Nous sommes tous responsables du dérapage des comptes publics, observe notre directrice de la rédaction
La commission des Finances de l’Assemblée nationale se transforme en commission d’enquête sur le dérapage des comptes publics.
Rappel de quelques chiffres, désormais connus de presque tout le monde: dans le précédent budget, le déficit du présent exercice était annoncé à 4,4% du PIB. Il a ensuite été relevé à 5,1% en cours d’exercice. Finalement, nous sommes à 6%. Résultat : une différence de 60 milliards d’euros à trouver en urgence.
Menteurs
Certes, il faudra effectivement savoir comment ce dérapage budgétaire a été possible. Mais en attendant, l’affaire est déjà devenue une nouvelle arme de notre guéguerre politique. On entend tous la petite musique qui monte: « ils ont menti, voire maquillé. Ils savaient et n’ont rien dit… » Ces trémolos sur la transparence et le mensonge sont rigolos. En dehors de ces questions, le mensonge est en temps normal l’huile dans les rouages de la vie sociale et publique. Chers lecteurs, essayez donc de dire tout ce que vous pensez pendant une journée ! Le mensonge est aussi parfois une stratégie politique. Par exemple, la gauche a raconté durant des semaines qu’elle avait gagné les élections législatives, ce qui est faux, et pourtant personne ne hurle qu’on doit la vérité aux électeurs. Donc il faut arrêter le délire. En l’occurrence, je ne crois pas que nos dirigeants aient menti volontairement, et encore moins falsifié : ils ont laissé filer et regardé ailleurs. Bruno Le Maire avait demandé un collectif budgétaire en cours de route; le président Macron a refusé parce qu’il a un peu pris cela par-dessus la jambe (l’intendance suivra…) et que les européennes arrivaient.
Le droit de savoir
Ensuite, nous avons connu deux mois de vacance du pouvoir. Personne ne se sentait responsable du sujet, et il n’y avait pas de Premier ministre à qui rendre compte. Bref, nos gouvernants sont peut-être incompétents – il ne faut pas l’exclure(!) – mais j’en ai assez d’entendre dire qu’ils sont malhonnêtes. Les Français ont bien le droit de savoir, dit-on. Encore faudrait-il qu’ils veuillent savoir. Tout le monde veut réduire la dette… à condition que ça tape sur les autres. Et on adore croire qu’en taxant les riches, tout changera. La commission d’enquête nous dira quels postes précisément (c’est la polémique du jour…) ont dérapé. Et c’est important de le savoir. Mais, elle devrait aussi s’intéresser aux gabegies structurelles. On ferait de sacrées économies en supprimant d’un décret tous les doublons, triplons et quadruplons d’officines inutiles. Le CESE par exemple ne sert à rien, mais pourtant il existe aussi des doublons à l’échelle des régions et parfois des intercommunalités ! La vérité, c’est que nous sommes tous responsables. De la distribution d’argent public contre rien, du clientélisme… Si les dépenses ont dérapé, ce n’est pas parce que Bruno Le Maire et les autres s’en sont mis plein les poches, mais parce qu’ils ont répondu à de multiples pressions, demandes et revendications. Elles sont souvent légitimes: moi aussi, je voudrais plus de profs, plus de médecins, plus de flics et plus de magistrats. Moi aussi, je ne veux que le bonheur des retraités, des étudiants ou des chômeurs.
Mais j’aimerais aussi qu’on sorte de ce rapport névrotique à l’État, considéré comme l’Oncle Picsou à qui il faut arracher son magot. Désolée: il n’y a pas d’Oncle Picsou. Et pas de solution indolore. Si nous voulons nous en sortir, il faudra travailler plus et moins attendre de la collectivité.
Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio
Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin
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