Dernière revendication en date dans l’entreprise d’occupation conquérante de l’espace public et du débat public: certains voudraient que les joueurs de foot musulmans puissent interrompre les matchs pendant le ramadan pour procéder à la rupture du jeûne.
Comme la Fédération Française de Football (FFF) le leur a refusé – qu’elle soit saluée pour cela – la voici accusée d’islamophobie, de discrimination, de racisme, et ainsi de suite. Car, bien sûr, il serait islamophobe d’appliquer aux musulmans les mêmes principes qu’aux autres, discriminant de ne pas les autoriser à soumettre les règlements élaborés pour tous aux petits caprices de leur culte, raciste de ne pas accepter que dès qu’un musulman participe à une activité quelconque l’horloge de l’islam y soit imposée à tous !
L’intransigeance signifiante… des pratiquants
Passons sur le fait que bon nombre de musulmans considèrent qu’il est parfaitement légitime de ne pas jeûner (en fait : de reporter son jeûne à un autre jour) pour satisfaire des obligations professionnelles : c’est là une considération interne à l’islam, qui n’a pas à influer sur la décision de la FFF, ou de n’importe quelle autre institution de ce type, mais qui montre que ceux qui poussent au maximum leurs revendications optent volontairement pour une intransigeance signifiante.
Passons, aussi, sur le fait que parler ici de « racisme » est absurde puisque l’islam n’est pas une caractéristique « raciale » mais un choix, du moins dans un pays comme la France qui garantit (théoriquement) la liberté de conscience et donc le droit de choisir sa religion, de n’en avoir aucune, de changer d’avis, de se convertir, d’apostasier, aussi souvent que l’on voudra. Là où l’islam domine il en va tout autrement, puisque cette religion (ou du moins ses courants orthodoxes) refuse le droit à l’apostasie, et refuse donc la liberté de conscience – ce qui a été confirmé en 2016 par l’actuel Grand Imam d’Al Azhar lui-même, et implicitement par la Grande Mosquée de Paris lorsqu’elle a fait réciter à des enfants un texte déclarant « licite » de « faire couler le sang » des apostats.
Contrôle social
Passons, également, sur le contrôle social renforcé que les musulmans les plus orthodoxes pourraient ainsi exercer sur ceux parmi les musulmans qui, pour des raisons qui les regardent, ne jeûnent pas. Imposer au jeûne et à sa rupture une obligation de discrétion c’est, aussi, protéger la liberté de nos concitoyens issus de familles musulmanes (qu’ils se considèrent eux-mêmes comme musulmans ou non) de ne pas jeûner, en limitant les possibilités de contrôle par l’entourage, la famille, le quartier, le groupe sous toutes ses formes. Passons, enfin, sur les effets que l’exhibition de la rupture du jeûne ont sur une jeunesse souvent fan de football, à l’heure où des enseignants s’inquiètent de voir des enfants se mettre à faire le ramadan au mépris de leur santé et de leur scolarité.
Arrive la rhétorique victimaire, calculée ou spontanée, parfaitement illustrée par un tweet du journaliste Mohamed Bouhafsi. « La laïcité ne veut pas dire rejeter la bienveillance, le partage. » écrit-il. Si seulement c’était si simple !
La bienveillance et le partage, ce n’est pas de subordonner l’activité collective aux coutumes et habitudes favorites de chaque participant. Une pause thé et nuage de lait à 17h pour les joueurs anglophiles (souvenez-vous d’Astérix chez les Bretons!), une pause à 18h pour ceux qui doivent appeler leur maman pour qu’elle ne s’inquiète pas, une pause de 19h à 20h pour ceux qui veulent absolument regarder Face à l’Info en direct, une pause à 20h17 précisément pour ceux qui rompent le jeûne du ramadan… stop ! Pause.
On me dira que tout ça n’est pas pareil, que la religion est plus importante que le five o’clock tea ou une émotion télévisée. Ah bon ? Respecter les exigences d’une divinité qui encourage l’utilisation des prisonnières de guerre comme esclaves sexuelles serait plus respectable et plus important que regarder Face à l’Info ou téléphoner à sa maman ? Et, en plus, tout le monde devrait s’organiser pour prendre en compte les exigences de cette divinité ?
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Car c’est bien de cela qu’il s’agit: obliger progressivement toute la société, dans toutes ses composantes, dans toutes ses activités, à faire droit aux exigences de l’islam et à se réorganiser de manière à pouvoir leur faire droit. Présenter le refus de ces exigences comme un manque de « bienveillance » et de « partage », est quelque chose de « ridicule, agressif, déraisonnable ». Mais ceux parmi les joueurs musulmans qui refusent de se plier aux règles communes du sport qu’ils ont choisi de pratiquer, et des compétitions dans lesquelles ils ont choisi de concourir, ne sont-ils pas « ridicules, agressifs, déraisonnables » ? Ne pourraient-ils pas faire preuve d’un peu plus de « bienveillance » et de « partage » en faisant passer le souci de « fédérer dans des temps troubles que l’on vit » au-dessus des prescriptions de leur religion et du besoin d’afficher toujours plus ostensiblement leur appartenance à cette religion ?
Une longue liste d’exigences pas banales
Ne soyons pas naïfs, la rupture du jeûne lors d’un match n’est qu’un prétexte, ou plutôt une manifestation parmi beaucoup d’autres d’une tendance de fond, et c’est cette tendance de fond qui importe. Que l’on parle de rupture du jeûne ou de hijab au foot, de burqini dans les piscines, de hijab au basket, de menus halal dans les cantines, de salles de prière dans les entreprises, d’accompagnatrices scolaires voilées, ou de ne pas « heurter inutilement la sensibilité des croyants » (manière polie de parler d’interdire le blasphème), le sujet est toujours le même : l’islamisation. La banalisation de l’islam et de ses exigences, les normaliser avant d’en faire la norme, ce que l’inénarrable François Burgat appelle la « pleine participation à la production des normes sociétales ». Jean-François Clément, le premier semble-t-il à avoir utilisé le terme « islamisme » dans son acception actuelle, évoquait dès 1983 « l’adage célèbre : Islâm, dîn wa dunya, l’islam est religion et monde, en étendant à l’infini le champ de l’islam. Celui-ci devrait être la source des lois, le fondement de la culture de base, la trame de l’éthique sociale, la forme de l’organisation politique, etc. » Comme le rappelle Rémi Brague dans un récent ouvrage, l’islam ignore non seulement la distinction entre le religieux et le politique, mais plus généralement refuse la distinction entre les normes, les confondant toutes dans sa seule norme religieuse.
La FFF a eu mille fois raison de refuser de céder à cette exigence, qui n’est innocente qu’en apparence. Pour autant, sa position est fragile, et ne saurait se suffire à elle-même. C’est la société toute entière qui doit réagir, non pas au nom de la neutralité, ni même de la laïcité, mais au nom d’une certaine idée de la dignité humaine, d’une décence commune fondamentale, que l’islam (du moins l’islam orthodoxe) bafoue dès qu’il se sent assez fort. C’est la société toute entière qui doit refuser l’islamisation, et la banalisation de l’islam. Et ce n’est pas juste à la FFF, à l’État, ou à quelques courageux lanceurs d’alerte de s’emparer du problème pendant que tous les autres s’en laveraient les mains. La société toute entière, c’est nous. Une seule religion inspire à des États de punir de mort l’apostasie, le blasphème, l’homosexualité. Une seule religion, la même, inspire aujourd’hui des dictatures théocratiques d’une brutalité ahurissante. Une seule religion, encore la même, inspire à certains de ses adeptes les plus fervents d’assassiner sur notre sol. Une seule religion, toujours la même, nous harcèle avec ses revendications incessantes, alors qu’elle, entre toutes les religions, avec toutes les abominations commises partout dans le monde en son nom, devrait se faire toute petite.