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Qui a peur de Monsieur Zemmour ?


Eric Zemmour
Eric Zemmour

Marianne2 nous apprend ce soir que l’Union des syndicats de magistrats (USM) a demandé à Michèle Alliot-Marie, ministre de la Justice, quelle mesure elle entend prendre « en réaction à ces propos inacceptables qui tendent à discréditer l’institution judiciaire, et affaiblissent l’autorité de l’Etat ».

Les propos en question ont été prononcés par Eric Zemmour, lors de sa chronique matinale sur RTL, lundi dernier. Pour résumer, il avait reproché vertement aux juges en général, et en particulier à ceux qui avaient pris la décision de remettre en liberté les immigrés clandestins kurdes débarqués dans le sud de la Corse, d’entraver pour des raisons idéologiques les efforts de lutte contre l’immigration illégale mis en œuvre par les gouvernements successifs.

Quel genre de mesure demande l’USM contre le journaliste ? Qu’on l’embastille ? Qu’on lui retire sa carte de presse ? Entendons-nous bien. Il ne s’agit pas là de donner son avis sur la chronique d’Eric Zemmour. Il s’agit de traiter de la réaction pour le moins incongrue de ce syndicat. Un syndicat joue son rôle en défendant ses adhérents mais, en l’espèce, il ne se plaint pas à RTL ni ne produit un communiqué de protestation. Il sollicite discrètement la ministre et demande, en termes très sibyllins, que des sanctions soient prises contre un journaliste.

On peut aussi se demander pourquoi l’USM réagit maintenant si les propos d’Eric Zemmour portent autant atteinte à l’autorité judiciaire. Non seulement il a déjà critiqué certains juges à la télé et à la radio[1. Par exemple, la semaine avant, il avait rappelé l’acharnement judiciaire dont, selon lui, Loïc Le Floc’h Prigent faisait l’objet.], mais il a consacré il y a treize ans un livre à ce sujet, intitulé – excusez du peu – Le coup d’Etat des juges[2. Grasset – janvier 1997] ! Aux dernières nouvelles, l’ouvrage est toujours en vente libre.

Il est curieux que l’USM n’ait pas sollicité le ministre de la Justice de l’époque lorsque, avant tout le monde, Florence Aubenas, de Libération, ou Frédéric Ploquin, de Marianne, mirent en doute la procédure mise en œuvre par le juge Fabrice Burgaud dans la trop célèbre affaire d’Outreau[4. On rappellera qu’une promotion d’étudiants de l’Ecole de la Magistrature voulait prendre le nom du célèbre juge et qu’il a fallu bien des efforts pour l’en dissuader par peur du scandale.]. Madame Alliot-Marie a-t-elle reçu un courrier lorsque le Canard Enchaîné, il y a deux semaines, fustigea la promotion de Monsieur Lathoud comme directeur de l’administration pénitentiaire, alors qu’il fut procureur général de Douai et donc l’un des principaux responsables de ce fiasco judiciaire ?

Critiquer les décisions de justice, pour un journaliste ou un polémiste, ce n’est pas nouveau. Voltaire, dans l’affaire Callas, et Zola, dans l’affaire Dreyfus, n’y sont pas allés de main morte en leur temps. L’interdiction de critiquer les décisions de justice ne s’applique heureusement pas aux journaux. En revanche, en vertu de la séparation des pouvoirs, les parlementaires ou les membres du gouvernement doivent s’abstenir de toute critique ou même de commentaire[3. Ce ne fut pas le cas du ministre de l’Intérieur lors de l’affaire Cremel. On va dire que je m’acharne, mais tant pis.].

En fait, Zemmour met, une fois de plus, le doigt où cela fait mal lorsqu’il dénonce le parti pris idéologique d’une partie des magistrats et met en garde contre l’avènement d’un gouvernement des juges. Lorsqu’il le faisait dans des livres ou à 1 heure du matin à la télé, cela passait encore. Mais il semble que sa présence lors de cette tranche horaire, la plus écoutée de France à la radio, gêne beaucoup plus de monde.

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