Dans l’univers impitoyable du travail, on trouve des collègues populaires, des meneurs d’ordre, des ambitieux et des fainéants. Pour progresser, mieux vaut connaître ses défauts et ses qualités.
1. Si vous étiez un employé ou un numéro 2, vous seriez :
a) Tullius Détritus dans La Zizanie. Vous savez instaurer des relations de respect mutuel qui rappellent les meilleures heures d’un congrès socialiste, vous avez d’ailleurs donné récemment votre mesure en coachant la dernière élection du chef du parti. Quand on sait que, pour vos dernières vacances, vous avez fait un road trip en Russie et en Ukraine, on comprend mieux pourquoi Xi Jinping vous a offert un voyage à Taïwan et Recep Tayyip Erdogan, un séjour en Grèce.
b) Pépin le Bref. Vous êtes le P’tit Pimousse de l’histoire de France. Petit, mais costaud. Votre n+1 est un roi fainéant. Un tantinet maniaque, vous n’hésitez pas à ramasser le sceptre qu’il laisse traîner un peu partout. De là à le garder…
c) Iznogoud, le Poulidor du putsch, toujours partant, jamais vainqueur. Vous illustrez parfaitement l’adage qui distingue obligation de moyens d’obligation de résultat : malgré l’énergie certaine que vous mettez dans votre projet d’ascension sociale par le crime, la société ne vous offre pas la reconnaissance espérée et la réussite vous fuit.
d) Prince Harry, duc de Sussex. Passe encore que vous ne serviez à rien tout en coûtant une blinde à votre famille, mais faut-il vraiment que vous soyez aussi geignard ? Un peu de dignité que diable, pensez à votre oncle Andrew !
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2. Si vous étiez un grand guerrier, vous seriez :
a) Attila. Vous aussi êtes né pour être un killer, un « cost killer ». Devant vous la ressource humaine tremble et la masse salariale se rétracte. Hélas, point de horde de Huns pour vous aider à mener à bien votre mission salvatrice de délocalisation de la production au fin fond de la Papouasie. Personne pour vous aider à lutter contre le « quiet quitting » qui frappe notre jeunesse amollie dans le confort, en mettant les enfants au travail dès 5 ans pour leur apprendre la vie. Incompris, vous êtes seul et haï, mais votre fiche de paye affiche quatre zéros et votre femme a vingt ans de moins que vous, votre secrétaire aussi.
b) Jeanne d’Arc. Vous êtes la reine de la candidature spontanée et du lancement de carrière fulgurant. De bergère à général en un coup gagnant. Malheureusement vous connaissez des difficultés à l’international et avez du mal avec la filière anglo-saxonne. Méfiez-vous, vous pourriez vous y brûler les ailes.
c) Napoléon. Vous êtes un homme qui sait saisir les opportunités et bousculer le destin. Malheureusement vous ne vous épanouissez que dans le conflit et avez du mal à évoluer dans un cadre européen en respectant la souveraineté territoriale de vos partenaires.
d) Gaston Lagaffe. Vous n’êtes pas paresseux, c’est juste que votre créativité est incomprise de béotiens productivistes aux ambitions triviales et bassement matérialistes.
3. Si vous étiez un loser, vous seriez :
a) Hubert Bonisseur de La Bath dans OSS 117. Vous êtes particulièrement débile, mais encore plus chanceux. Toutes vos initiatives tournent à la catastrophe, mais ce sont vos partenaires qui en payent le prix. Alors pourquoi changer ? Hasta la vista, baby !
b) Jean-Claude Dusse dans Les Bronzés. Vous y croyez pourtant, vous ne ménagez pas vos efforts mais rien à faire, vous ne concluez pas. Allez, dites-nous tout, vous êtes commercial chez Dassault Industries et essayez de vendre des Rafale à nos amis européens ?
c) Cruella d’Enfer. Vous avez plus de charisme que les 101 dalmatiens et leur maître réunis mais voilà, vous êtes un méchant de dessin animé, donc condamné à perdre. Reconvertissez-vous dans le cinéma pour adulte, dans Orange mécanique, c’est le méchant qui gagne à la fin !
d) Bridget Jones. Bon, vous n’êtes pas le couteau le plus affûté du tiroir et vous passez trop de temps sur Tinder au boulot, mais vous savez donner de votre personne. Évitez juste de la donner à votre n+1, personne ne croira en votre mérite, mais tout l’open space dira que votre soutien-gorge vous sert de cordée.
4. Si vous étiez une entreprise, vous seriez :
a) Krupp. Une sympathique entreprise familiale, appuyée sur des valeurs traditionnelles : antisémitisme, exploitation de déportés, soutien au régime nazi… D’ailleurs vous avez même eu les honneurs du cinéma, Les Damnés de Visconti vous servent d’album de famille. De quoi donner envie d’élaguer son arbre généalogique. Justement le film vous fournit le mode d’emploi.
b) Apple. Votre ado passe son temps dans votre sous-sol avec un copain binoclard et boutonneux, et quand vous les espionnez cela ne sent pas la marijuana à plein nez. Vous avez peut-être touché le gros lot et pondu le nouveau Steve Jobs. Vous vous en doutiez un peu, il présente la liste des courses sous forme de Keynote et organise des brainstorming avec la perruche et les acariens du tapis pour choisir le nom du chien.
c) Une start-up. Vous comptez sous-payer vos salariés, mais vous avez installé un baby-foot dans l’open space et du coup vous atteignez les sommets de la coolitude patronale. Vous organisez des « stands up meeting », des ateliers de « design thinking » et vous vous filmez la bouche en cul-de-poule sur les réseaux en expliquant à vos followers que vos employés ne travaillent pas pour vous, mais avec vous. Au final vous fonctionnez comme une entreprise traditionnelle à coups de projets mal définis, de plannings aussi ambitieux qu’irréalistes, de discours de la hiérarchie déconnecté de la réalité du terrain. Bien sûr vous prenez seul toutes les décisions et quand ça tourne mal, vous êtes victime de l’incompétence des autres. Vous êtes sûr que vous n’êtes pas Emmanuel Macron ?
d) Une entreprise de niche. Vous investissez dans l’obsessionnel militant. Un bon marché captif de personnes qui pour se distinguer choisissent de faire quand même dans le grégaire, mais minoritaire. Du coup vous avez investi sur le véganisme. Vos produits sont dégueulasses, mais vous vous marrez bien dans les séances de brainstorming pour choisir les noms. Le coup du foie gras végan rebaptisé « faux gras », qui permet de vendre cher un mixage d’huile de palme, d’amidon de pomme de terre et de tofu, est votre coup de maître. Allez, une bonne côte de bœuf pour fêter ça ?
Résultats :
Un maximum de a)
Le Toxique. Aussi populaire qu’un inspecteur du travail dans un congrès du Medef ou qu’un staphylocoque doré dans un service hospitalier, vous savez mettre de l’ambiance dans l’open space. En matière de team building, vous faites plutôt dans la démolition par explosif et la notion de bienveillance dans le management vous donne envie de dissoudre des chatons dans l’acide. Dans votre dos, on vous appelle Benito. Vous ne comprenez pas pourquoi, vous n’êtes même pas italien.
Un maximum de b)
Le Leader. Meneur d’hommes né, au xiiie siècle vous auriez été Gengis Khan. Au xxie vous vous bornez à blinder vos projets et à organiser vos troupes en task force afin d’affiner votre plan d’attaque pour conquérir de nouveaux marchés en menant une guerre marketing totale. En bref, vous essayez de refourguer à Jean-René de chez Carrefour des œufs de lump daubés au prix du caviar. Cerise sur le logo, comme depuis l’affaire France Telecom pousser ses salariés au suicide pour alléger les équipes est mal perçu, vous êtes obligé de suivre des tutos sur le management par la bienveillance. Et dire que Gengis, lui, avait le droit de découper au sabre ses collaborateurs récalcitrants.
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Un maximum de c)
L’Ambitieux. Vous trichez sur vos rendements réels pour faire passer tous vos collègues pour des glandeurs. Si vous appelez cela « susciter une saine émulation au service du collectif » et réussissez ainsi à faire passer le mensonge et le sadisme pour de la « motivation par objectifs » et de la « conduite opérationnelle participative », vous avez toutes les chances d’obtenir une promotion.
Un maximum de d)
Le Fainéant. Pour vous voir, mieux vaut aller au bas de l’immeuble que dans votre bureau, votre principale activité étant la pause clope. Mais pendant que vous faites preuve d’un dynamisme acharné tout entier voué à la destruction de vos poumons, vous ne remplissez pas votre mission. Ce n’est pas grave, de toute façon vous êtes affecté à la surveillance d’usines où il ne se passe rien. Vous avez commencé votre carrière à Bhopal et venez d’être affecté à Tchernobyl.