Netflix consacre une mini-série documentaire en 4 épisodes à Raël et sa mouvance sectaire excentrique
Longtemps mystérieux et insaisissable, Claude Vorilhon n’aura eu de cesse de défrayer la chronique toute sa vie durant. Ce picaresque aigrefin incarne mieux que quiconque la figure archétypique du gourou new age des années 1960 et 1970, sous son nom de scène de Raël, le messager des Elohims. Une bien menée série documentaire en quatre épisodes intitulée Raël, le prophète des extraterrestres diffusée par Netflix nous donne l’occasion de retrouver ce singulier personnage perdu de vue.
« J’arrive mes amis, j’ai quitté Causeur, j’arrive Skippy »
Dans les années 1980 et 1990, la France ne parlait que de ça : les sectes. Face sombre du mouvement hippie, les cultes et communautés se sont multipliées lors de l’après-Guerre, accompagnant la libération sexuelle et la remise en question des religions traditionnelles. Proposant la plupart du temps des spiritualités inspirées des gnoses occidentales, des religions du monde indien, ou encore des différents ésotéro-occultismes du XIXème siècle, faisant la part belle à des concepts tels que la réincarnation, le spiritisme, ou le développement de la pleine conscience, ces religions communautaires parfois dirigées par des chefs charismatiques communément nommés gourous ont aussi alimenté la colonne des faits divers avec de nombreux drames. Parmi les plus marquants, citons notamment l’attaque du métro de Tokyo au gaz sarin par la secte Aum Shinrikyo, les meurtres de la famille Manson, les suicides collectifs de l’Ordre du Temple Solaire, le massacre des Davidiens à Wako, ou bien sûr la fin tragique du Temple du Peuple du pasteur Jim Jones dans l’Etat du Guyana. Et encore ne sont-ce là que les exemples les plus célèbres, de nombreuses sectes étant passées sous les radars des actualités mondialisées. Quoique sulfureux, le mouvement raëlien n’a lui jamais été sanglant.
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Qu’elles deviennent des religions installées comme l’église de Scientologie ou se bornent à un cercle étroit, à l’image du cas des reclus de Monflanquin, prosélytes comme les Témoins de Jéhovah ou endogamiques comme La Famille, secte parisienne qui prospère depuis près de deux siècles, les sectes partagent des traits communs. Leurs adeptes sont sous emprise, elles cultivent l’obsidionalité spirituelle et elles se basent sur des enseignements initiatiques. Elles sont donc ésotériques, au contraire des grandes religions qui sont le plus souvent révélées et exotériques. La spécificité du cas Raël tient pourtant dans son mélange bien senti de grands permanents religieux et de quelques traits innovants. Ayant commencé dans le monde du spectacle en clone plutôt talentueux de Jacques Brel puis en coureur automobile patron de presse, Claude Vorilhon a vu non pas la Vierge mais les petits hommes verts entre deux volcans d’Auvergne.
E.T. parle français, coup de bol !
Le 13 décembre 1973, un jeune homme aperçoit un extra-terrestre dans sa soucoupe volante, près du Puy de la Vache, et entreprend une discussion. Car l’envoyé des cieux parlait notre langue – quelle chance -. Ce dernier lui annonce alors qu’il est désormais missionné comme prophète des Elohims, charge à lui de révéler la nature occulte des religions et l’identité de nos créateurs à l’humanité entière. Revêtu de noir à la manière de Christian Vander de Magma, très en vogue à l’époque, Claude Vorillon rencontrait son destin. Et quel destin ! Le Livre qui dit la vérité qu’il a publié s’est bien vendu et le mouvement raëlien compte maintenant quelques centaines de milliers d’adeptes subvenant aux besoins du grand gourou, qui a même eu droit aux honneurs littéraires en inspirant à Michel Houellebecq son roman La Possibilité d’une île.
Versant d’importants montants annuels au mouvement, les adhérents sont dédommagés en participant à d’intenses séances de « méditations sensuelles » d’ordre cosmique. Quant à Raël, il est constamment entouré d’accortes jeunes femmes dûment sélectionnées par ses soins, une troupe « d’anges » qui devront aussi satisfaire les Elohims une fois ces derniers arrivés sur Terre. Quand ? Nous ne le savons pas, et c’est là tout le génie de Raël, gourou manipulant l’humour comme les faits avec un à-propos assez renversant. L’eschatologie raëlienne s’inspire ainsi de l’eschatologie juive. Les Raëliens doivent donc achever la construction d’une ambassade géante afin que les Elohims daignent venir nous sauver. Ça ne vous rappelle rien ? Mais si voyons, le Temple ! Ce qui est pratique pour Claude Vorilhon, c’est que cet horizon peut être sans cesse décalé et qu’il faut constamment le financer en espèces sonnantes et trébuchantes ! Notre grand prophète ne connait donc pas de difficultés matérielles depuis 1973.
Il est né, le divin enfant
Seul gourou français à avoir connu le succès mondial, Raël est désormais présent en Afrique, en Amérique du Nord ou encore au Japon où il vit désormais avec quelques geishas, depuis son récent divorce d’une femme fort belle et bien plus jeune que lui. Pas inquiété par la police, il a dû tout de même quitter le Canada et les Etats-Unis, non sans s’être fait remarquer après avoir été interrogé au Congrès des Etats-Unis, excusez du peu, pour avoir annoncé avec fracas la naissance du premier bébé cloné de l’histoire de l’humanité. Joueur, Claude Vorillon et ses associés n’ont jamais montré l’enfant, préférant faire croire au monde qu’ils avaient brisé le tabou des tabous par refus notamment de la morale de l’Eglise catholique. Peut-être traumatisé par un passé d’enfant de chœur, Raël affiche une haine assez tenace du Vatican dès qu’il le peut. Son égo doit prendre ombrage de l’aura papale…
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Montrant des adeptes toujours fidèles et des renégats, le documentaire de Netflix vaut la peine d’être regardé pour qui s’intéresse aux phénomènes sectaires. Endurant, le mouvement raëlien tient sûrement par des ambitions plus modestes que celles affichées par certains de ses concurrents. Il offre aussi une anthropologie attirante pour des adeptes en quête de sens, tout en les ramenant bien sur terre.
Ainsi la première initiation consiste à ausculter son anus par l’entremise d’une glace posée aux pieds du nouvel adepte. Une façon d’interdire toute transcendance et de rappeler aux suivants du maître qu’ils ne sont au fond que des trous du cul.
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