Accueil Brèves Raque pour Cranach, y’a pas d’arnaque !

Raque pour Cranach, y’a pas d’arnaque !


Raque pour Cranach, y’a pas d’arnaque !

Evidemment Lucas Cranach l’ancien (1472-1553) est moins connu du grand public que Dali, Jeff Koons ou Jed Martin (l’artiste qui est au centre de La Carte et le Territoire de Houellebecq) ; moins connu aussi que les peintres stars du Musée d’Orsay ; moins connu également que certains de ses presque contemporains tels que Jérôme Bosch ou Bruegel. Pourtant Cranach est un peintre à l’univers graphique fascinant, qui a souvent traité avec une originalité déconcertante (et donc forcément stimulante) des thèmes très classiques tels que des scènes bibliques ou des représentations empruntées à la mythologie gréco-latine.

Le Musée du Louvre vient de lancer une très sympathique campagne d’appel aux dons afin de compléter la cagnotte destinée à l’achat d’un chef-d’œuvre de Cranach exécuté en 1531 « Les trois grâces » ; appartenant depuis les années 30 à une même famille française, qui a décidé de le mettre en vente. « Nous avons réuni les trois-quarts de la somme, ce qui fait qu’il faut un dernier effort pour que ce tableau puisse rejoindre les collections nationales », indique Henri Loyrette, président du Louvre, sur le site créé à l’occasion de cette opération). Le musée souhaite donc réunir environ un million d’euros à travers les dons du grand public, qui va pouvoir apporter sa glorieuse contribution de mécène d’un jour.

Se détachant sur un fond noir uni, ces trois femmes nues, portant chapeau et parures, ont été considérées comme une interprétation originale du thème des « Trois Grâces », mais l’étrangeté de leur posture a fait songer également qu’il pourrait s’agir d’une représentation allégorique de la Charité, de l’Amitié et de la Fidélité ; voire de trois jeunes-filles allemandes, délicieusement sensuelles, aux poses très subtilement provocantes. (Cette main posée sur la jambe de la jeune-fille légèrement cambrée située à gauche, la manière de se tenir en équilibre sur un pied de celle située à droite de l’œuvre, la disposition incongrue des pieds de la femme qui est au centre, qui n’est pas sans faire songer à ces cruelles et magnifiques postures que la danse classique inflige aux danseuses). Vincent Pomarède, directeur du département des peintures du Louvre résume le propos du tableau en ces termes : « C’est une œuvre qui est à la fois amusante, qui est troublante, mystérieuse, et d’une grande sensualité ».
Vous avez jusqu’au 31 janvier 2011 pour apporter votre contribution à l’achat de ce tableau, et l’arracher à un propriétaire privé pour en faire un bien commun. Saluons cette initiative tout à la fois habile sur le plan de la communication (le mécénat est une tradition plutôt anglo-saxonne qui perce assez lentement en France…), et courageuse dans le choix de l’œuvre et du peintre concerné : le grand Cranach, qui bénéficie de la sorte d’un coup de projecteur parfaitement inattendu, et bienvenu.
Alors, si jamais t’as cent balles pour un Cranach, vas-y !



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Marine chez Narcisse
Article suivant Naissance du clown anti-festif
Il est l’auteur de L’eugénisme de Platon (L’Harmattan, 2002) et a participé à l’écriture du "Dictionnaire Molière" (à paraître - collection Bouquin) ainsi qu’à un ouvrage collectif consacré à Philippe Muray.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération