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Quand Sollers coache Stendhal


Quand Sollers coache Stendhal

Philippe Sollers est un gros malin, en plus d’être écrivain. Ça fait des mois que j’achète le JDD juste quand je suis sûre de lire sa chronique du mois, où il parle invariablement du pape et de ses propres livres. Mais je m’en fous. J’aime qu’il se moque de moi, y compris dans son dernier livre, Trésor d’Amour. Évidemment, un titre pareil, on ricane : « Vous imaginez, écrit-il, aujourd’hui un roman ayant pour titre Trésor d’Amour ? Ça paraîtrait grotesque, on ne l’ouvrirait qu’en cachette. »[access capability= »lire_inedits »]

De quoi parle-t-il ? D’une Minna. Fiancée vénitienne divorcée avec enfant, beaucoup plus jeune que lui, avec qui il n’a pas besoin de parler. Il passe du temps au lit avec elle, dîne, regarde la lagune et cause de Stendhal. Le vrai objet du livre. Stendhal dont il nous raconte les liaisons, les obsessions, l’embonpoint, les campagnes napoléoniennes, les histoires d’amour foireuses et les livres.

On y revient toujours. Ce Stendhal, il en fait une espèce de double, rendu malheureux par la tournure des choses qui massacre son époque. Jamais aigre mais triste d’une époque moisie, comme qui dirait… « Cet homme ne redoutait au monde que deux choses : les ennuyeux et l’air humide. » Sollers s’offre d’ailleurs le luxe de corriger, à un siècle et demi de distance, les râteaux que Stendhal prend avec un certain nombre de femmes, lui expliquant ce qu’il fallait écrire dans ses billets pour s’assurer de les retrouver dans son lit.

Il brode habilement sur ses obsessions, la disparition, la liberté, la discrétion, l’amour : « La province, c’est la platitude des désirs, les prétentions puériles et, plus que tout, la gauche hypocrisie… La politesse empressée, incommode, empreinte de fausseté, puante de mensonge. » Evidemment, il ne faut pas espérer trouver dans Trésor d’Amour un vademecum pour le bonheur et la félicité urbaine au XXIe siècle. Il fait mine de ne parler que de lui, de sa vie extraordinaire d’écrivain qui se planque derrière d’autres (procédé déjà vu dans son précédent Discours parfait), avec pour unique visée « la préparation d’une Renaissance à laquelle, sauf de très rares exceptions, plus personne ne croit ». Dans le fond, en terminant Trésor d’Amour, je ne sais toujours pas ce que Philippe Sollers veut dire à ses lecteurs : allez lire Stendhal, dont l’inachevé Le Rose et le Vert ? Trop simple. Installez-vous à Venise, chassez le bonheur de manière « sensuelle et spirituelle », lisez mes livres jusqu’à plus soif.

Reste un truc, la langue elle-même, la brutalité, la beauté des formules en passant : « On sort, on marche un peu dans la nuit, on prend le bateau, l’eau nous enveloppe, tout est velours, tout est gratuit. » Rien que pour cette phrase, Trésor d’Amour vaut d’être lu en douce.[/access]

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Février 2011 · N°32

Article extrait du Magazine Causeur



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est journaliste

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