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Rama Yade, opportuniste au petit pied


Comme tout bon Franc-comtois, je n’ai pas oublié Edgar Faure. Cet esprit lumineux avait été érigé comme esthète dans l’art de choisir, le jour venu, le bon cheval politique. Lorsqu’on lui reprochait de se comporter en girouette, il répondait que ce n’était pas cette dernière qui tournait, mais le vent. D’autres maximes fauriennes demeurent et peuvent d’ailleurs servir dans d’autres domaines que la politique telles que « Toute brouille est un échec » ou « Avoir raison trop tôt est un grand tort ».

Malheureusement, même au niveau des girouettes, il semble que le niveau baisse avec le renouvellement des générations politiques. Les ralliements de dernière minute ne semblent plus être préparés avec la même science politique, le même esprit et surtout le même talent. Ainsi Rama Yade a t-elle annoncé en fin de semaine dernière qu’elle soutiendrait finalement Nicolas Sarkozy. Ce ralliement piteux, elle l’a justifié ainsi dans une interview à Ouest-France : « J’ai très longuement réfléchi […] Mon premier choix était Jean-Louis Borloo mais il n’est plus candidat […] Etant engagée à droite, et souhaitant la victoire de ma famille politique, je voterai donc pour le candidat de la droite et du centre. […] Je ne suis pas une ralliée mais une alliée. Je pense que la complémentarité est préférable à la fusion. Je ne me priverai pas de dire quand je ne serai pas d’accord. Je conserverai mon indépendance et ma liberté […] Le rôle de caution ne m’intéresse absolument pas. »

Alliée, pas ralliée ! Non seulement, Rama Yade soutient sans vergogne celui qu’elle vouait aux gémonies il y a encore quelques jours mais elle pique les formules de Christine Boutin. Si le ralliement de cette dernière à Nicolas Sarkozy nous avait déjà donné le tournis, renonçant à sa candidature pour quelques investitures assurant le financement futur du PCD[1. Parti Chrétien-Démocrate, mouvement associé à l’UMP.], elle avait au moins eu la satisfaction de voir le candidat UMP adopter une posture conservatrice sur les sujets de société (mariage homosexuel, euthanasie), ce qui n’était pas gagné d’avance. Rien de tel pour Rama Yade. Elle a vendu sa rupture avec le Chef de l’Etat sur le thème du rejet de la droitisation. A l’origine, rappelons que c’est Nicolas Sarkozy qui avait rompu parce que la dame ne souhaitait pas aller à la bataille électorale (Européennes de 2009). Elle avait malgré tout réussi à faire passer l’idée que le discours de Grenoble l’avait énormément troublée et que sa prise de distance recouvrait des motifs idéologiques de haute tenue : le respect de l’autre, la lutte contre toutes les stigmatisations, les droits de l’Homme… Elle avait ainsi poussé Jean-Louis Borloo à présenter sa candidature mais ce dernier a fini par renoncer, horrifié par l’odeur de la poudre. Et voilà notre Rama Yade contrainte de rejoindre son ancien mentor au moment même où celui-ci adopte point par point la stratégie de Patrick Buisson. D’un seul coup, les motivations idéologiques de Rama Yade sont relativisées…

Rama Yade aurait pu appeler à soutenir François Bayrou comme l’ont fait certains déçus de l’absence de Borloo sur la ligne de départ. Elle aurait pu, puisqu’elle a voté non en 2005, soutenir Nicolas Dupont-Aignan. Mais comme l’un baisse dans les sondages et que ceux du second tardent à décoller, la soupe n’était guère attrayante. Il est même fort probable que ces deux candidats n’auraient pas sauté de joie en voyant arriver cette opportuniste au petit pied, dont le moindre talent ne nous encourage même pas à l’identifier au personnage de la chanson de Jacques Dutronc.

Il est en revanche un heureux hasard : c’est au moment où Rama Yade annonçait son retournement de veste qu’un autre sondage, celui de la future abstention, était publié dans la presse. Comme un symbole ! Il va falloir s’y faire. La droiture politique, ce n’est pas forcément affaire de génération.



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