Le « privilège blanc » invoqué sans cesse par les wokistes, les racisé·e·s et autres inter-sectionnalistes a touché aussi Radio-Classique, une radio a priori pépère diffusant de la musique classique — d’où son nom. En fait, s’insurgent les bien-pensants, ces pépères sont éminemment pervers: ils diffusent de la musique blanche et s’expriment en bon français — deux marqueurs de la culture bourgeoise qu’il nous faut dès à présent éradiquer. L’idée amuse visiblement notre chroniqueur.
Qu’est-ce que le « bon » français ? C’était, disait Vaugelas au XVIIe siècle, le français parlé par la plus saine partie de la Cour, conformément à la façon d’écrire de la plus saine partie des auteurs du temps.
Mais ça, c’était avant. Avant que la commission Rouchette, nommée par René Haby, alors DGESCO avant d’être le ministre de l’Education d’un gauchiste nommé Giscard d’Estaing, décide que dorénavant, le français étudié en classe serait celui de la rue. Soixante ans plus tard, le député LREM Rémy Rebeyrotte, par ailleurs professeur d’université, fait l’éloge d’Aya Nakamura, chanteuse malienne dont la haute poésie a ceci en commun avec celle d’Isidore Isou qu’elle est onomatopéique et incompréhensible. « Quand je vois des jeunes comme Aya Nakamura qui aujourd’hui par sa chanson est en train de réinventer un certain nombre d’expressions françaises, ça me paraît absolument remarquable. Elle est en train de porter au niveau international de nouvelles expressions et évolutions de la langue. Et ça, ce sont des choses extrêmement fortes ». Ainsi parle le représentant à l’Assemblée de la 3ème circonscription de Saône-et-Loire — élu en 2017, réélu en 2022. Ils ne réfléchissent pas, à Couches-les-Mines et à Saint-Léger-sous-Beuvray ?
C’était il y a trois ans. Désormais le révisionnisme woke ose tout, c’est même à ça qu’on le reconnaît.
Critique féroce
Le 20 novembre dernier, Jean-Loup Amselle (anthropologue et directeur d’Etudes émérite à l’EHESS, je vous recommande la lecture complète de la fiche Wikipedia de ce somptueux personnage, vous saurez mieux qui sont les représentants ultimes de la pensée française) s’est fendu sur le site en ligne AOC d’une critique féroce de Radio-Classique, une station qui a peut-être charmé vos longs périples autoroutiers avec ses diffusions de musique… classique. Amis de Mozart, Bach et autres idoles des suprématistes blancs, vous voici repérés.
Que dit l’éminent ethnologue — par ailleurs partisan de la construction rapide d’un bon nombre de mosquées en France ? Après avoir globalement identifié ladite radio comme « production d’une culture musicale blanche » et de « bon ton », il enfonce le clou :
« Sous couvert d’une « neutralité » musicale implicite, Radio Classique diffuse une idéologie profondément conservatrice. Entre musique, culture, économie et politique, elle promeut un patrimoine culturel proprement « français », placés sous le signe d’une idéologie profondément ancrée à droite. »
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Être de droite, c’est écouter Mozart and co : « Fidèle auditeur depuis plusieurs années, j’ai pu noter que la plupart des morceaux de musique diffusés était puisée dans une séquence temporelle s’étendant du XVIIe à la première moitié du XXe siècle, pour résumer de Haendel, Bach et Scarlatti à Mahler et Rachmaninov. Sont donc exclues de ce répertoire ce que l’on nomme la musique populaire occidentale non écrite ainsi que la musique classique contemporaine (Schönberg, Berg, Webern, Boulez, Stockhausen, Messiaen, Cage). Sont exclues également les musiques non-occidentales (…) Le socle de la programmation de Radio Classique est donc constitué par un bloc musical « blanc » et conservateur. Ce socle fait lui-même partie d’un environnement artistique, culturel et journalistique bourgeois et de droite. »
France Culture confirme
Être de droite, c’est aussi parler un français châtié : « Le ton idéologique de la station n’est d’ailleurs pas seulement donné par le contenu sémantique des propos énoncés mais également par la diction des intervenants qui dénote, sinon leur appartenance à un groupe social donné, du moins leur position de classe : Radio Classique est le domaine par excellence du français châtié et bien prononcé. »
Et de fustiger la présence à l’antenne de suppôts de la réaction comme Beigbeder ou Luchini. C’est que « une autre leçon que nous révèle cette station de radio est que les idées d’extrême-droite ne sont pas seulement propagées par les partis d’extrême-droite mais qu’elles pénètrent aussi sous couvert de la diffusion d’œuvres musicales en apparence neutres mais qui, enrobées dans une culture politique donnée, permettent à ces idées de pénétrer insidieusement dans toute la société. »
Éructations d’un octogénaire, direz-vous… Mais lorsque ses arguments sont repris par France-Culture, une radio financée par l’argent public… C’était le 27 novembre, Lucile Commeaux, citant Amselle, affirmait tranquillement : « Dans le fond, Radio Classique, c’est un peu le « Chante France » de la musique dite classique. » Et ses animateurs sont « une variété de dominants armée contre le neuf ».
Un complot, vous dis-je…
Anecdotique ? Pas du tout. Il y a depuis cinquante ans une offensive de fond contre la langue, une offensive qui est passée par les programmes scolaires (qui étudie encore sérieusement la grammaire ? Pas les enseignants, qui en dehors des agrégés ne l’ont jamais apprise), puis par les médias de toutes origines, si possible métissées, et enfin par l’institution elle-même. L’université s’en mêle, et pèse de tout son poids pour que soient adoptées l’écriture inclusive, l’étude de littératures modernes et féministes (Virginie Despentes oui, Madame de La Fayette non ; Nakamura oui, La Fontaine non) et la féminisation arbitraire, selon des règles aberrantes, de mots qui ne leur ont rien fait — j’y reviendrai dans ma prochaine chronique.
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