Rabhi : Crieur lit-il Causeur ?
Par Daoud Boughezala
Pierre Rabhi, le prophète de la décroissance, est intouchable. Ou presque. Égratigné par une enquête à charge de Vanity Fair sur son business et son carnet d’adresses très CAC 40, le chantre de la sobriété heureuse commence à échauder la presse progressiste. Ainsi La Revue du crieur, branche papier de Mediapart, lui consacre-t-elle un portrait mi-figue, mi-raisin dans sa dernière édition. À lire, l’article de Jade Lindgaard , « le Bisounours de la décroissance » entonne « une ritournelle antimoderne » suspecte et se rend surtout coupable d’une faute irrémissible : ne pas être de gauche.
En cause, notamment, les sorties faurissoniennes des deux fils du gourou. Mais, pourrait-on répondre, on ne choisit pas ses enfants « complotistes »… Par contre, l’enquête est plus étayée sur certaines positions hétérodoxes de Rabhi, dont Lindgaard a découvert qu’il exprime « publiquement ses doutes sur le mariage pour tous » et qu’il condamne la PMA. Crieur aurait gagné à lire Causeur plus tôt : dans notre numéro de janvier, je vous contais mon interviewus interruptus avec l’ensemenceur réac. Sur l’air de « la Nature a tellement bien fait les choses que je ne vois pas pourquoi on cherche à les compliquer… », Rabhi comparait le mariage gay à certaines unions loufoques entre équidés. Avant de se raviser et de jeter notre entretien à la poubelle. Pas grave : sans le savoir, Mediapart l’a recyclé ![access capability= »lire_inedits »]
Héritage gelé
Par Pierre Joncquez
Le site hollywoodien TMZ vient de rendre public l’étrange et moderne héritage de feu Christian Audigier, couturier clubber français établi en Californie, décédé l’année dernière d’un cancer. Car il revient à son mannequin de veuve le soin de veiller sur le sperme congelé de son défunt mari et d’en faire usage à sa convenance (« use however she sees fit », est-il mentionné dans le testament). L’enjeu est de taille : il implique un petit paquet de dizaines de millions de dollars, qui doivent être répartis équitablement entre les descendants de Christian Audigier.
Des dollars, un top model, un héritage, du sperme congelé, un média un peu trash voletant autour de la morgue des people, tout est réuni pour convoquer le scénario idéal de ce qu’est devenu notre quotidien : une sitcom posthistorique, sinistre vue de l’intérieur, hilarante vue de l’extérieur.
Car ce sommeil de la semence nous pose là en spectateur de l’Histoire congédiée, où la longue chaîne de la généalogie humaine voit ses maillons décousus ci, recousus là. Que se passerait-il si la belle optait pour l’insémination ? Alors son défunt mari aura peut-être un enfant l’année prochaine. Ou dans vingt-cinq ans. On ne sait pas. Comme c’est however she sees fit, tout devient possible. Peut-être qu’elle va donner du sperme à ses copines. Ou à une ex de son mari qui aimerait bien avoir un souvenir. Ou à la science, qui fera des petits Audigier dans cent ans, dans cinq cents ans, dans deux mille cinq cents ans. Who cares ? However she sees fit ! En attendant, le partage de l’héritage crée de grosses tensions du côté des enfants « déjà nés » du défunt. Car à chaque naissance biotech, on retirera de leur héritage le pourcentage qui doit revenir au nouveau petit frère. C’est un scénario de fou, non ? Des juristes, des comptables, des médecins en blouse blanche, des huissiers qui viennent prélever les millions.
Moitié tombeau, moitié frigo, l’existence de Christian Audigier est ainsi coincée entre les deux berges du Styx, prisonnière d’un tourbillon juridico-cryogénique qui l’empêche de rejoindre pour de bon l’un ou l’autre côté des enfers. Le temps est suspendu, le temps est aboli, on sort de l’Histoire. Par la porte du congélo.
Le boycott a la cote
Par Axelle de Mauny
Comme beaucoup de ses collègues des milieux d’affaires, Peter Thiel, cofondateur de Paypal, actionnaire de Facebook et créateur d’une multitude de start-up, a participé au financement de la campagne présidentielle américaine. Et pas qu’un peu : 1,25 million de dollars ! Petit problème, c’est à l’ordre de Donald Trump que le malotru a libellé son chèque. De fait, très rares sont les grands patrons qui ne soutiennent pas Hillary. En vertu de quoi le mouton noir Peter, bien qu’ouvertement gay et très investi dans le soutien aux minorités ethniques, se retrouve au centre d’une campagne d’appel au boycott pur et simple de ses entreprises.
En France, on n’en est pas encore là, mais ça vient doucement. Ainsi les appels au boycott de Michel et Augustin font de plus en plus de buzz dans la gauchosphère. L’affaire est grave : les deux fondateurs de la marque sont réputés proches de La Manif pour tous, et l’un d’entre eux a aggravé son cas en osant soutenir le programme économique de François Fillon ! Après tout, Halloween, c’est le moment idéal pour la chasse aux sorcières.
Cassée, Caro !
Par David Desgouilles
Le 7 septembre, on a célébré un mariage politique d’importance, celui de Cécile Duflot, candidate à la primaire écolo, avec Caroline De Haas. Cette dernière est bien connue des lecteurs de Causeur. C’est elle à qui notre cheffe reprochait de « vouloir créer des brigades des plumeaux », chargées de vérifier dans les foyers le juste partage sexué des tâches ménagères.
C’est elle aussi qui a lancé en 2011 la campagne « Osez le clito ! » parce que tout le monde il se fiche du plaisir féminin. C’est encore elle qui créa le site « Macholand », espèce de pilori numérique réservé à des sexistes soigneusement choisis.
Rappelons enfin qu’à l’automne dernier, Caro avait pris tout le monde de vitesse en lançant la première pétition en ligne contre la loi El Khomri. Toutes choses qui ont convaincu Cécile Duflot de l’engager comme directrice de campagne.
A priori, c’était un bon choix côté plan média : à force de campagnes clinquantes contre tous les méchants, Caro est devenue la mascotte des journalistes. Un exemple ? Le matin du premier tour de la primaire, j’ai eu la joie d’entendre une reporter d’Europe 1 dire toute l’admiration qu’elle avait pour cette « chef d’orchestre », qui a osé utiliser dans la campagne « la technique de la chaîne de SMS ». Bon, en vrai la chaine de SMS, c’est à peine plus moderne que le 3615, mais quand on aime…
Il va de soi que pour notre journaliste radio énamourée, le scrutin était plié d’avance, Cécile Duflot risquant même d’être élue dès le premier tour ! La suite, on la connaît…
Comme quoi, faire le buzz et séduire les médias, c’est une chose ; convaincre les électeurs, c’en est une autre. Cette leçon vaut bien un fromage bio, sans doute.
Un bon mois pour mourir
Par François-Xavier Ajavon
Au mois de novembre, les lacs commencent à geler, certains animaux entrent en hibernation (tel le spermophile rayé, qui est un petit rongeur que Dieu a ainsi nommé en gloussant), les Américains vont voter et les centenaires trépassent. On meurt beaucoup en novembre. Il faut dire que le moral, donc l’envie de vivre, en prennent un sacré coup avec le triptyque mortifère Toussaint-Halloween-Fiac.
C’est dans ce contexte pas gai-gai que les États-Unis sont confrontés à une explosion du phénomène des « clowns sinistres » (Creepy clowns en VO), qui s’amusent à terroriser les petits enfants. La psychose a débuté dès la fin de l’été en Caroline du Nord, où des silhouettes effrayantes ont été aperçues à la sortie des écoles. Après quoi, un collège de l’Ohio a été fermé suite à une attaque d’augustes, etc. etc. Depuis fin août, on compte des centaines d’appels au 911 et une douzaine d’arrestations. Heureusement, la Maison-Blanche s’est saisie du dossier. En attendant, pour les kids, c’est la double peine, puisque McDo a décidé de limiter les exhibitions publiques de Ronald !
À propos d’actualité funéraire encore, pas un jour sans qu’on enterre la presse écrite sur du papier avec de l’encre ! Eh bien, un quotidien japonais a pris au mot cette prévision : The Mainichi a inventé le concept de journal « plantable », truffé de graines. Mettez-le en terre, dites « Amen ! » et vous verrez bientôt cent fleurs s’épanouir ! Remarquez, chez nous, en France, il n’est pas rare que les journaux se plantent, et en beauté…
La mort toujours : nous apprenons que les Pays-Bas, après avoir inventé les tournesols et le niveau de la mer, ont décidé de faire à nouveau parler d’eux en promouvant le suicide assisté pour « ceux qui estiment avoir assez vécu ». Nous sommes là bien au-delà de l’euthanasie, puisque le dispositif présenté ne concerne pas les malades incurables, mais les seniors qui jugent que « leur vie est terminée ». Je plains le législateur hollandais qui devra définir ce qu’est une vie accomplie… Dans sa lettre d’adieu, Romain Gary avait expliqué son geste par cette phrase : « Je me suis enfin exprimé entièrement… » Mais c’est lui qui a tiré…
On le voit, on meurt beaucoup en novembre. Sauf Chuck Berry, qui vient d’entrer dans sa 90 ème année, et qui ne mourra vraisemblablement jamais. Depuis que Dylan a eu le Nobel, les rockers aussi peuvent bien prétendre à devenir immortels…
Un colloque sur l’islamisme empêché par la Mairie de Paris
Par André Senik
Le 19 octobre, le colloque annuel organisé par l’Institut d’histoire sociale (créé par Boris Souvarine) devait avoir lieu, comme presque toujours depuis des années, à la Maison de l’Europe, rue des Francs-Bourgeois, à Paris. La question qui devait y être débattue était : « L’islamisme conquérant : une nouvelle offensive totalitaire ? » Parmi les intervenants figuraient Bernard Bruneteau, professeur à l’université Rennes I, Gérard Grunberg, directeur de recherche émérite au CEE de Sciences-Po, et Philippe Raynaud, professeur à l’université Paris-Panthéon-Assas, ainsi que votre aimable serviteur.
Le cadre de la Maison de l’Europe était plus que pertinent puisque les intervenants étaient tous des Européens convaincus, des adversaires résolus des totalitarismes contre lesquels l’Europe s’est construite et des partisans de la démocratie libérale qui est le socle politique de l’Union.
Or, la veille au soir du colloque, les organisateurs sont informés par téléphone qu’ils n’auront pas accès le lendemain matin à la salle de conférence qu’ils ont dûment réservée. Et cela, sans le moindre document écrit. La directrice de la Maison de l’Europe, Catherine Lalumière, bien embarrassée, explique qu’elle a reçu un coup de téléphone de la Mairie de Paris, qui est propriétaire de la maison de l’Europe, lui enjoignant de ne pas accueillir ce colloque. Le motif ? Une personne « de confession juive » venait d’avertir la mairie qu’un des participants au colloque était un militant d’extrême droite et antisémite, ce qui n’était pas acceptable dans l’enceinte de la Maison de l’Europe.
Moi qui ne suis pas « de confession juive », mais carrément juif, et assez chatouilleux sur la question de l’antisémitisme, je puis attester que l’accusation est totalement fausse. Jean-Gilles Malliarakis – c’est lui qui était visé par le dénonciateur – a certes été d’extrême droite à la même époque qu’Alain Madelin et Patrick Devedjian, mais il est devenu depuis des dizaines d’années un partisan de la démocratie libérale. Il s’agit donc d’un pur délit d’opinion.
La vérité, c’est que la Mairie de Paris fait sa police de la pensée. La seule réunion qu’elle ait cherché à empêcher était une réflexion sur l’islamisme conquérant auquel nous devons faire face. L’ennemi que la Mairie de Paris a vraiment envie de combattre n’est pas l’islamisme conquérant, le fascisme d’aujourd’hui, c’est l’extrême droite d’il y a cinquante ans. Dis-moi qui tu hais…[/access]
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