Opposante de longue date au régime syrien, présidente-fondatrice du Mouvement de la société pluraliste, Randa Kassis a dernièrement publié Le Chaos Syrien (avec Alexandre Del Valle, éditions Dhow, 2014).
Ancienne membre du Conseil national syrien qui représentait les différentes tendances de l’opposition, vous prônez un grand dialogue national entre toutes les composantes de l’échiquier politique syrien, Baas compris. Mais n’est-ce pas irréaliste de croire Bachar Al-Assad prêt à céder le pouvoir ?
Il est évident que Bachar Al-Assad n’est pas prêt à céder le pouvoir, mais c’est avec Moscou que nous trouverons la solution à ce blocage. Il faut agir par étapes. La première priorité est de combattre les islamistes radicaux en soutenant les combattants kurdes, tout en reprenant le dialogue avec le régime de Damas avec l’aide des Russes. Et si je parle d’une solution politique et négociée, cela ne veut pas dire que je privilégie la douceur.
Le combat contre l’Etat islamique est donc devenu votre priorité absolue. Peut-on éradiquer cette entité terroriste sans une opération militaire au sol ?
Certainement pas. La coalition internationale doit continuer les frappes aériennes qui accompagnent les opérations au sol menées par les Kurdes. Il faut se battre sur deux fronts : d’abord, le front militaire en équipant les combattants kurdes puis, dans un second temps, nous devons ouvrir des discussions politiques entre les opposants et le régime Assad, avec la médiation des Russes qui a débuté à la fin du mois de janvier. J’espère que les Occidentaux se joindront bientôt à ce processus.
Alliée de l’Occident, la Turquie a récemment effectué une incursion à l’intérieur du territoire contrôlé par l’Etat islamique afin de récupérer la dépouille du grand-père du fondateur de l’Empire ottoman. Aucune balle n’a été tirée, ni aucun combat mené. Ankara est-il l’allié objectif, sinon le complice, de l’Etat islamique ?
La Turquie d’Erdogan a démontré son hostilité à tout plan de paix pour la Syrie. On la soupçonne à juste titre de soutenir l’Etat Islamique et de faciliter aux djihadistes le passage de la frontière turco-syrienne. Comment accepter plus longtemps les agissements criminels du Sultan Erdogan alors que son pays est censé être l’allié de la France au sein de l’Otan ?Personnellement, je suis convaincue que la Turquie d’Erdogan n’est pas un allié fiable de l’Occident et que son « islam modéré » n’a rien à envier à l’islam radical.
D’autres pointent les responsabilités des pays du Golfe dans l’islamisation de l’insurrection syrienne…
Les pétromonarchies, et tout particulièrement le Qatar mais aussi des princes saoudiens et koweïtiens, ont financé plusieurs groupes radicaux en Syrie. Ces pays ont totalement disqualifié l’opposition armée en rendant les multiples brigades armées dépendantes financièrement de monarchies corrompues liées aux pires islamistes radicaux. Résultat : les rebelles armés sont devenus hostiles au principe même d’Etat-nation et ont adopté l’idéologie salafiste qui aspire à établir l’Oumma Islamiyya [nation islamique] par-delà les frontières. Cette vision du monde est fortement influencée par le wahhabisme saoudien qui cherche à répandre sa conception rigoriste de l’islam à travers le monde.
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