde, très années 80. De son côté, Emmanuel Macron trouve la sortie de son Premier ministre naïve. Sans la citer nommément – mais tout le monde a très bien compris – il y est allé à l’arme lourde, déclarant qu’on ne combattait pas l’extrême droite avec les « mots des années 1990 ».

Alors qu’il y a une règle qui dit que normalement on n’évoque pas les questions de politique intérieure depuis l’étranger, il en a même remis une couche hier depuis Bratislava, assurant de façon peu convaincante qu’Elisabeth Borne conservait toute sa confiance malgré ses récents propos sur le parti de Marine Le Pen…

Maréchal, le revoilà

Sur Radio J, Elisabeth Borne avait déclaré que le RN, porteur d’une idéologie dangereuse, était un héritier de Pétain.

Précisons tout de même qu’Elisabeth Borne a un peu l’excuse biographique – son père s’est suicidé, quelques années après son retour des camps de la mort. Mais, en même temps, c’est tout de même une vieille routière politique.

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Cette sortie est d’abord une ânerie historique. Bien sûr, il y avait des pétainistes au FN de 1972, personne ne le nie. Et d’ailleurs, il y en avait sans doute un peu partout dans la classe politique de l’époque. De plus, beaucoup de gaullistes et de résistants sont passés par Vichy (on peut citer l’ancien Premier ministre, Maurice Couve de Murville, jusqu’en 1943). Il y avait aussi au FN de Jean-Marie Le Pen des débuts des admirateurs d’Hitler. Pour autant, est-ce que son programme, et a fortiori celui du RN de sa fille, est nazi ou pétainiste ? Avec quel occupant ou dominant ce parti prônerait-il la collaboration ? En réalité, la soumission devant une idéologie autoritaire ou totalitaire (comme l’islam radical) se situe aujourd’hui plutôt à gauche. Remarquons par ailleurs qu’il y a aussi d’anciens maos, d’anciens staliniens ou d’anciens trotskystes au PCF, au PS ou à la France Insoumise. Qui le leur reproche ? Enfin, on se rappelle que Marine Le Pen a rompu avec pertes et fracas avec son père, après une interview dans Rivarol où, justement, il en rajoutait dans la provoc’ pétainiste. Ânonner, comme on l’entend tous les matins sur les ondes, que Marine Le Pen est la même que son père, est donc imbécile.

Reductio ad petainum

Macron a-t-il eu raison de faire une telle mise au point ? Oui, mille fois raison ! Intellectuellement et surtout politiquement.

Le philosophe américain Léo Strauss a inventé la reductio ad hitlerum. Pour faire taire l’adversaire, on brandit Hitler. Pour clore tout débat en France, on a adapté ce concept avec la reductio ad petainum. Vous êtes contre l’immigration ? Vous êtes pétainiste ! Vous n’aimez pas l’écriture inclusive ? Vous voilà vous aussi pétainiste ! À l’ombre flatteuse du plus jamais ça, la gauche, qui n’a plus rien à dire aux classes populaires, n’en finit pas de se trouver belle et bonne dans le miroir qu’elle se tend à elle-même. Et elle n’en démord pas aujourd’hui : elle juge évidemment les derniers propos de Macron irresponsables, indignes. Et estime qu’il a eu grand tort de recadrer Elisabeth Borne.

L’ennui, c’est que le bon peuple se fiche comme d’une guigne de ce chantage moral.

Emmanuel Macron l’a compris : « On n’arrivera pas à faire croire aux millions de Français qui ont voté pour [Marine Le Pen] qu’ils sont fascistes ». Autrement dit, contre le RN, foin de moraline, il faut mener un combat politique. Quelle merveilleuse découverte ! Mais il est bien dommage de penser qu’il n’aura pas l’occasion de l’appliquer.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio



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