Le temps d’un été, nos vacances se bornent aux frontières européennes, voire nationales. L’occasion d’épargner à notre patrimoine les dégâts du tourisme mondialisé. Et si nous redevenions des voyageurs plutôt que des consommateurs frénétiques ?
Venise respire, Dubrovnik reprend son souffle, Versailles retrouve son provincialisme d’antan. Dans l’île Saint-Louis, à Paris, on n’entend plus l’exaspérant vrombissement des valises à roulettes en chemin vers l’un de ces Airbnb dont la multiplication a fait grimper les loyers et chassé les habitants. Partout, l’autochtone reprend ses droits sur le nomade, les œuvres et les monuments retrouvent, comme le demande Alexandre Gady, leur préséance sur ceux qui les visitent – ou les traversent. Les disgracieux et puants autocars qui bouchaient la vue et polluaient les façades ont disparu de nos villes et leur cargaison post-humaine avec eux. Autour des grands magasins, on ne se cogne plus à ces grappes humaines dont les grains ne se séparent les uns des autres que quelques instants, le temps de se ruer sur la marchandise d’autant plus convoitée qu’elle attestera du voyage à Paris ou Londres. Bien sûr, en contrepartie, nous ne sommes pas à l’autre bout du monde à nous gaver de pittoresque, faire le pied de grue devant un temple ou une pyramide à ne pas rater, ou essayer de faire cadrer la réalité avec les souvenirs que nous avions emportés dans nos bagages. « Nous ne voyageons pas pour le plaisir de voyager, que je sache. Nous sommes cons, mais pas à ce point », dit un personnage de Beckett, cité par Olivier Rey. Eh bien si. Nous sommes cons à ce point.
L’oxymorique industrie du tourisme
