Un reportage photo à la marche pour la République et contre l’antisémitisme, dans les rangs du Rassemblement national, dont la présence a été surabondamment commentée
Relégués en queue de cortège, le Rassemblement national et « Reconquête ! » avaient appelé leurs militants et sympathisants à se retrouver sur la place Salvador Allende avant de rejoindre l’esplanade des Invalides, lieu de départ de la marche pour la République et contre l’antisémitisme, sous bonne escorte des forces de l’ordre et du gendarme de Groland sur Canal+ qui porte une pancarte autour du cou « Un antisémite est un abruti congénital qui s’ignore ». François, 73 ans, Normand, sympathisant « Reconquête ! » est venu soutenir « nos frères Juifs Français ». Il ajoute qu’ « il faut qu’on arrête de les faire chier ».
Mais, au départ de la marche parisienne, le Golem, un collectif de Juifs de gauche mené par l’avocat Arié Alimi, a décidé de perturber le rassemblement. Ils invectivent Marine Le Pen dès son arrivée sur l’esplanade des Invalides. Aux cris de « Le Pen casse-toi ! Les Juifs ne veulent pas de toi », « Et nous, on dégage l’extrême-droite », « Et on est là, contre les antisémites », le groupuscule vindicatif d’une cinquantaine de personnes est vite écarté par les Juifs prônant l’unité nationale. Arié Alimi croit-il lui-même à sa comédie politicienne quand il crie sourire en coin : « ah, il y a un Monsieur qui vient de me pousser, il est d’extrême droite, il est d’extrème droite ! » ? Derrière moi, Rachel, la cinquantaine, ne comprend pas que tous les représentants de tous les partis de France ne soient pas présents à la marche. « Ceux qui divisent viennent toujours de la gauche », remarque-t-elle face à l’attaque du Golem. « S’ils veulent défiler, ils se mettent dans la marche. Pourquoi ils attaquent Marine Le Pen, c’est une élue de la République » renchérit un vieux couple de Juifs qui ne vote pas pour Marine Le Pen mais a choisi de défiler aujourd’hui avec le Rassemblement national en queue de cortège « pour voir par lui-même ». Le mari s’indigne de « ces comportements irresponsables des agitateurs. Le passé n’est pas le présent et n’est pas l’avenir. Tout citoyen français a le droit d’être là. Cette gauche conflictualise tout ».
De fait, la grande majorité des Juifs présents applaudissent l’arrivée de Marine Le Pen et de Jordan Bardella. Ariel, la cinquantaine avenante, vote pour Marine Le Pen depuis qu’elle a rompu avec Jean-Marie Le Pen. « Je vote Marine, Zemmour est trop radical », assume l’avocat, kippa sur la tête, qui avoue avoir perdu beaucoup d’amis, Juifs et non Juifs, mais estime que « Marine Le Pen est la seule à pouvoir rassembler. » Ariel est surtout très en colère contre les mots du président de la République : « qu’il ne vienne pas, c’est une chose, mais son exhortation (contre Israël) à la BBC témoigne de sa lâcheté. C’est du en même temps. Avec lui, on va droit dans le mur ». Les paroles de la Première ministre, celles d’Olivier Véran, ou du CRIF qui « ne me représente pas », contre le Rassemblement national ou Zemmour démontrent à ses yeux qu’ils « sont coincés. Ils fantasment une extrême-droite qui n’existe pas. C’est Mélenchon qui fait la Une de Rivarol, pas Marine Le Pen », remarque-t-il avant d’ajouter que « même Serge Klarsfeld, président de l’association des Fils et Filles de déportés, a déclaré qu’il fallait se réjouir que le Rassemblement national participe à la marche contre l’antisémitisme ».
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« Il faut arrêter de déterrer les vieilles querelles. Quand tu veux te débarrasser de ton chien, tu l’accuses de la rage », renchérissent Muriel, 57 ans, et Claude, 73 ans, d’origine vietnamienne. Les deux militants du Rassemblement national du Val d’Oise arborent fièrement une pancarte où est écrit Je suis Juif pour « montrer leur soutien aux Français de confession juive ». Engagés dans le parti depuis la reprise de la direction par Marine Le Pen, et surtout « avec Jordan », ils souhaitent un « rassemblement de tous les patriotes d’où qu’ils viennent ».
Laurence, 69 ans, qui vote « à gauche, à droite », en fonction des élections et des candidats, a choisi de défiler aujourd’hui pour la première fois avec le Rassemblement national. « Maintenant je voterai RN. Le mot extrême-droite ne veut rien dire en France aujourd’hui. Ceux qui ressortent les propos maladroits d’hier, c’est pour cacher l’antisémitisme d’aujourd’hui. Jean-Marie Le Pen, c’était l’antisémitisme à la papa d’autrefois, mais l’antisémitisme qui tue, il est islamiste. Mon père a la légion d’honneur, il s’est battu contre les Boches, comme il disait, il s’est engagé volontaire à 17 ans. Jean-Marie Le Pen lui aussi s’est engagé. »
« Noir, Juif, et cadre au RN, je suis le témoin vivant que le RN n’est ni raciste, ni antisémite »
« Le Rassemblement national n’est ni raciste ni antisémite. Je suis Noir et Juif, et je suis cadre au Rassemblement national. » Christian Degbegni, 60 ans, chef d’entreprises, Noir, Juif, kippa sur la tête, est responsable de la communication du RN de la fédération de Paris et du 13è arrondissement. « Je suis le témoin vivant que le RN n’est ni raciste ni antisémite ». Fils d’une mère falasha, et d’un père originaire du Bénin, Christian Degbegni s’est engagé au Front national au début des années 90. Il explique n’avoir jamais ni vécu ni ressenti racisme ou antisémitisme au sein du Front national et du Rassemblement national. « Si enfant j’ai subi du racisme et de l’antisémitisme à l’école, au RN c’est le seul parti où je ne me sens pas Noir. Avant de m’engager au Front national, j’ai été deux mois au RPR, mais là-bas j’étais le Black de service ». Son « engagement en fait buguer beaucoup ». Il reçoit de nombreux messages le traitant de « nègre de service », de « bounty », autant d’anathèmes postés sur son compte X (ex Twitter) qui le renvoient sans cesse à sa couleur de peau. « Je bloque les personnes qui m’insultent sur X, je me prends plus la tête, je ne veux pas gaspiller mon énergie ». Le militant explique qu’avec ses proches, et même avec sa fille, « cela a été difficile au début de faire accepter mon engagement mais maintenant cela va mieux, elle voit que tout ce que l’on a dit arrive. Il y a même des gens de mon entourage, pour la plupart de gauche, qui ne me parlaient plus et qui reviennent me parler et me disent qu’ils voteront Marine ». Pour Christian Degbegni, les déclarations politiciennes qui vont chercher les provocations de Jean-Marie Le Pen révèlent que « ce qui les énerve c’est que l’on fout en l’air leur narratif où chacun est assigné à résidence ; et c’est vrai, il y a plein de gens qui buguent en me voyant. Ils sont tellement dans leurs préjugés. Mais moi je n’ai rien à gagner, je parle en toute franchise. Mon seul but c’est que l’on arrive à redresser la France. Et aujourd’hui, le RN est le seul rempart, le seul bouclier contre l’antisémitisme et le racisme ».
Florence, 65 ans, et sa fille Anaëlle, 40 ans, marchent tout à fait par hasard aux côtés de Christian Degbegni, et lorsqu’elles apprennent qu’elles sont dans les rangs du Rassemblement national, cela ne leur pose aucun problème. « Dans notre judaïsme, on a le pardon facile que ce soit avec les politiques ou avec les intimes. L’important aujourd’hui est d’être uni pour la même cause et de ne pas faire de politique. C’est bien que le Rassemblement national soit là. Tout le monde devrait être là aujourd’hui. »
Rémi, conseiller municipal, qui siège dans une majorité divers droite mais a préféré défiler avec le Rassemblement national, remarque que justement toute la France n’est pas représentée aujourd’hui. Se définissant de la droite sociale, Rémi a quitté LR et envisage de voter pour le RN. L’élu pointe un problème civilisationnel auquel LR ne répond pas. « C’est pas les Juifs et les Chrétiens qui mettent des bombes ». Rémi estime qu’il faudra « le travail d’une génération pour refaire peuple avec ces jeunes Français de confession musulmane qui préfèrent la charia aux lois de la République ». Et pour cet élu d’Ile-de-France, « seule Marine Le Pen est rassembleuse, Zemmour est trop clivant ».
« Jewish lives matter »
Derrière les élus du Rassemblement national, Noam, les yeux bleu profonds comme la mer et le ciel, brandit une affiche taguée #Bringthemhomenow d’Oria Brodutch, 4 ans, otage détenu par le Hamas. Noam et Itamar sont franco-israéliens. Ils sont dans les rangs du Rassemblement national car c’est là que sont les caméras. Tous deux originaires de Jérusalem, ils ont des amis qui étaient au festival et ont été kidnappés, certains ont été tués. La voix et les yeux d’Itamar sont encore plein d’émotion à l’évocation du pogrom du 7 octobre. Aucun des deux n’a voté pour Netanyahu qui « n’a pas su rassembler le peuple ». Ni Noam ni Itamar n’ont encore voté en France, mais aux prochaines élections, Itamar votera pour le Rassemblement national. « La seule voix ferme, c’est Madame Le Pen ». Tous les Juifs présents autour de moi me répètent que la présence du Rassemblement national et de « Reconquête ! » à la marche est selon eux une espérance. « Ce qui est important en tant que Juif, c’est d’entendre un soutien. Surtout maintenant que l’antisémitisme s’exprime à visage découvert dans le métro, sur les murs, et dans les rues de Londres » où Itamar a vécu plusieurs années et où il a pu observé la montée de l’islamisme anglo-saxon. Itamar est indigné par la manifestation londonienne du jour de l’Armistice où ont défilé des manifestants avec des drapeaux de l’État islamique. « C’est un non-respect des humains, des anciens qui se sont battus pour la liberté ». « Et même à Paris ! » se désole-t-il. « Ma femme a peur ». La femme d’Itamar lui a demandé de retirer la mézouza du chambranle de la porte de leur appartement du 12ème arrondissement. « Un peuple qui ne se souvient pas de son passé n’aura pas de futur », lui a dit son grand-père de 92 ans, ancien déporté et survivant de la Shoah, qui vit dans le 93, et qui « aujourd’hui, il a très peur ».
« Merci d’être là ! »
Une famille composée d’un couple et trois enfants, kippas sur la tête pour les hommes, salue la présence du président du RN et de Marine Le Pen. Ces remerciements se répètent à de nombreuses reprises sur tout le trajet de la marche des Invalides jusqu’au Jardin du Luxembourg, de l’Assemblée nationale au Sénat. Force est de constater que la journée est historique, de par le rassemblement des Français qui ont répondu présents contre l’antisémitisme, mais aussi par l’accueil réservé au Rassemblement national malgré sa relégation en fin de manifestation.
Les tactiques politiciennes visant à aller déterrer les propos de Jean-Marie Le Pen ne fonctionnent visiblement plus du tout pour les électeurs et les Français qui marchent aujourd’hui pour la République et contre l’antisémitisme. Au contraire, des voix venues hors des rangs du Rassemblement national interpellent la probable future candidate à l’élection présidentielle de 2027 : « On compte sur vous », « Ne nous décevez pas ! ». Certaines voix dans la foule scandent son nom, bien que cela ne soit ni le jour ni l’heure ni le lieu… On mesure à cet accueil bienveillant que Marine Le Pen soit, selon certains sondages, favorite pour 2027. Cependant, vu la non-participation à cette marche républicaine d’une partie de la gauche, et surtout de la jeunesse, il reste à savoir comment rassembler tous les Français ensuite…
(Si, si, on est là)
Seul parmi le cortège qui avance sur le boulevard Saint-Germain, un couple avec un bébé dans une poussette marche à côté des militants et sympathisants du Rassemblement national. Madame porte une affiche « Gauchistes contre l’antisémitisme (si, si, on est là) ». Le slogan a l’honnêteté et la conscience d’écrire noir sur blanc le risque de séparatisme qui sévit au cœur même de la nation. Aujourd’hui, tout le monde peut se réjouir que cette marche citoyenne se soit déroulée avec la plus grande civilité ; il n’y a eu aucun heurt, aucune casse, aucune vitrine brisée, aucune voiture incendiée, les policiers eux-mêmes ont été applaudis et encouragés à plusieurs reprises avec le slogan « tout le monde aime la police », moment de communion qui n’est pas sans rappeler les applaudissements suite aux attentats du 13-Novembre. Vrai succès du peuple de France rassemblé, libre, et responsable, il reste qu’une partie de Français préfère toujours l’invective, l’affrontement, la conflictualisation plutôt que la concorde nationale. Ainsi, à mi-parcours d’une marche d’une grande dignité, un jeune homme a voulu provoquer Marine Le Pen en la traitant de « fasciste ». Il a été expulsé du cortège manu militari par des membres de la LDJ, et protégé par les policiers.
Hormis ces quelques provocations orchestrées par une certaine gauche toujours prompte à la querelle, la marche a réuni dans le calme 105 000 personnes à Paris et près de 185 000 dans toute la France selon le ministère de l’intérieur. Mais combien étaient-ils les militants et sympathisants de gauche parmi les marcheurs de ce 12-Novembre historique ? Dans cette marée humaine qui s’étendait de l’Assemblée nationale au Sénat, on ne peut que constater qu’il y avait très peu de jeunes et peu de Français issus de l’immigration ou de confession musulmane. Si les partis autrefois stigmatisés et interdits de manifestation étaient représentés en nombre avec ses élus, ses députés, ses cadres, ses militants et ses sympathisants, force est de constater qu’aujourd’hui c’est une grande partie de la gauche qui a refusé de prendre part à cette journée de concorde, d’unité et de « rassemblement national » pour la République et contre l’antisémitisme.