Alors que l’on peine à se souvenir des noms de la plupart des ministres de Fillon et a fortiori de ceux de ses secrétaires d’Etat, Rama Yade est aujourd’hui une des personnalités politiques les plus populaires dans les sondages et les plus invitées sur les plateaux. Mais est-elle pour autant amenée à devenir un poids lourd de notre vie politique ?
A priori, Rama Yade a tout pour plaire. C’est une belle femme issue des minorités visibles qui a démontré une vraie force de caractère depuis le voyage très controversé de Kadhafi en France, où elle avait exprimé des réserves, une prise de position à laquelle les récents évènements en Libye et dans le monde arabe donnent un sens particulier. Il est indéniable que par rapport aux soutiens inconditionnels du président de la République comme Nadine Morano et Frédéric Lefebvre, elle a apporté une liberté de penser a priori rafraîchissante. En même temps elle a su faire preuve d’une parfaite maitrise de la langue de bois et il est difficile de ne pas voir dans certaines de ses prises de positions des postures exclusivement médiatiques, comme lors de la polémique sur le prix de l’hôtel des bleus.
Nadine Morano a eu beau lui répéter l’adage chevènementiste selon lequel « un ministre ça ferme sa gueule ou ça démissionne », cette vision des choses ne fût jamais sienne. Quand elle était en charge des Droits de l’homme ou des Sports, elle n’a pas hésité à exposer ses désaccords avec ses ministres de tutelle au mépris de la plus élémentaire solidarité gouvernementale ou majoritaire. En le faisant, Rama Yade s’est comportée avec Nicolas Sarkozy exactement comme ce dernier l’avait fait avec Jacques Chirac. Est-il vraiment étonnant qu’une créature politique de Sarkozy « la joue perso » en politique ? En finalement, étant donné l’impopularité record du Président, avoir l’image d’un opposant à son action ne peut nuire à personne…
Mais l’image n’est pas tout et Rama Yade peine à exposer une vision du monde et des idées claires. Après s’être rapprochée de Jean-François Copé, elle a finalement décidé de suivre Jean-Louis Borloo dans son aventure. La raison officielle de ce choix était que le parti majoritaire ne lui permettrait pas de travailler sur les sujets qui l’intéressaient… Pourtant, au Grand Journal de Canal, il y a une dizaine de jours, elle a été bien incapable d’avancer la moindre proposition sur ces fameux sujets dont elle dit qu’ils lui tiennent tant à cœur.
En fait, l’ambitieuse n’avait pas eu le poste qu’elle attendait il y a quatre mois. La direction actuelle de l’UMP n’était pas prête à lui confier des responsabilités à la hauteur de la grande idée qu’elle se fait déjà d’elle-même. Et aux rumeurs sur son limogeage de sa mission d’ambassadrice pour l’UNESCO, du fait de ses prises de parole intempestives, elle a répondu « j’existais avant, j’existerai après », oubliant et faisant presque oublier qu’avant 2007, justement elle n’existait pas en dehors du cercle de ses parents, amis, voisins et collègues …
Etre ambitieuse, c’est bien, avoir du flair et du cran, c’est encore mieux et savoir raconter n’importe quoi avec des airs de sincérité absolue, ce n’est vraiment pas donné à tout le monde. Tout cela suffira-t-il à transformer une popularité certaine en capital politique ? Rama est sûre que oui. On n’est pas obligé de la croire.
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