Couverture de L’Incorrect: halte au sectarisme de la droite bien-pensante! Une tribune libre de l’enseignant Kevin Bossuet
Coup de tonnerre chez Les Républicains : Guilhem Carayon, porte-parole du parti et président des Jeunes Républicains, a osé débattre avec Stanislas Rigault (président de Génération Zemmour) et Pierre-Romain Thionnet (président du mouvement de jeunesse du Rassemblement national) dans les colonnes du magazine L’incorrect !
En effet, dans le cadre d’un entretien croisé, les trois jeunes responsables politiques ont longuement échangé en insistant notamment sur leurs nombreux points communs dont certains sont au cœur de leur engagement militant, laissant entrevoir un espoir, voire une ouverture, chez tous les partisans de la stratégie de « l’union des droites ».
Il faut dire que la couverture de L’Incorrect, magazine lancé en 2017 par des proches de Marion Maréchal, est assez tapageuse. On y voit les trois jeunes compères posant tout sourire sur un fond gris-bleu au-dessous d’un titre que les observateurs de la vie politique les plus espiègles qualifieront bien volontiers de putaclic: « Les Républicains, Reconquête !, Rassemblement national. Les jeunes coupent le cordon ! ». De quel cordon s’agit-il ? Celui très ombilical qui relie les trois poupons à leur mentor respectif ou celui beaucoup « plus sanitaire » qui, fixé par la gauche et ses alliés, voudrait les empêcher de débattre et d’échanger ? Quoi qu’il en soit, il n’en n’aura pas fallu plus aux sempiternelles pleureuses de la grande famille LR pour s’offusquer.
C’est le cas par exemple de François Durovray, président du Conseil départemental de l’Essonne qui a dénoncé dans un tweet le caractère « inadmissible » d’une interview qui amène « une confusion funeste » tout en demandant à Eric Ciotti la tête de Guilhem Carayon ; envolée numérique saluée par le député de l’Aisne Julien Dive. Valérie Debord quant à elle, vice-présidente du conseil régional du Grand Est, a affirmé que « la droite et l’extrême droite n’ont pas à dialoguer » car « nos valeurs ne sont pas compatibles ». Enfin, Eric Diard, ancien député LR, a mis en avant « une faute » qui « va dans le sens de l’extrême droite ». Bref, vous l’aurez compris, les proches de Xavier Bertrand lequel, rappelons-le, préfère être « avec les communistes qu’avec les identitaires » ou encore les amis idéologiques d’Aurélien Pradié lequel, à l’Assemblée nationale, se fait applaudir par la Nupes, s’en sont donnés à cœur joie.
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Or, beaucoup se sont arrêtés à la couverture du magazine sans lire l’interview, sinon ils se seraient rendu compte que même si Guilhem Carayon reconnaît avoir des points communs avec Stanislas Rigault et Pierre-Romain Thionnet, il reste convaincu que « le candidat de LR sera non seulement capable de remporter une élection présidentielle mais aussi et surtout de relever les défis immenses auxquels est confronté notre pays ». On est ici bien loin d’un effacement de la droite ou d’une union des droites au profit d’une candidature unique autour d’une Marine Le Pen ou d’un Eric Zemmour. Guilhem Carayon marche clairement dans les pas d’Eric Ciotti qui a toujours défendu « une ligne d’indépendance » vis-à-vis d’Emmanuel Macron comme du Rassemblement national autour d’un candidat issu de la droite classique.
Il faut dire que la question de l’union des droites semble avoir été tranchée au cours de la dernière élection présidentielle. Des divergences de fond, notamment au niveau économique, rendent pour l’heure incompatibles des alliances entre LR, le RN et « Reconquête ! ». Effectivement, il est évident par exemple qu’un Pierre-Romain Thionnet (RN) qui est un souverainiste convaincu opposé au libéralisme économique et très attaché à cette France populaire qui constitue le cœur de l’électorat mariniste ne peut pas totalement s’entendre avec un Guilhem Carayon (LR) qui est économiquement plus libéral et beaucoup moins radical sur la question européenne. En outre, le fait que Marine Le Pen (23.15%) se soit imposée de manière aussi magistrale au premier tour de l’élection présidentielle de 2022 face à Valérie Pécresse (4.78%) et à Eric Zemmour (7.07%) démontre à quel point cette dernière domine le jeu à la droite de l’échiquier politique. D’ailleurs, cette dernière a toujours été contre l’union des droites qu’elle qualifie de « fantasme réducteur ». Quant à Jordan Bardella, il a toujours trouvé ce concept inadapté car d’après lui le but du Rassemblement national est de « rassembler tous ceux qui sont attachés à la nation française, à droite et à gauche ».
En fin de compte, que reprochent tous ces gens à Guilhem Carayon ? D’avoir osé échanger quelques mots avec Stanislas Rigault et Pierre-Romain Thionnet, qui, comme chacun le sait, incarnent le fascisto-nazillo-poutino-pétainisme qui rappelle évidemment les heures des plus sombres de notre histoire depuis au moins Charlemagne voire depuis l’homme de Néandertal ? D’avoir participé à une orgie idéologico-satanique organisée par un rabatteur très à droite et d’affirmer en plein ébat verbal qu’il est d’accord avec ses partenaires d’un jour sur des sujets comme l’identité, le wokisme, l’éducation ou encore l’immigration ? D’avoir osé franchir une ligne rouge qui n’existe plus que dans l’imaginaire peu fécond d’une gauche et d’une droite bien-pensantes complètement à la dérive ?
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Plus sérieusement, comment est-il possible dans une démocratie telle que la France de reprocher à quelqu’un de débattre et d’échanger? Comment est-il possible de condamner un responsable politique qui ne cherche juste qu’une seule chose: confronter ses idées ? Comment peut-on se revendiquer de la droite et passer son temps à se prostituer sur les trottoirs idéologiques de la gauche bobo en faisant des procès dignes de ceux de l’Inquisition ?
Il suffit de discuter avec des électeurs et des militants de droite pour se rendre compte à quel point ils ne supportent majoritairement plus toutes ces postures qui ont provoqué l’effondrement de leur famille politique. Il suffit de sortir de son petit milieu capitonné et de converser avec des gens non politisés pour s’apercevoir à quel point toute cette comédie antifasciste les dégoutte au plus haut point. Les Français veulent d’abord et avant tout qu’on règle leurs problèmes et n’en peuvent plus de tous ces tabous inventés par la gauche et relayés par une partie de la droite, et qui ont notamment produit une explosion de l’insécurité ou encore une baisse dramatique du niveau scolaire.
Car, soyons-en convaincus, plus on empêche le débat de se dérouler sereinement en fixant des verrous moraux de pacotille qui empêchent les gens de penser ou de parler, plus la démocratie s’en retrouve abîmée. Plus on ressort la grosse ficelle du cordon sanitaire contre l’extrême droite, plus l’abstention ne cesse de progresser. Guilhem Carayon, Stanislas Rigault et Pierre-Romain Thionnet l’ont évidemment compris et c’est d’abord et avant tout pour cela qu’ils acceptent de faire bouger les lignes d’un vieux monde politique devenu avec le temps extrêmement poussiéreux et foncièrement inintéressant. Ils incarnent assurément cette génération qui souhaite s’affranchir des pesanteurs du passé et qui refuse de s’autocensurer pour mieux reconstruire, chacun dans leur mouvement respectif, un pays qui en a bien besoin.
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