Les islamistes (et leurs soutiens) sont vent debout contre la chercheuse, depuis la publication de son enquête sur l’influence des Frères Musulmans en Europe. Nous dévoilons ici leurs arguments et méthodes pour tenter de la faire taire.
Les multiples attaques contre l’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler ne sont pas aussi instructives que son excellent livre sur les Frères Musulmans, mais elles sont néanmoins riches d’enseignements.
En première ligne de ces attaques on trouve François Burgat, directeur de recherche émérite au CNRS, mais surtout soutien affiché des réseaux des Frères Musulmans[1], de l’islam politique[2], et de leur « pleine participation à la production des normes sociétales », dont les propos sur Charlie Hebdo en disent long (vidéo ci-dessous).
Une fois de plus, quand les idéologues marquent quelqu’un en lui collant l’étiquette d’« islamophobe », les nervis de l’islamisme réagissent. Nous apprenons par l’avocat de Florence Bergeaud-Blackler, maître Thibault de Montbrial, qu’une plainte a été déposée suite à des menaces de mort reçues par l’anthropologue.
Selon François Burgat, le livre de Florence Bergeaud-Blackler serait « inquiétant »[3]. Compliment involontaire, puisque inquiéter l’agenda idéologique et politique d’un Burgat est un remarquable gage de qualité ! Voici donc un livre qui inquiète ceux qu’il dénonce, preuve qu’il les dérange, ce qui en l’occurrence est une raison plus que suffisante pour le lire et le faire connaître.
Mais, bien sûr, ce n’est pas tout, car les arguments que déploient François Burgat et ses compagnons de route militants (par exemple Souhail Chicha ou Rafik Chekkat) révèlent bien des choses sur leur stratégie.
Inversion accusatoire
On note évidemment l’inversion accusatoire, très classique. Florence Bergeaud-Blackler s’est attachée à mettre au grand jour les réseaux des Frères Musulmans grâce à une étude fouillée, sourcée, solide. Et alors que toute personne un tant soit peu attachée à ce qu’il y a de noble dans notre société devrait s’appuyer sur ce livre pour dénoncer les multiples idiots utiles et les complices de la confrérie islamiste, et les confronter à leur corruption politique, morale, voire financière et juridique, c’est l’anthropologue que l’on somme maintenant de se défendre d’accusations en tout genre, notamment d’être « d’extrême-droite » et même « raciste » ! La manœuvre est grossière, et rappelle (en beaucoup moins habile) le recteur de la Grande Mosquée de Paris déclarant qu’il pardonnait à Mila, alors que cela aurait été à lui d’implorer son pardon à elle au nom de la religion qu’il représente.
Raciste, donc. Car François Burgat et consorts tentent de faire croire que la critique de l’islam(isme) serait une forme de racisme, comme si la religion était une caractéristique « raciale », ou un substitut hypocrite pour désigner une appartenance « raciale. » Eh bien non, l’islam est une idéologie, comme toute religion, et sa vision du monde et de la société est au moins aussi critiquable que celles d’idéologies ne prétendant pas être dictées par une divinité, du communisme au capitalisme en passant par le conservatisme et le progressisme ! Le communisme n’est pas une race, critiquer les goulags et les Cinq de Cambridge n’a jamais été du racisme anti-Slaves, l’islam n’est pas une race, critiquer ses préceptes et s’inquiéter de ses ambitions n’est pas du racisme non plus.
D’extrême-droite, aussi. Venant de l’extrême-gauche, c’est amusant, surtout quand on connaît les « titres et travaux » du co-auteur de l’article que Burgat a écrit dans Médiapart contre Florence Bergeaud-Blackler. D’ailleurs, François Burgat serait-il capable de définir précisément ce qu’il entend par « extrême-droite » ? Il est certain que Florence Bergeaud-Blackler n’est pas de cette gauche qui hurlait « Allah akbar » avec les islamistes à la marche de la honte, et il est certain aussi qu’elle se soucie plus de dire la vérité que de se plier au politiquement correct. Est-ce suffisant pour lui coller une étiquette politique ? Dans tous les cas, il est savoureux que quelqu’un qui a écrit « le fait d’avoir « des liens avec les Frères Musulmans » ne devrait être jamais considéré comme criminalisant » considère maintenant qu’avoir des liens, réels ou supposés, avec ce qu’il appelle « extrême-droite » devrait être disqualifiant !
Notre multiculturalisme n’est que la porte d’entrée de l’islamisme
Mais le plus important n’est sans doute pas là. Car dans ses attaques répétées contre l’anthropologue, François Burgat a affiché, clairement, ce qu’est l’objectif des islamistes : la « pleine participation à la production des normes sociétales. » Autrement dit, la possibilité pour l’islam de transformer notre société pour la rendre plus conforme à ses valeurs, à ses préceptes. Posons-nous donc la question: qu’y a-t-il dans notre société que nous sommes prêts à remplacer par la charia ? Si notre réponse est « rien », alors nul doute qu’aux yeux de Burgat nous sommes d’affreux racistes d’extrême-droite. Ah, au fait: parce que dans toute son histoire l’islam n’a jamais accepté d’autre source normative que lui-même, ne doutons pas un instant que cette « pleine participation » s’attachera à obtenir, à terme, le monopole de la « production des normes sociétales »… Si vous rêviez de multiculturalisme, de coexistence paisible ou de créolisation, vous voici prévenus.
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Voilà qui doit nous faire réfléchir. Car en évoquant ce qui est pour lui un objectif souhaitable, François Burgat met en évidence un danger majeur pour notre avenir collectif. Il est en effet impossible d’écarter longtemps une part importante des citoyens d’une démocratie de la « pleine participation à la production des normes sociétales », sauf à renoncer à la démocratie elle-même et à semer les ferments de révoltes futures. Dès lors, si une forte proportion des personnes disposant du droit de vote en France adhère aux valeurs de l’islam, ces valeurs finiront inéluctablement par transformer nos « normes sociétales ».
Bien sûr, il y a des musulmans sécularisés, bien sûr il y a des musulmans seulement par habitude ou par tradition familiale, bien sûr il y a des musulmans réformateurs de l’islam, qui ne partagent pas la vision du monde véhiculée par les textes sacrés de l’islam et par les divers courants de l’islam orthodoxe. D’ailleurs, ces musulmans-là ne se reconnaissent absolument pas dans l’idéologie des Frères Musulmans ni dans les multiples variantes de cet islam politique que défendent Burgat et ses compagnons de route. Ainsi, il y a quelques jours à peine Sonia Mabrouk fut elle aussi prise à parti, qualifiée notamment de « native informant » (version pseudo-savante de l’injure raciste « arabe de service ») par Rafik Chekkat, l’un de ceux qui attaquent Florence Bergeaud-Blackler aux côtés de François Burgat. De même, le toujours courageux Mohamed Louizi, soutien déterminé de l’anthropologue et adversaire résolu des Frères Musulmans, est lui aussi leur cible.
N’oublions pas ces cas particuliers, mais ne nous cachons pas derrière eux pour refuser de voir l’évidence d’ordre général : on ne peut pas « en même temps » vouloir toujours plus de musulmans en France, et refuser que l’islam influence notre société et notre art de vivre. Dit autrement, la dissolution du CCIF ne pèse rien face à la politique migratoire d’Emmanuel Macron.
Naïfs et faux naïfs
Oh, certains croient encore (ou feignent de croire) que toute personne acquérant la nationalité française se retrouve soudain émancipée de l’influence de son passé, de son éducation, de sa religion, de la culture qui jusqu’alors ont imprégné chaque aspect de sa vie. Les mêmes rêvent d’ailleurs « d’émanciper » les Français de tout ce qui fait la France, et voudraient s’émanciper même des fondations anthropologiques et culturelles qui rendent l’émancipation possible en la rendant pensable, sciant consciencieusement la branche sur laquelle ils sont assis… Ils croient, ou feignent de croire, qu’un nouveau Français « aussi Français que vous et moi » serait ainsi sauvé de l’emprise « identitaire » par la grâce d’une décision administrative bradée, transformé dans ses convictions les plus profondes par la magie de l’invocation rituelle des « valeurs de la République », la contemplation mystique des « chartes de la laïcité » placardées partout comme des parodies d’exorcismes, et l’aspiration hautement métaphysique à avoir une Rolex à 50 ans, à être milliardaire ou à traverser la rue dans une nation réduite à une startup géante. Que ses enfants et petits-enfants deviendront de parfaits petits républicains grâce au creuset d’une société déconstruite et au système scolaire ravagé d’« institutions généralement défaillantes dans leurs fonctions essentielles, celle de la représentation comme celles de l’action » qui se revanchent « en nous disant quoi penser, comment parler, quand se taire », pour citer l’académicien François Sureau. À ces naïfs et faux naïfs, le réel ne cesse évidemment de donner tort.
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Illustration avec la proportion effarante d’enseignants obligés de s’auto-censurer pour complaire aux caprices religieux de leurs élèves (et tout le monde sait quelle est la religion des élèves dont les convictions religieuses posent problème). Illustration avec la terrible litanie de la normalisation du hijab à l’occasion de la journée des droits des femmes, glas funèbre dont chaque coup est un crachat au visage des Iraniennes et des Afghanes et de tant d’autres qui luttent pour obtenir enfin ce à quoi nous sommes en train de renoncer. Illustration Outre-Manche avec cet imam refusant de serrer la main de Kate Middleton, bien qu’elle ait choisi de porter un semblant de voile – ou peut-être est-ce ce premier geste de soumission de la future reine d’Angleterre qui a conduit l’imam à se sentir en position de force ? Jamais la grande Élisabeth et Sir Francis Walsingham n’auraient laissé passer pareille injure, ce n’est pas avec des « accommodements raisonnables » qu’ils ont pacifié le royaume après les guerres de religions… Illustration avec la toile des réseaux fréristes, leur entrisme dans les institutions européennes, dans les sphères politiques et médiatiques, dans l’enseignement et la recherche (le silence du monde universitaire face aux attaques contre Florence Bergeaud-Blackler est d’ailleurs assourdissant): il y a là de quoi… écrire un livre !
La connaissance ne remplace pas l’action, mais elle est un préalable indispensable à l’action efficace. Ceux qui soutiennent les Frères Musulmans et leur projet d’islamisation en sont conscients, et c’est bien pour cette raison qu’ils s’en prennent à Florence Bergeaud-Blackler. Preuve éclatante de l’importance de son travail, et de l’importance de la soutenir. Preuve, aussi, que les islamistes n’ont pas encore gagné : s’ils étaient sûrs de leur victoire, la mise en lumière de la vérité ne les inquiéterait pas autant, et ils ne se donneraient pas la peine de tels assauts contre l’anthropologue. Leur inquiétude est une excellente nouvelle.
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[1] « Le fait d’avoir « des liens avec les Frères Musulmans » ne devrait jamais être considéré comme criminalisant. Ce vieux logiciel imbécile est dangereux et il doit d’urgence être discrédité », François Burgat sur Twitter, 11 juillet 2021.
[2] « L’islam politique, mauvaise cible des Occidentaux », tribune dans le journal Le Monde, 27 février 2020.
[3] François Burgat sur Twitter, 7 mars 2023.
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