C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures sauces. Surtout quand le pot a cessé de servir depuis longtemps et que la sauce est, elle, d’une recette neuve. Alors que le temps politique se prête aux simplifications les plus extrêmes, que le peuple balance entre un jacobinisme rassurant et un post-capitalisme entêtant, qu’entre les puissances d’argent et les puissances d’Etat toute autre puissance semble avoir disparu, la noble tâche que s’assigne à contretemps le Cercle Charles Péguy, celle de la reformation d’une élite libre pour demain, paraîtra une gageure. Sous le signe des pensées personnalistes, fédéralistes, le jeune Cercle parisien qui reprend l’héritage de celui qui à Lyon il y a cinquante ans fit les grandes heures de la « démocratie-chrétienne », à une époque où ce terme signifiait encore quelque chose, tente de repenser la politique à nouveaux frais, refusant les pseudo-sens de l’histoire qui, de déclins en chocs des civilisation, n’imagine plus la France que sous les espèces d’une coquille de noix ballottée dans les flots de la mondialisation féroce.
S’il assume le terme de droite, le Cercle Charles Péguy entend surtout par là qu’il reste plus que jamais à définir, à l’opposé d’une gauche libérale-libertaire et de tous les monstres froids, Etat, argent, technique, que l’époque vénère comme des idoles. Jeudi 10 octobre à 18h30, à la Mairie du Vème arrondissement de Paris, les jeunes gens qui l’inaugureront sous le patronage de quelques figures de la politique ou de l’esprit, feront leurs ces mots de Péguy :
« Dans les anciens mondes, sous les anciens régimes, d’autres puissances de force balançaient à la fois et cette puissance de force qu’est l’argent et les puissances d’esprit. Et il y en avait assez, parce que le monde était riche de puissances. Puissances d’armes et surtout puissances de race; puissance du poing, puissance du gantelet, puissance de la dague, puissance de la tradition, elle-même demi-intellectuelle ou spirituelle, puissance de tant de rythmes qui battaient tant de cœurs, puissances de tant de vies qui battaient leur mesure, puissances de tant de corps qui n’étaient point asservis, puissances de la hiérarchie, elles-mêmes demi-intellectuelles ou demi-spirituelles, puissances de la cité, puissances de la commune, puissances civiques, puissances de la communauté, demi temporelles et demi d’esprit, puissance nautique (Athènes) ou puissance de chevalerie, et sur tout puissances de la race, alors les plus fortes de toutes, et les plus belles, puissances réellement dynastiques, dynasties des rois, dynasties des grands, dynasties des gueux, toutes également dynastiques, tout le monde alors était dynaste, une infinité de belles et fortes puissances de force, à la limite toutes temporelles et de là indéfiniment dégradées en puissances qui devenaient en une indéfinité de graduations spiritualisées, une indéfinité de puissances de force ou de demi-force à la fois luttaient ou pactisaient et se combattaient entre elles, et ainsi doublement se balançaient, et à la fois tantôt luttaient contre les puissances d’esprit, ou pactisaient et se mariaient plus ou moins avec elles. Il en résultait dans les anciens mondes et sous les anciens régimes une sorte d’équilibre instable qui était perpétuellement à rétablir, à renouveler, à réinventer, à refaire, mais qui, de fait, se rétablissait, se renouvelait presque toujours, qui réussissait presque toujours à se réinventer. Il se refaisait. »
Cercle Charles Péguy, jeudi 10 octobre, 18h30, Paris, Mairie du Vème arrondissement, entrée libre.
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