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Raid sur Mar-A-Lago : Comment l’Amérique est devenue une république bananière (1/2)

La Justice américaine s'attaque frontalement à Donald Trump


Raid sur Mar-A-Lago : Comment l’Amérique est devenue une république bananière (1/2)
La résidence de Donald Trump à Mar-a-Lago. © Steve Helber/AP/SIPA

Après l’opération du FBI consistant à fouiller sa propriété en Floride, Donald Trump s’est prétendu victime d’une campagne d’intimidation organisée par le locataire actuelle de la Maison blanche. La plupart des médias ont accueilli ses affirmations avec scepticisme, moquerie ou indignation. Pourtant, on peut se demander si, aujourd’hui, la justice américaine est vraiment impartiale. Analyse en deux parties…

Un événement sans précédent s’est produit aux États-Unis. La résidence d’un ancien président, en l’occurrence Donald Trump, a été perquisitionnée par le FBI. Près de quarante agents armés ont débarqué chez lui à Mar-A-Lago, en Floride, à l’aube, le 8 août et ont fouillé de fond en comble (la perquisition a duré neuf heures) son bureau personnel, fracturant même son coffre-fort. Jamais depuis que les États-Unis existent un tel événement ne s’était produit. Même aux pires heures de l’histoire nationale. Ni pendant la guerre civile, ni pendant la prohibition, ni sous le « maccarthysme » des années 1950… Jamais !

Pour perquisitionner de la sorte la maison de n’importe quel citoyen américain, il faut un mandat de perquisition, détaillant la justification du raid, les documents recherchés, les raisons laissant penser que ces documents sont à cet endroit et surtout les raisons justifiant une démarche aussi violente et intrusive (la crainte par exemple que la personne visée ne s’enfuit avec les documents ou ne les fasse disparaître) ! Ce mandat doit être visé, approuvé et signé par un juge fédéral local.

Personne n’est au-dessus (ou au-dessous) de la loi, mais si la personne visée est un ancien président, qui plus est toujours actif en politique et candidat probable à la prochaine élection présidentielle, le motif justifiant un tel raid ne peut être que d’une importance majeure. Impliquant peut-être la sécurité nationale ? Le crime imputé (et il doit s’agit d’un « crime », pas d’un simple « délit ») doit être à la hauteur de la méthode utilisée et les éléments de preuves réunis contre la personne visée suffisamment puissants pour passer outre toutes les autres options. Une perquisition de cette sorte ne peut intervenir que quand tous les autres moyens de recouvrement de documents ont déjà été épuisés et il va sans dire qu’elle ne peut être menée sans avoir été approuvée par les plus hautes instances judiciaires…

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Le raid du FBI a provoqué une énorme tempête aux États-Unis. Colère et indignation chez les supporters de Trump. Satisfaction non feinte chez ses ennemis. Perplexité chez les autres.

Car dans les jours qui ont suivi le raid, rien n’a été communiqué. Le gouvernement en place venait de s’attaquer à un citoyen, qui est un opposant politique majeur, et n’avait pas fourni de justification valable.

Le mandat de perquisition était sous scellé. Tout juste savait-on, par les avocats de Donald Trump, que ce mandat avait été signé par un juge nommé Bruce Reinhart, qui fut l’avocat des employés du financier et délinquant sexuel Jeffrey Epstein, et qui a soutenu financièrement Barack Obama.

On savait aussi que Donald Trump était en discussion avec les Archives Nationales concernant la restitution de documents « classifiés ». Les Archives Nationales en avaient récupéré certains, mais avait déposé une plainte auprès du ministère de la Justice pour en récupérer d’autres. L’affaire suivait son cours. Elle était mineure. Les litiges entre les Archives Nationales et les fonctionnaires du gouvernement sont pléthores. Barack Obama, Hillary Clinton et d’autres ont été en leurs temps rappelés à l’ordre pour des motifs comparables. Cela n’a jamais justifié le moindre raid du FBI. Il devait donc y avoir autre chose… Mais quoi ?

Face au tollé déclenché dans l’opinion américaine par ce raid, le ministre de la Justice a ordonné que le contenu du mandat de perquisition soit rendu public. On sait désormais que Trump fait l’objet d’une enquête pour plusieurs soupçons de violations liées à l’Espionage Act, une loi vieille de plus d’un siècle, mais récemment dépoussiérée pour poursuivre des lanceurs d’alertes tels Julian Assange ou Richard Snowden.

En clair le ministère de la Justice soupçonne Trump de conserver chez lui des documents de sa présidence, certains classés « top secrets », avec l’intention de les falsifier, de les faire disparaître, ou pire de les vendre aux ennemis de l’Amérique… Plus ridicule et invraisemblable tu meurs ! Mais il s’agit là de crimes passibles d’un total de trente ans de prison.

Entre soupçons et condamnations il n’y a toutefois, pas un, mais plusieurs fossés. Donald Trump peut encore dormir tranquille. D’autant qu’on ne sait pas à partir de quels témoignages et éléments de preuve le gouvernement peut faire une telle affirmation. Le mandat ne dit pas tout.

Néanmoins, cette révélation a fait la joie des médias bienpensants qui ont interprété ce raid comme « la preuve » que l’heure était grave pour Donald Trump. Le gouvernement n’aurait pas mené une telle action sans motif valable. De là à voir Trump en prison, certains en jouissent déjà ! C’est la même logique qui avait dominé durant la fausse affaire de collusion avec la Russie. Mais les preuves ne sont jamais venues et l’affaire a fini par faire pschitt.

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Par contre, il est apparu clairement que l’affaire dépasse largement le cadre d’un litige entre l’ancien président et les Archives Nationales autour de violations du Présidential Record Act, une loi, sans griffe, de 1978. Ce qui est aussi apparu clairement à la lecture du mandat de perquisition était que celui-ci était excessivement vaste. Il ne permettait pas seulement au FBI de récupérer certains documents précis, il lui permettait de tout fouiller, dans un périmètre extrêmement étendu – jusqu’à la garde robes de Mélania, l’épouse de Donald Trump – et d’emporter tout ce qu’ils souhaitaient.

Du coup, tout porte à croire que ce raid répond à une autre logique, encore. Le ministère de la Justice et le gouvernement Démocrate derrière lui n’ont pas renoncé au vieux rêve de mettre Donald Trump en prison et de l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle de 2024. La vraie motivation du raid est là. Ce raid n’était pas motivé par la recherche de prétendus documents. Ce n’est qu’un prétexte. D’ailleurs, quand une fouille dure neuf heures c’est que les enquêteurs ne savent pas ce qu’ils recherchent… Avec ce raid le FBI est allé comme on dit « à la pêche ». Ses agents étaient là pour emporter le plus de documents et voir après coup ce qu’ils pourraient en tirer.

Au passage ce raid était aussi une démonstration de force. Une basse manœuvre d’intimidation. Cette descente du FBI avait pour but d’envoyer un message clair à Trump et à tous les Américains qui le soutiennent : l’Etat fédéral ne reculera devant rien, ni personne, pour mettre au pas celui qui ose le défier…

Évidemment, l’État qui autoriserait un tel raid ne pourrait plus se proclamer démocratique. Il s’agirait d’un État totalitaire où les libertés individuelles sont bafouées, où le pouvoir en place décide de la loi et à qui elle s’applique, où les juges sont au service de ce pouvoir, et où le quatrième pouvoir, celui d’informer, a également été mis au pas, soit avec sa collaboration active par solidarité idéologique, soit en étant bâillonné de force, pour tuer dans l’œuf toute dissidence.

De tels États ont existé ou existent encore. De l’URSS à la Corée du Nord, en passant par la Chine, Cuba, l’Iran, le Venezuela et pas mal d’États africains… Les États-Unis jusqu’à récemment n’en faisaient pas partie. À l’évidence, cela a changé. Aujourd’hui tout indique que les États-Unis sont devenus une république bananière.  La justice est aux ordres. Elle applique un « deux poids, deux mesures » selon l’appartenance politique de l’accusé. Les médias dominants chantent ses louanges. Les réseaux sociaux se chargent de faire taire les opposants. Si ces derniers persistent, ils sont étiquetés « terroristes de l’intérieur », pourchassés et emprisonnés. Voilà les États-Unis de 2022.

Ce constat est partagé par des millions d’Américains. De l’homme de la rue aux plus hautes autorités, dont le gouverneur de Floride, Ron de Santis, figure montante de la politique américaine. « Le raid sur Mar-A-Lago est la dernière escalade dans l’instrumentalisation des agences fédérales contre les opposants politiques. Tandis que Hunter Biden est traité avec des gants. République bananière, »  a-t-il écrit dans un tweet vengeur.

Il faut dire que le FBI et sa maison mère, le département de la justice, n’en sont plus à une incartade près. Depuis l’émergence de Donald Trump sur la scène politique américaine, en 2015, ils ne cessent de le harceler, lui et ses soutiens, alors que l’Amérique bien-pensante est épargnée lorsqu’elle viole la loi, voire cajolée, choyée et encouragée.



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est un journaliste franco-américain, éditeur du blog "France-Amérique, le blog de Gérald Olivier" et auteur en 2013 de "Kennedy le Temps de l'Amérique" aux éditions Jean Picollec

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